"Il s'est rappelé les fauves. Ce qu'il leur restait de mémoire, d'instinct, de réflexes, ne se déchargeait plus que dans les muscles qui roulaient sous leur pelage : la forme la plus archaïque, la plus noble d'une conscience captive qui ne s'avouait pas encore vaincue. Il semblait que d'un instant à l'autre, une pensée allait surgir de là, dans sa pureté élémentaire. Dans cette attente, on ne ressentait que l'acuité d'une souffrance et, pour peu, on se fût étonné que la terre ne tremblât pas, et que là, au fond de la cage, ne s'ouvrît pas un cratère... Qui délivrerait jamais le Créateur de la douleur de ses créatures ?
Tournant le dos à l'horizon, il vit les vagues qui se reflétaient dans les vitrines des hôtels, au loin sur la digue. On les eût cru photographiées. Ce faste lui crocheta le coeur, et il s'étonna de ne pas s'être plus souvent baigné les yeux dans le lait du monde.
"Il faut s'accommoder et, de temps à autre, regarder la mer." Gottfried Been
La tempête s'était calmée.Il s'était éloigné, l'orage de l'Expression. Il était retombé le sanglant rideau de l'Histoire. Que de bruit et de fureur. De suie et de terreur. de nuit et d'horreur. D'erreur.
Par comparaison avec ce qui s'est, en définitive, passé songea-t-il,nos coups de gueule nos coups de gueule de jeunesse ne tiraient à boulets rouges que sur des toiles d'araignée. Nous criions au loup dans le brouillard...
...Quinze ans de silence, de mise à l'ombre. Et puis, dans son propre pays, sa parole circula de nouveau. Une jeunesse qui appelait l'avènement d'une Allemagne nouvelle, purifiée de ses forfaits, découvrit chez lui non la photographie des évènements - mais comme son négatif. Sa renommée franchit des frontières.