AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782070294770
328 pages
Gallimard (11/01/1977)
3.9/5   5 notes
Résumé :
Les essais réunis dans L'Équinoxe se rapportent tous, directement ou indirectement, aux événements de 1938 et au "climat" français de cette année-là et des années précédentes. Montherlant s'en prend avec virulence à l'esprit de «Munich».
Le Solstice fait pendant à L'Équinoxe. Écrit au lendemain de la défaite, le livre exalte le "ton humain", le courage, le bon sens, la qualité, le travail bien fait, non sans témoigner de l'inquiétude de l'auteur en ce qui co... >Voir plus
Que lire après L'Equinoxe de septembre - Le solstice de juin - MémoireVoir plus
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
L’objet de ces pages est de dire que tout ce qu’on tente en ce moment pour réformer l’âme française, notamment celle de la jeunesse, est vain, si le cinéma et une certaine presse de chez nous continuent d’être ce qu’ils sont. C’est panser une plaie, d’une main, tandis qu’on l’exaspère de l’autre.

Devrais-je ajouter : la radio ? Je ne suis pas informé de l’état actuel de notre radio. J’ai connu celle qui fleurissait sous le précédent gouvernement : elle était d’une médiocrité et d’une bassesse que j’ai vu choquer même des gens peu délicats. J’applaudirais si elle s’était transfigurée, de vieille horrible, en une ravissante jeune fille. Et je demanderais qu’on m’expliquât par quel coup de baguette, alors que ses deux sœurs sont restées dans leur misère d’autrefois.

Mais voici que d’entrée on m’interrompt : « Un article sur la presse, sur le cinéma… Nous attendions de vous que vous preniez plus de hauteur. » Je réponds que notre jeunesse ne s’intéresse qu’à deux choses : son travail (alimentaire ou scolaire) et le cinéma. Que, pour les huit dixièmes de nos adultes des villes, l’unique lecture est le journal du soir, avec, en outre, pour les femmes, le journal féminin. Que la nourriture intellectuelle de la partie la plus considérable de la nation consiste en cela, et en cela sans rien d’autre, et qu’ainsi, traiter du cinéma et de certaine presse, ce n’est pas moins que traiter de tout l’avenir de la qualité humaine chez le Français moyen.

Or, la plupart des films français donnés en 1941 sont malfaisants. Malfaisants en quoi ? En ce que les fabricants de films en situent l’intrigue dans les milieux où ils vivent eux-mêmes, c’est-à-dire dans une société qui est la lie de la population française. Une espèce de bourgeoisie de Côte d’Azur, avec, inévitablement, le mari cocu, le fils à permanente, la fille qui montre ses cuisses, le ménage qui a besoin de trouver 80 000 francs dans les vingt-quatre heures, et va les demander à la roulette, le cabaret où on se jette des serpentins. Cette société ignoble est la société idéale aux yeux des fabricants de films, et l’enfant français, quand il vient d’y baigner par l’image, se dit : « Voilà la société des heureux. Voilà le genre de vie que je dois tenter de mener un jour. »
Commenter  J’apprécie          10
Il m’est arrivé quelquefois, dans la rue, de surprendre une femme ou un enfant, des inconnus, qui, en me croisant, me souriaient. D’abord je restais interloqué. Puis je compris. Ils avaient vu sur mon visage un sourire inconscient, qu’ils avaient cru plus ou moins qui leur était adressé, et ils y répondaient.

Le « sourire de la pensée la plus profonde ».

Durant que j’écrivais ce livre, je ne cessais de sourire intérieurement.

C’était le sourire de ce que je n’y exprimais pas. J’espère qu’il ne s’est pas
trahi.

Maintenant le livre est terminé. Et ce sourire s’accentue, tandis que je regarde mon œuvre. Que signifie-t-il ? Je préfère ne pas le dire.

Le sourire et le silence.

Bouddha respire une rose, se tait, et sourit. Ce sourire, le fin mot de tout. Les Grecs mêmes n’avaient pas trouvé cela. Jésus même n’avait pas trouvé cela. La nature l’avait trouvé : quand ils contemplent enfin librement ce qu’ils ont été, et ce qu’est le monde, les hommes, dans leurs cadavres, sourient.

Le sourire de la pensée la plus profonde.
Commenter  J’apprécie          20
Socrate, se promenant dans le marché d’Athènes, s’exclamait : « Que de choses dont je n’ai pas besoin ! » C’est le cri que presque toujours devrait nous inspirer notre bibliothèque : « Que de livres dont je n’ai eu et n’aurai jamais besoin ! » Alors, un bon mouvement : au panier ! Jurons-nous que chaque jour nous ferons sauter un livre de notre bibliothèque, et cette journée n’aura pas été perdue.

Il n’existe pas de bibliothèque idéale de l’honnête homme. À chacun sa bibliothèque particulière, dont la composition peut apparaître arbitraire, bizarre, incohérente, mais qui, telle, est adaptée à sa personnalité et à ses besoins ; absurde pour les autres, excellente pour lui, comme le désordre de certains bureaux de travail, qui est désordre « en soi » assurément, mais qui pour le travailleur est son ordre. L’épuration de notre bibliothèque devra tendre à ce que celle-ci ne soit bonne que pour nous seul.

