La vie de Madame Berthe Bartolotti est pleine de fantaisie et de couleurs, aussi colorée que les tapis qu'elle tisse. Elle a un ami bihebdomadaire, le triste et gris Alexandre, le pharmacien. Son appartement est un chaos, les poissons rouges nagent librement dans la baignoire, son lit est recouvert d'un fatras indescriptible... Madame Bartolotti a pour manie de commander tout ce qui lui passe par la tête, a en horreur tout ce qui ressemble de près ou de loin à la contrainte, l'ordre, et mène sa vie à sa guise. Jusqu'au jour où... la SNCF effectue une livraison pour le moins bizarre. Un envoi de "l'Usine" très surprenant... dans une boîte de conserve de grande taille, un enfant à reconstituer grâce à un bouillon de culture. Madame Bartoletti, qui ne se souvient pas avoir passé une si étrange commande, mais que rien n'étonne, "reconstitue" le petit garçon, prénommé Frédéric et accepte volontiers de partager sa vie avec lui. Un petit garçon "préfabriqué", à l'éducation parfaite, un petit garçon modèle. Trop parfait et trop modèle pour Madame Bartoletti. Et que dire à Alexandre et aux voisins, qui ne comprennent pas qu'un petit garçon, Frédéric, tombe du ciel ?
Alexandre, mis dans la confidence, veut devenir le père de Frédéric, prendre les choses en mains et veiller à son éducation. Sophie, la fille des voisins, admire ce garçon très différent, et le protège de la curiosité et la méchanceté des enfants de son âge. Tout irait pour le mieux, si "L'Usine", la société qui a envoyé la boîte de conserve, reconnaissant son erreur, ne souhaitait récupérer rapidement la boîte et Frédéric. Pas question ! Frédéric, interrogé, refuse de quitter sa maison, sa famille et son amie, et tous vont mettre au point un stratagème ingénieux pour éviter que Frédéric ne soit remis à la famille parfaite à laquelle il était destiné.
J'ai découvert ce roman "jeunesse" par hasard, et une fois de plus, le hasard m'a permis de découvrir un auteur original.
Christine Nöstlinger, d'origine autrichienne, a écrit un roman plein de fantaisie, à l'image de Mme Bertolotti, la mère de famille qui fume le cigare dans sa chaise à bascule, chante des chansons paillardes, se soucie comme d'une guigne de ses vêtements et de ses choix culinaires fantaisistes.
Humour et tendresse alternent et mettent en valeur un texte que la traduction a bien rendu ; les illustrations réalisées par La Mouche contribuent à rendre le roman jeunesse très agréable.
Mais cette fantaisie et ces couleurs amènent petits et grands à s'interroger peu à peu sur le sens d'une véritable éducation. Qu'est-ce qu'être "bien élevé", quelle est la part de la joie de vivre, de la personnalité ? Par petites touches, et grâce au personnage de Frédéric (dans le texte allemand : Konrad)
Christine Nöstlinger, qui a connu les années noires du nazisme en Autriche, nous fait nous interroger sur les enfants d'une société conformiste, grise, sans aspérités.
Un seul regret ; à mon sens, le titre "
Le môme en conserve" ne met pas en valeur un roman plein de sensibilité, de fantaisie, destiné à des enfants de sept ans environ, mais que tous les lecteurs prendront plaisir à lire et à relire....