Ma conversion
Honoré Gabriel Riqueti de Mirabeau (1749-1791)
Dans cette oeuvre d'une imagination délirante, le Comte de Mirabeau, ne prend jamais au sérieux son personnage principal. Il nous conte avec humour sous forme de dialogue avec un inconnu, les aventures libertines et les péripéties amoureuses d'un jeune noble, dont les seules ressources consistent à se vendre aux dames les plus offrantes.
Au rancart les moralistes ! Parlant de l'une de ses conquêtes, notre héros des nobles couches déclare avec assurance :
« Elle a trente - six ans et j'en ai vingt-quatre, elle est encore bien, mais je suis mieux ! Elle met de son côté le tempérament et bien sûr l'argent, et moi la vigueur et le secret. »
Alors qu'un jour il attend les faveurs d'une princesse, il est tout émoustillé par la jeune fille qui s'offre à ses yeux, portant un négligé modeste, affectant une simplicité naïve et des charmes qui n'attendent pour éclore que les hommages de l'amour et des détails délicieux.
Notre homme en fait son affaire et avec la belle Julie, nièce de la princesse, il envisage un second acte pour honorer les hémisphères enchanteurs que dissimulent avec parcimonie les dérangements d'un peignoir, bijoux de chair sur les quels ils n'osent encore voyager que des yeux avant que ne commence le voyage pour Cythère. Il connaît bien la musique et sa comparse sait bien battre la mesure et tenir la cadence après avoir dévoilé un sein de lis et de rose, après quelques prémisses un peu fous, et montré une souplesse de rein qui ne demande que de l'usage. Ce dont il usa de toutes les façons…
Notre homme aime les caresses préliminaires, les préludes à la jouissance et les paroles magiques, qui, faisant annonce de l'extase, aident à s'y plonger au plus profond jusqu'à l'empyrée. Sinon l'ennui baille vite sur le sein de ses belles, l‘amour fuit, l'essaim des plaisirs s'envolent et l'on s'endort…
Duchesses lascives, princesses libertines, comtesses luxurieuses, abbesses voluptueuses et même les délicieuses novices, au demeurant sacrées diablesses, se disputent notre satyriasis, vénal, cupide et calculateur. Jusqu'à cette abbesse jouisseuse impénitente mais sans art et sans raffinement, cependant réceptive aux conseils avisés de notre homme qui sait l'enflammer de ses leçons d'amour. Et puis les novices ! ah les novices ! qui ont été faites épouses d'un être immatériel et pour la contemplation, ce qui toutefois ne détruit en rien leur corporalité. Il en résulte dans la jeunesse une révolte des esprits charnels.
Et puis c'est une baronne qui veut qu'on la ramone comme dit notre homme ! le baron, qui lui ne le peut, dit qu'il le veut et c'est pour cette bonne oeuvre que notre héros arrive céans. Une brune piquante et de jolis yeux, une taille ramassée en jument poulinière, tétonnière à souhait et la croupe normande. La suite au fond de l'alcôve enchante la baronne et le séducteur.
C'est une jeune et naïve paysanne de seize ans aux reins vigoureux, sensible et jolie pour le plaisir, et qui sait laisser parler ses désirs, qui prend la suite.
Plus tard, de retour à Paris pour retrouver les bonnes habitudes avec les connaissances adoubées, une orgie commence, des flots de champagne coulent, l'ivresse s'en mêle, les tribades deviennent de vraies bacchantes. On imagine la suite avec toutes ces bougresses avides d'épectase !
Notre homme aime les couples quand il déclare qu'il est le féal commensal de certains ménages, en suppléant aux défaillances du mari, faisant montre d'un priapisme dévoué.
le Père Ambroise, révérend se disant le plus honnête des capuchonnaires, que notre ami surprend en train de gamahucher Alexandrine, livre à notre ami des confessions dans la même tonalité pour avouer comment il rend régulièrement service aux ménages. Une adolescence de bardache au nom de la sainte obéissance, après être entré au cloître à 19 ans, il devient plus tard un libertin audacieux et un cénobite amateur d'oaristys.
Jeux de mots et catachrèses, métaphores et métonymies se succèdent en un langage châtié et un style très XVIIIe, pour notre plus grand plaisir dans ce roman coquin, sans doute autobiographique quand on connaît la vie réputée de débauche du Comte de Mirabeau. Et quel style :
« Tu seras ma sultane. le plus bel incarnat anime son teint de blonde ; ses grands yeux bleus ne demandent qu'à mourir pour ressusciter…Tous les raffinements de la volupté nous enivraient tour à tour. Je la trouve dans son cabinet de bains ; elle en sortait comme Vénus Anadyomène, parée de sa seule beauté…Ses beaux cheveux flottaient sur ses épaules ; sa main caressait une gorge d'albâtre ; elle contemplait tous ses charmes avec un doux sourire…Le feu coulait dans mes veines…Elle cherche à se faire un voile de sa longue chevelure... »
Quant à la femme du colonel, la solide Euphrosie, « que le voile du mystère couvre à jamais nos plaisirs ! » s'exclame notre aimant (ou amant !) qui ajoute :
« Mais que de combats j'eus à soutenir contre sa vertu !... Je persuadai, je triomphai !... Six mois se passèrent au milieu des délices. Nos feux sans cesse renaissant avaient toujours le charme de la nouveauté… »
La suite est plus triste…
Devenu l'époux d'Euterpe au visage taillé à la serpe, il bénéficie d'une rente plus que confortable mais va aller de surprise en surprise lors de la nuit de noces.
de son vrai nom Honoré Gabriel Riqueti comte de Mirabeau (1749-1791), l'auteur écrivain fut aussi diplomate, homme politique et journaliste. Surnommé l'Orateur du peuple, député du Tiers-État quoique noble, il fut une des figures de la Révolution. Il fut inhumé au Panthéon dont il fut le premier occupant, temporaire hélas, car il fut exhumé sur ordre de sa soeur pour être transféré dans la fosse commune de Clamart et son corps n'a jamais été retrouvé.
240 pages de divertissement, une perle, un récit plein de malice et de finesse, sans aucune vulgarité comme savait le faire les écrivains de cette époque tel
Diderot,
Restif de la Bretonne, Nerciat ou encore
Gervaise de Latouche.