C’est une satisfaction intellectuelle qu’on éprouve à voir ce grossier bourrage de livres, ce ridicule encombrement, faire place en quelques heures à des rayons à demi vides, et à se dire de cette bibliothèque rajeunie : « Elle contient autant que l’ancienne. » L’effort constant d’une vie doit être d’élaguer : dans nos tâches, dans nos devoirs, dans nos relations, dans nos curiosités, dans nos connaissances même, pour nous concentrer, avec une force accrue, en un petit nombre d’objets qui nous sont propres et essentiels.
Commenter  J’apprécie          10
Je ne suis pas sûr que ce soit une preuve de force que donne la plus grande partie de l’Europe d’aujourd’hui en considérant et en traitant la jeunesse comme une entité à part : cela me fait penser aux malades qui s’hypnotisent sur leur santé, et en recherchent avec âpreté les moindres signes. Quand une chose tient bien sa place, on n’en parle pas tant. À aucune des meilleures époques de l’histoire d’Europe, ni à Rome au Ier siècle, ni au XIIe siècle de l’Europe chrétienne, ni au XVe siècle italien, ni au XVIe siècle espagnol, ni au XVIIe siècle français, je ne vois pareil engouement. Seul le Ve siècle athénien connut une tendance semblable, mais il la corrigeait en plaçant, avec toute l’antiquité, la modestie parmi les vertus cardinales de la jeunesse. Et, d’autre part, la jeunesse athénienne ne se posait pas et ne se glorifiait pas elle-même en tant que jeunesse. Peut-être, de même que certaines époques sont définies par le matriarcat, par la gérontocratie, par la puissance donnée aux guerriers, ou aux prêtres, ou aux affranchis, peut-être l’avenir caractérisera-t-il la période de l’Europe qui a commencé il y a une vingtaine d’années comme une époque où les adolescents et les jeunes gens disaient fièrement et publiquement : « Nous, les jeunes », sans sourire, et sans faire sourire.

L’importance de la jeunesse française de 1941 ne lui vient pas de ses vertus, ni même de promesses particulières qu’elle donnerait, mais lui vient seulement de ce qu’elle arrive à un moment où les hommes qui gouvernent veulent réformer la nation de vices patents et indiscutés. La jeunesse se trouve être une page blanche sur laquelle ces hommes peuvent écrire sans avoir à effacer. C’est pour cette jeunesse une opportunité ; ce n’est pas un mérite.
Commenter  J’apprécie          00
Que serait-ce qu'un livre que l'on n'ouvrirait qu'une fois tous les quinze ans ? Il ne vaudrait pas la place qu'il prend, ni la poussière qu'il accumule.
Jurons-nous que chaque jour nous ferons sauter un livre de notre bibliothèque, et cette journée ne sera pas une journée perdue.
Commenter  J’apprécie          50

Videos de Henry de Montherlant (23) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Henry de Montherlant
Narcisse Slam a répondu au décalé et intimiste Questionnaire de Trousp, autant inspiré par celui de Proust que des questions de Bernard Pivot. Site Internet: https://trousp.ch/
0:00 Introduction 0:17 Que pensez-vous de cette citation? «C'est curieux un écrivain. C'est une contradiction et aussi un non-sens. Écrire c'est aussi ne pas parler. C'est se taire. C'est hurler sans bruit. C'est reposant un écrivain, souvent, ça écoute beaucoup.» Marguerite Duras 1:19 Quel métier n'auriez-vous pas aimé faire? 3:06 Quelle qualité préférez-vous chez l'Homme? 4:22 Quel est pour vous le pire des défauts? 5:38 Avec quel écrivain décédé, ressuscité pour une soirée, aimeriez-vous boire une bière au coin du feu? 8:33 Comment imaginez-vous les années 2050? 11:18 Quel mot vous évoque le plus de douceur? 12:48 Comment commence-t-on un roman? Par exemple L'Épouse? 16:23 Si vous pouviez résoudre un problème dans le monde, lequel choisiriez-vous? 20:18 Que pensez-vous de cette citation? «Les écrivains sont des monstres.» Henry de Montherlant 23:19 Quel livre emporteriez-vous sur une île déserte? 25:09 Si votre maison brûle, qu'aimeriez-vous sauver en premier? 28:36 Comment construit-on un personnage? 32:04 Remerciements
Trousp est une chaîne Youtube dédiée à la littérature suisse.
#littérature #roman #écrivaine
+ Lire la suite
autres livres classés : intellectuelsVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (16) Voir plus



Quiz Voir plus

La série des Jeunes Filles de Montherlant

Comment s'appelle le personnage principal, dont on a trop souvent dit qu'il était l'incarnation romanesque de Montherlant ?

Henri Costal
Pierre Costals
Jean Costals

10 questions
29 lecteurs ont répondu
Thème : Les Jeunes filles, tome 1: Les jeunes filles de Henry de MontherlantCréer un quiz sur ce livre

{* *}