Madrid. de nos jours. Julio et Laura forment un couple inachevé qui a trouvé un certain équilibre en compagnie de leur voisin Manuel, un écrivain qui leur paraît à tous deux une sorte de modèle : pour elle, l'amant secret, pour lui, le frère ennemi...
Un jour, le couple apprend que Manuel a eu un accident, il est dans le coma, et leur équilibre va se rompre, comme une digue ébréchée finit par céder.
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La rencontre avec l'univers mystérieux de Millás est une révélation ! j'ai été conquise par le style de l'auteur que je compare à
Paul Auster chez les hommes et à
Yoko Ogawa chez les filles. Comme eux, Millás joue avec les formes, les objets, les ombres, les reflets et les personnalités. A chaque mot, on espère une révélation, un voile qui se tire sur le miroir et qui va tout remettre dans l'ordre des choses. Mais il n'y a pas d'ordre, seulement des pulsions, des pulsations.
Julio et Laura, qui espèrent un enfant, se lient d'amitié avec le voisin qui occupe un appartement contigu au leur en parfaite symétrie. Mais alors qu'eux sont deux, Manuel est seul. Quand Manuel se retrouve dans le coma, Laura ne laisse aucune chance à Julio et lui demande de partir ; dépourvu, Julio s'installe dans l'appartement voisin et devient le spectateur
invisible de son ancienne vie. Dans son nouvel univers, il s'efforce de devenir aussi discret qu'un fantôme, il épie les bruits de sa femme en tentant lui-même de n'en produire aucun, il se dépouille de ses anciens vêtements, de son odeur, pour se glisser dans ceux de Manuel, le double impuissant sur son lit d'hopital, Manuel qui lui a volé sa femme.
Julio fait de nouvelles rencontres qui semblent s'emboîter les unes dans les autres mais qui sont aussi comme des éternels recommencements : l'énigmatique Julia et son étrange petite fille qu'il doit garder de temps en temps. Ferait-il un bon père ? Saurait-il s'occuper d'un petit enfant ?
De nombreux thèmes sont abordés. L'amour, l'envie, le désir, la filiation, la responsabilité, les apparences, la manière d'appréhender les évènements en fonction d'un point de vue qui évolue selon son état d'esprit.
La drogue est évoquée, en filigrane, Julio s'en méfie même s'il consomme un peu.
Julio se trouve en se cherchant ailleurs, d'abord perdu et éperdu, il se reprend en main en décidant d'influencer sa vie comme il manipule les élements des décors qu'il construit, soudain capable de s'observer. Il devient insensible aux choses qui auparavant lui importaient, comme s'il muait et que son ancienne peau lui était devenue étrangère.
Il y a Hopper qui se superpose au travers de ce roman dans mon esprit, des êtres esseulés, comme incapables de se voir, de se comprendre réellement, qui cohabitent, qui se glissent les uns à côté des autres et qui semblent n'être en mesure que de se toucher grâce à leurs ombres, leur reflet.
Je remercie de tout coeur Romaric des éditions Galaade qui m'a envoyé ce livre, sans lui, je n'aurai certainement jamais connu cet auteur qui mérite de l'être.