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François Gaudry (Traducteur)
EAN : 9782864247494
156 pages
Editions Métailié (06/05/2010)
3.56/5   9 notes
Résumé :
Elsa Osorio a plusieurs cordes à son arc de narratrice, ici elle en rassemble deux: l'une fantastique et allégorique, et la seconde réaliste, ancrée dans l'histoire récente de l'Argentine.

Ces nouvelles ont été écrites à des époques différentes, certaines pendant la période la plus sombre de la dictature militaire, au moment où la censure ne permettait pas d'appeler les choses par leur nom.

D'autres l'ont été vingt ans après, alors qu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Mémoire à vif de la dictature argentine.

Paru en 2009, et traduit en français par François Gaudry en 2010 pour les éditions Métailié, et maintenant disponible aussi en numérique aux éditions e-fractions, ce troisième livre de la journaliste et écrivaine argentine Elsa Osorio délaissait provisoirement la forme du roman pour poursuivre avec ces douze nouvelles la construction d'une oeuvre qui explore, par le prisme des destins individuels, de la peur et des souffrances intimes, les meurtrissures indélébiles de la dictature, des disparitions et de la torture, la vérité dissimulée et les trahisons même au sein des familles, ainsi que le destin des enfants disparus, comme dans «Luz ou le temps sauvage».

Les nouvelles, parfois très courtes, ont été écrites sur une longue période, pendant la dictature ou vingt ans plus tard. Elles se déroulent souvent, loin de la dictature et de l'Argentine, dans cette Espagne où Elsa Osorio a elle aussi vécu, avec une distance temporelle et géographique qui a permis «sinon de tout oublier, du moins que ces histoires se voilent et ne blessent plus autant».

Là, les ténèbres enfouies dans les couches de la mémoire, et certains embranchements étonnants de l'existence, ressurgissent au travers d'une faille ouverte par le hasard, lors de la rencontre fortuite de Marcos Waissman dans un train avec l'homme qui a usurpé son identité bien des années auparavant pour échapper à la dictature (Le rétrogradé), ou lorsqu'une femme reconnaît après vingt-six ans un électricien comme l'un de ses bourreaux (Sept nuits d'insomnie).

«Mais il lui a suffi de ces cinq minutes chez Pilar et de voir ces dents d'une blancheur répugnante pour que tout ce solide édifice – famille, mari, profession, amis – s'écroule et qu'elle en soit là, en proie à ses souvenirs.
Elle doit pouvoir parler avec Pepon, elle ne veut plus continuer à vivre dans l'ignorance et l'occultation, elle veut tout savoir : s'il a failli tomber de l'avion d'où on précipitait à la mer ses camarades vivants, s'il était avec elle pour lui soutirer des informations, s'il croyait vraiment qu'elle allait sortir, la maison au bord de la mer, les trois enfants, ou si c'était une torture plus sophistiquée que celle de Pajarito, une manière de s'installer en elle, de faire d'elle sa complice et de continuer à la souiller, toute la vie.» (Sept nuits d'insomnie)

Ce hasard et ces images qui reviennent créent une distorsion du temps et de l'espace, une sensation d'irréalité.

«Écoute-moi bien : je ne veux pas que cette nuit, ni jamais plus, tu reviennes te montrer par ici, dans cette eau sale où tu flottes. Cesse donc ce petit jeu. Qu'est-ce que tu cherches à faire ? M'épuiser, m'affoler ? Toutes les nuits, à peine je ferme les yeux, tu viens vers moi en flottant, tes mains blanches et gonflées s'enfoncent dans l'eau et jouent avec des formes obscures, se retournent et flottent tandis que tes yeux me perforent. Pourquoi me regardes-tu ainsi ?» (Père et patriote)

Certaines nouvelles s'aventurent dans d'autres territoires, oniriques ou à la lisière du fantastique, comme «Son petit et sordide royaume», où la peur d'une femme ne s'apaise que dans le chaos grandissant de l'appartement inhabité d'une amie, ou comme dans «Imitations», le destin d'un homme qui ne reconnaît plus, parmi toutes les femmes identiques qui l'assaillent, laquelle est son épouse authentique, en chair et en os.

«- Je ne sais pas qui elles sont, ni à qui elles répondent, ni ce qu'elles veulent. Elles sont de plus en plus assidues et perfectionnées. Je ne peux plus les distinguer de toi. C'est pour cela qu'on ne se voit pas beaucoup, elles exigent continuellement ma présence.» (Imitations)

Malgré les marques indélébiles de l'Histoire, le titre original en espagnol du recueil, «Impasse avec issue», reflète néanmoins l'espoir, l'importance de maintenir la mémoire vive et la possibilité de continuer à vivre.

