J'aime bien régulièrement sortir de ma zone de confort de lecteur de littérature américaine, de polars et de régionalisme normand, et découvrir d'autres domaines de l'écrit pour me confirmer que je les apprécie moins ou, au contraire, me rappeler qu‘une dose d'éclectisme de temps à autre ne me ferait pas de mal. C'est ce que j'ai fait avec Bleuets de Maggie Nelson, traduit par Céline Leroy.
Mais autant l'avouer, je ne me sens pas au niveau pour chroniquer ce livre atypique, où la poésie se confronte à la philosophie et au quotidien. Je me contente donc de vous livrer quelques ressentis que je pose là, à toutes fins utiles… L'ai-je aimé ? Pas aimé ? Difficile à dire. En tout cas, il m'a passionné, ce livre de passionnée.
Maggie Nelson nous propose 240 petites entrées de 2 lignes ou d'une page, comme autant de fulgurances d'une pensée constamment en éveil. Sur le bleu bien entendu, qui revient en fil… bleu d'une passion pour cette abstraction conceptuelle sur laquelle elle tente -et parvient- à mettre des mots, qui finissent bout à bout par permettre le partage de son amour pour cette couleur.
Fulgurances dures, directes et donc crues pour la sexualité -ou plutôt la baise- comme exutoire temporaire ; la mort -et davantage le suicide- comme tentation régulière et non crainte ; la maladie -et notamment le cancer- comme terrain de jeu de la compassion et du soutien. Autant d'échappatoires pour oublier sa propre souffrance née de l'abandon et de la rupture, livrée publiquement enrobée de poésie et de philosophie.
Enfin comment ne pas être à nouveau être frappé, comme déjà chez tant d'autres auteurs américains, par l'étendue de la culture littéraire française de Maggie Nelson : de Pascal à Barthes, de Pastoureau à Millet, de Duras à Artaud, sans oublier l'incontournable coloriste Pastoureau, tous inspirants, et tous cités dans son « Générique » de fin de ce petit livre intime, que j'ai lu très lentement, par petites touches… de bleu bien sûr !
Traduit par Céline Leroy
Éditions du sous-sol
Voilà un livre singulier dans lequel il faut se laisser aller, se laisser flotter sur le dos entre le bleu de la mer et celui du ciel.
Un livre avec lequel il faut lâcher prise et où l'importance n'est pas de tout comprendre. C'est comme une chanson... peu importe une certaine obscurité des paroles si sa musique nous fait danser.
Et BLEUETS de Maggie Nelson est fait de musicalité. Des réflexions érudites et poétiques pour nous parler de la solitude liée à une rupture amoureuse en 240 fragments de bleus.
Un texte magnifiquement traduit par Céline Leroy.
C'est brillant et j'ai adoré !
COUP DE COEUR !
Hormis les passages très crus décrivant ses sessions de baise, Maggie Nelson m'a intrigué, pris à contrepied et m'a ouvert des espaces très profonds, sibyllins en surface, étonnants quand on gratte la perplexité, née de la densité des propos. Il faut lire et relire les fragments numérotés d'un livre bleu constellés d'étoiles.
L 'auteure cite Duras, Emerson , Thoreau, Platon, Schopenhauer, Wittgenstein, Goethe, Cézanne, Mallarmé... et livre ses ressentis bruts, hardis, souvent insatisfaits. La rupture amoureuse est douloureuse et l'amour du bleu pallie imparfaitement les bleus à l'âme.
La vie palpite, l'érudition essaime, le bleu dévoile ses facettes, comme "s'il avait non seulement un coeur mais aussi un esprit." À lire les nombreuses citations placées en annexe, vous verrez que bleu, je veux.
Un livre qui m'a tour à tour amusé, intrigué, interpellé mais avec lequel j'ai eu des difficultés à me connecter ou rentrer en empathie.
Néanmoins, j'ai envie de lire plus de ses oeuvres pour la découvrir. Elle a une pensée subtil et amusante, quoi que parfois assez éloignée du type de livres que j'apprécie habituellement.
Un objet rare, c'est ce que représente ce recueil hybride de Maggie Nelson. Entre un carnet de pensée intime et un recueil de poésie, cette oeuvre parue il y a 10 ans aux Etats-Unis est enfin arrivée jusqu'à nous.
Maggie Nelson se livre dans ce recueil sous forme de fragments numérotés, souvent comparés à ceux de Roland Barthes dans Fragments d'un discours amoureux. A la fois intimiste et universelle, l'auteure discoure sur la couleur bleue et sur sa relation amoureuse, qu'elle lie intimement à cette couleur.
Le bleu
Selon plusieurs études, le bleu serait la couleur préférée au monde. « 1. Et si je commençais en disant que je suis tombée amoureuse d'une couleur. Et si je le racontais comme une confession », c'est ce qui introduit ce livre. Elle analyse la couleur bleue comme sa couleur mentale, consolation et désir, c'est ce qu'elle relie à cette couleur au long du récit.
Elle réunit autour d'elle les théoriciens et artistes de la couleur, Goethe, Joni Mitchell, Cohen, Klein… Autant d'imaginaires pour nous emparer avec elle de cette couleur. C'est 240 fragments comme une géographie mentale d'elle-même par le prisme du bleu. Touchante et sincère, parfois crue, Maggie Nelson nous partage son affection pour la couleur bleu, la couleur du monde.
"Pourquoi le ciel est-il bleu ?" - une assez bonne question, dont j'ai appris la réponse à plusieurs reprises. Pourtant, à chaque fois que j'essaye de la restituer à quelqu'un ou de me la remémorer, elle m'échappe.
Désormais, j'aime me souvenir uniquement de la question, parce qu'elle me rappelle que mon esprit est avant tout une passoire, que je suis mortelle.
Entretien d’embauche pour un poste à l’université, trois hommes assis à une table en face de moi. Sur mon CV, il est précisé que je travaille actuellement à un livre sur la couleur bleue. C’est ce que je dis depuis des années sans avoir écrit un mot. Peut-être est-ce le moyen que j’ai trouvé pour que ma vie ressemble plus à “un projet en cours” qu’à de la cendre tombant d’une cigarette. L’un des hommes demande : Pourquoi le bleu ? Les gens me posent souvent cette question. Je ne sais jamais comment y répondre. Il ne nous est pas donné de choisir qui l’on aime, ai-je envie de dire. Nous n’avons pas le choix, voilà tout.
Si je devais mourir aujourd'hui, je dirais que mon amour du bleu et faire l'amour avec toi ont été les deux sensations les plus plaisantes que j'ai connues dans ma vie.
2.
Je suis donc tombée amoureuse d'une
couleur ‒ la couleur bleue, en l'occurrence ‒
comme on tombe dans les rets d'un sortilège, et
je me suis battue pour rester sous son influence
et m'en libérer, alternativement.
p.09
// Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Céline Leroy
Au fond de la piscine, j'ai regardé la lumière blanche hivernale pailleter le bleu nébuleux, et j'ai su qu'ensemble, ils formaient Dieu.
Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?