Cette anthologie rassemble les cinq pièces les plus connues de Miller. En France, on ne connaît d'ailleurs quasiment que celles-ci. Et encore, si on met à part
Mort d'un commis voyageur et
Les Sorcières de Salem, on ne peut pas dire que les trois autres, à savoir
Ils étaient tous mes fils, Je me souviens de deux lundis et
Vu du pont, soient beaucoup lues. Quant à toutes les autres pièces de Miller, même si certaines ont été traduites en français et montées en France, elles restent réservées à un public quasiment confidentiel. Essayez d'ailleurs d'acheter les textes, même en braderie, vous risquez bien de vous y casser les dents ! Cela dit, rien de bien nouveau quand on sait qu'une bonne partie de l'oeuvre de Tennessee Wiliams n'a jamais été traduite chez nous.
L'intérêt de lire ces pièces-ci dans cette anthologie publiée peu après, je crois,
Vu du pont (je n'arrive pas à retrouver l'année exacte), c'est - outre l'opportunité de tenir cinq pièces de Miller en main - d'avoir accès à la longue introduction écrite par le dramaturge lui-même, qui explicite sa pensée, son théâtre, et la façon dont il a évolué entre 1947 et 1955. Ce n'est pas toujours évident à suivre, il faut bien avouer que ça demande pas mal de concentration lors de certains passages ; Miller y parle par exemple d'expressionnisme, de réalisme, de symbolisme en matière de théâtre, de la manière qui convient à tel sujet ou plutôt à tel autre. Et il décortique la genèse et l'écriture de chacune des pièces. C'est particulièrement instructif, et sans doute encore davantage à propos des Sorcières de Salem qu'à propos des autres pièces : il écrit que si, oui, d'accord, c'est une pièce sur le maccarthysme, il est curieux qu'on y ait vu que cela étant donné que, au fond, ce n'est pas une pièce sur le maccarthysme...
Je ne reviens pas sur chacune des pièces, parce que je les ai déjà critiquées une à une. Je pense qu'on peut parler sans trop se tromper, pour ces cinq pièces-ci, de théâtre à thèse, ou du moins à message, avec des constantes : critique sociale, anti-capitalisme, responsabilité individuelle, famille. C'est toujours intéressant, ça met le doigt où ça fait mal, c'est toujours bien construit, inventif : nul doute que Miller est bien un auteur à lire. Cela dit, j'ai trouvé que
Les Sorcières de Salem manquait de subtilité, alors qu'à mes yeux,
Mort d'un commis voyageur est la véritable perle de cette anthologie. de toute façon, lisez tout, ça n'est pas très long, et c'est toujours bon à prendre. Et surtout, c'est du véritable théâtre politique et social, contrairement à certaines créations actuelles (ou plus anciennes, d'ailleurs) qui surfent sur l'actualité pour proposer des oeuvres assez - voire très - creuses.