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EAN : 9782266102759
288 pages
Pocket (01/03/2001)
3.67/5   3 notes
Résumé :
Pierre Bourdieu est l'auteur d'une œuvre foisonnante, centrée sur l'analyse des mécanismes de légitimation du pouvoir. Les Héritiers, La Distinction ou Les Règles de l'art ont jalonné une brillante carrière, de l'École normale supérieure au Collège de France. Pierre Mounier propose une lecture fidèle de ses grands thèmes de recherche que sont la domination, l'école, les pratiques culturelles ou la sociologie des intellectuels. Il explicite les principaux concepts qu... >Voir plus
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Comme le remarque Bernard Lahire(33), la notion de champ est un concept opératoire forgé par Pierre Bourdieu dans le cadre d'une problématique courante de la sociologie : la question de la division sociale du travail. On sait en effet que cette problématique fut abordée notamment par Durkheim(34) dans le cadre d'une étude des solidarités organiques qui structurent les sociétés complexes. Durkheim montre bien qu'à partir d'un certain volume et d'une certaine densité, le corps social s'engage mécaniquement dans n processus de différenciation des fonctions qui prend souvent la forme d'une spécialisation professionnelle aboutissant à une autonomisation des activités sociales les unes par rapport aux autres. Cette problématique est aussi au coeur de la sociologie wébérienne qui prend garde à respecter dans son analyse les spécificités des registres d'action tout en étudiant éventuellement les conséquences qu'une évolution dans un registre peut avoir sur un autre registre (c'est le cas en particulier de la religion). Autre grande référence en la matière, Norbert Elias met en lumière à travers une étude historique longue, l'autonomisation progressive du politique en Europe occidentale au XVe siècle. Et de fait, la notion bourdieusienne de champ doit beaucoup à ces traductions sociologiques sauf en trois matières qui constituent la spécificité du champ bourdieusien : celui-ci est d'abord un champ de forces, objet d'une lutte d'appropriation et de légitimité de la part de ceux qui y prennent part, il est ensuite inséparable dans sa spécificité de la notion d'habitus, enfin, si chaque champs possède sa spécificité qui le rend irréductible à d'autres champs, il existe des lois générales des champs, valables pour tous et qui ne dépendent pas du contenu spécifique au champ mais des relations qui s'établissent entre les positions occupées à l'intérieur du champ.
On a vu que, selon Bourdieu, l'habitus est objectivement accordé a champ où s'exerce la pratique, mais que, par ailleurs, l'homogénéité des habitus individuels qui permet de parler d'un habitus de classe est partiellement déterminée - partiellement parce que l'habitus individuel ne se réduit pas à l'habitus de classe - par l'homogénéité des conditions de vie. Il est donc tentant de déduire de ces deux propositions la conclusion d'une relation circulaire entre habitus et champ où la notion de champ ne serait qu'un synonyme des conditions de vie, ou plus encore de la classe. Ce n'est pas le cas chez Bourdieu dans la mesure où, si la classe renvoie aux conditions de vie et à l'habitus, le champ renvoie à l'activité sociale (au "travail" social) et à l'habitus. Il n'existe donc pas de "champs des dominants" ou de "champ bourgeois" même s'il existe un habitus bourgeois, mais seulement un champ économique, politique, littéraire, scolaire, (...) Autrement dit, la notion de champ, liée à la notion d'habitus, renvoie aux activités et non aux conditions, d'où on peut déduire un certain nombre de propriétés de ces champs. Par ailleurs, toute activité sociale ne constitue pas un champ. Il y a champ à partir du moment où les individus exerçant dans le même domaine d'activité entrent en concurrence les uns avec les autres pour acquérir une position dominante dans le champ. Autrement dit, il faut qu'ils possèdent des intérêts communs et qu'ils entrent en lutte pour la possession d'un capital spécifique au champ. C'est ce qui détermine l'engagement, l'investissement des acteurs dans le champs, ce que Bourdieu appelle l'illusio. Cette notion d'illusiojoue un rôle important d'articulation entre les deux notions : l'habitus est à la foi un ensemble de dispositions, d maîtrises pratiques, et en même temps un déterminant essentiel de l'investissement de l'agent dans un champ. Par son habitus celui-ci perçoit en effet comme naturel, allant de soi les intérêts spécifiques au champ, les enjeux du jeu qu'organise le champ, intérêts qui évidemment n'ont aucun intérêt pour d'autres. (...) On doit donc comprendre que la notion de champ ne relève pas d'un découpage arbitraire des activités opéré par le sociologue mais d'une conscience relative - incomplète, sauf dans des situations historiques particulières - qu'ont les acteurs de l'autonomie du champ où ils interviennent qui conditionne aussi leur solidarité avec les autres acteurs du champ par-delà la concurrence qu'ils s'y livrent déterminée par l'importance que les uns et les autres accordent aux enjeux spécifiques du champ. Le champ est donc, non pas un ensemble d'individus, ni même un ensemble de pratiques, mais un ensemble de relations dissymétriques entre les positions non interchangeables engendrées par des pratiques.
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Boudon ne nie pas une certaine validité aux propositions formulées par Bourdieu et Passeron. Mais il prétend que celles-ci ne peuvent expliquer toutes les particularités de la corrélation entre classes sociales et niveau scolaire. Ainsi par exemple, elles n'expliquent pas pourquoi, à réussite scolaire égale, la corrélation entre origine sociale et orientation effective continue d'être observée("La logique du social"). Plus précisément les variations de cette corrélation statistique nous montrent que lorsque la réussite scolaire est bonne, l'origine sociale influe peu sur les orientations (un grand nombre de fils d'ouvriers continuent leurs études), mais plus celle-ci est mauvaise, plus l'origine sociale joue un rôle important dans l'orientation effective (les enfants des classes sociales élevées continuent quand même leurs études contrairement aux enfants d'ouvriers). On le voit, l'opposition entre les deux théories sur la question précise de l'inégalité des chances n'est pas si absolue qu'on pourrait le croire : Boudon accepte jusqu'à un certain point la validité des théories de Bourdieu et Passeron, mais en les intégrants dans une théorie explicative qui repose en dernière instance sur les choix individuels qui se concrétisent par l'investissement scolaire. A l'opposé, Bourdieu n'écarte pas totalement la notion de choix individuel mais c'est pour l'intégrer dans des stratégies dont l'habitus forme les limites : il s'agit de l'évaluation subjective des chances objectives d'atteindre telle position sociale. Par ailleurs, il n'accorde à ce facteur d'inégalité qu'une importance secondaire par rapport au travail de hiérarchisation qu'opère l'institution scolaire sur la base de l'évaluation de compétences socialement reconnues et, pour l'essentiel, héritées.
Mais le débat n'en reste pas là et ce qui pouvait constituer un point de désaccord limité, discutable et arbitrable par des procédures d'évaluation scientifique, est vite devenu une opposition tranchée entre deux systèmes clos, totalement irréconciliables. En effet, la particularité du travail de Raymond Boudon est qu'il repose peu sur l'analyse de phénomènes sociaux précis et limités (hormis la sociologie de l'éducation), mais se développe essentiellement dans le domaine de la théorie sociologique, dans la continuité de Raymond Aron. Le sociologue s'est fait le porte-parole de "l'individualisme méthodologique", théorie sociologique durkheimienne en sociologie. L'individualisme méthodologique se propose en effet de partir non des structures ou des groupes pour étudier les phénomènes sociaux, mais de l'individu et des actions qu'il peut accomplir en tant qu'individu pour en étudier les conséquences sociales. Pour Boudon, les actions collectives, ou plutôt les phénomènes sociaux qui peuvent apparaître comme collectifs (comme les paniques financières, par exemple), ne sont jamais que le résultat d'effets d'agrégation d'une multitude d'actions individuelles, qu'il convient d'étudier en tant que telles. Tout le travail de sociologie de Boudon consiste donc à montrer comment des comportements individuels rationnels - "c'est-à-dire exprimant des choix "rationnels" - aboutissent, par EFFETS (?) d'agrégation, à provoquer des résultats collectifs non voulus. (...)
On pourrait presque construire un champ des théories sociologiques à partir de la polarisation (théorie de Bourdieu/théorie de Boudon) obtenue, faisant correspondre un espace des prises de position politique à l'espace des positions soiologiques, comme en témoigne "l'idéologie ou l'origine des idées reçues" qui, par moments, n'hésite pas à voir dans l'opposition entre sociologie individualiste et sociologie holiste des correspondances avec l'affrontement politique entre libéralisme et néo-marxisme.
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(...) Par ailleurs ces deux ouvrages ("les Héritiers" et "La reproduction") (...) portent non pas tant sur l'école primaire et secondaire, que sur les études supérieures et singulièrement l'enseignement universitaire (p 134)
(...)
(p 136/137) Les thèses développées par Bourdieu et Passeron ont, pour une bonne part, marqué les réformes pédagogiques depuis trente ans. Disposant de véritables relais parmi les professionnels de l'éducation, ces thèses ont été largement divulguées, médiatisées... et déformées. Souvent réduites à l'idée de l'"enseignement de classe" ou de l'"école bourgeoise", elles ont semblé véhiculer l'idée chez beaucoup que l'école était un pur instrument aux mains de la bourgeoisie afin de sauvegarder ses privilèges. Les analyses des deux sociologues ne se réduisent évidemment pas à cette vulgate politique et militante. Elles reposent au contraire sur la proposition selon laquelle l'institution scolaire ne remplit jamais mieux sa fonction de reproduction sociale que lorsqu'elle affirme dans son mode de fonctionnement et dans ses méthodes son indépendance à l'égard des hiérarchie du corps social. Autrement dit c'est lorsqu'elle SEMBLE la plus indépendante à l'égard des valeurs de la société globale, lorsqu'elle affirme le plus l'autonomie de ses propres valeurs et de ses propres principes de classement et d'évaluation, qu'elle contribue le plus efficacement à la reproduction de la domination et de la hiérarchie sociale. Ici, la mystification et le voilement des rapports de force qui sont au fondement des hiérarchies sociales ne sont plus seulement un obstacle à la connaissance sociologique, mais deviennent l'objet même de cette connaissance. Les deux sociologues résument très bien quoique de manière très théorique le coeur de leur propos dans la première proposition de LA REPRODUCTION : "Tout pouvoir de violence symbolique, c'est à dire tout pouvoir qui parvient à imposer des signification et à les imposer comme légitimes en dissimulant les rapports de force qui sont au fondement de sa force, ajoute sa force propre, c'est-à-dire proprement symbolique à à ces rapports de force" A quoi il faut systématiquement ajouter "Toute action pédagogique est objectivement une violence symbolique en tant qu'imposition par un pouvoir arbitraire, d'un arbitraire culturel.
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Mais parmi les classes dominantes, la noblesse intellectuelle forme une fraction dominée de cette classe, parce qu'elle doit son statut à une institution définie essentiellement par sa fonction (de reproduction sociale)
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