«La respiration régulière de Ramón l'apaisa, avec lui elle était loin, très loin de ces deux canailles, dans un autre pays, une autre époque. Ramón souriait dans son sommeil et elle pensa combien étaient différents les rêves de son mari endormi et les cauchemars qu'elle faisait éveillée.» (Sept nuits d'insomnie)

Retrouvez cette note de lecture, et toutes celles de Charybde 2 et 7 sur leur blog ici :
https://charybde2.wordpress.com/2015/06/06/note-de-lecture-sept-nuits-dinsomnie-elsa-osorio/

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Après un roman superbe (Luz ou le temps sauvage) et un autre plutôt décevant (Tango), l'argentine Elsa Osorio propose un recueil de nouvelles qui, sur l'échelle du plaisir, se situe à peu près entre les deux. Ils sont au nombre de 12, ces récits, parfois très courts, et écrits à des périodes très éloignées (y compris pendant la dictature militaire). Ce qui frappe, c'est que malgré leur variété de style, qu'elles soient réalistes, nostalgiques ou oniriques, ces nouvelles se complètent et composent un camaieu de couleurs, avec des personnages en souffrance qui finissent, en général, par trouver une ouverture vers l'espoir. Les histoires les plus fortes sont celles qui évoquent l'époque la plus noire de l'histoire argentine à travers la trahison, l'exil ou le désir de vengeance. Deux ou trois d'entre elles, par leur intensité et leur densité, pourraient être considérées comme de petits romans, et laissent une impression très forte. Tout n'est pas de la même qualité, évidemment, mais l'ensemble est relativement homogène et donne envie de continuer avec la romancière argentine sur un format plus long, sans doute plus adapté à son tempérament.
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Dans ce recueil de nouvelles qui alterne récits réalistes et fables, Elsa Osorio déploie ses thèmes forts et récurrents de la disparition ( de personnes, l'exil, les rencontres ), de l'identité, celle des origines, de la division de la personnalité et de sa re-union. Pas de grands mots, pas de grands morts, des portraits en souffrances intimes aux prises avec l'Histoire sombre argentine. Ce sont les formes d'emprisonnements, de censures, de mensonges et de trahisons imposées par le noir de la société.

Le malaise est prégnant, parfois suffocant, l'angoisse latente. Car ce recueil, c'est aussi l'écriture des secrets et des ténèbres personnels. Et pourtant, une lumière perce les pages, peut-être un pardon, une lueur de liberté – être(s) libéré(s) – qui vient du coeur, d'espoirs toujours possibles.

« La peur la gagne de nouveau, elle arrive par vagues, comme la mer, et elle les brise une à une jusqu'à les vaincre. Elle palpe son corps avec ses mains et, en atteignant les yeux, elle les débarrasse du maquillage dont elle se sert pour faire face à l'autre forêt, celle du dehors. »

L'alternance des genres des textes rend la lecture d'autant plus saisissante. Fascinantes, les fable, qui empruntent à différents registres, racontent la quête identitaire en échappée fantastique, transfigure un réel sans le dénaturer mais travesti, traversé par les symboles. C'est tout le talent d'Elsa Osorio, ce regard intérieur qu'elle dépose subtilement sur l'extérieur, couvrant les failles à combler de part et d'autre. Un regard attaché, accroché, aux êtres; un regard dans lequel se reflète un tableau en kaléidoscope aux éclats brillants.

Et l'on ne sait plus si c'est la violence des mots infâmes de la dictature argentine ou celle de ceux de l'allégorie qui est les plus dérangeante.
Lien : http://www.lire-et-merveille..
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Ces 7 nouvelles nous parlent des blessures subies, de solitude, d'identité, de drogues, de mort mais toujours avec cet espoir que peut-être un jour viendra où tout ira mieux.
Cette écrivain née à Buenos Aires écrit des histoires émouvantes, proches de nous, avec son coeur et sa sensibilité de femme et de citoyenne. Elle fleurte avec le rêve et l'allégorie pour plonger dans une réalité dure et sans concession pour l'âme humaine.


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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
J'aimais tellement les interprétations que je faisais de mes rêves que j'avais hâte de dormir, non par besoin de me reposer, mais pour les rêves surgissent dans la nuit opaque de ma chambre et grimpent comme du chèvre-feuille en envahissant tout. Je ne me souciais pas de comprendre (ni moins encore de résoudre) quelque problème de ma vie selon les interprétations que m'inspiraient les rêves. Le plaisir que me procuraient leurs phrases merveilleuses était tel que rien d'autre ne m'importait.
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Les marguerites sont des fleurs stupides et sournoises, ne les cueille pas, ne compte pas leurs pétales. On te ment. Ne te brosse pas les cheveux. Ne te regarde pas dans le miroir.
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Je tremble comme une feuille, je ne vais pas pouvoir faire ma déposition, je suis sans voix, j’ai le vertige, je vais demander à l’avocat de remettre l’audience à demain. Mais qu’elle est la différence ? La toge noire de ces juges, leurs mines sévères ? Cette salle est loin, très loin, dans un autre pays ? Cela devrait me soulager. Je vais vomir, je veux m’en aller. Mais je ne peux pas, je ne dois pas. Ils n’ont que ma voix et celle de tous ceux qui ont survécu.

La dernière fois non plus, ce n’était pas facile, mais j’ai tenu le coup. J’ai la formule : celle qui est ici est une autre, c’est Andrea mais pas moi. Les images défilent comme les photogrammes d’une pellicule et je me limite à décrire avec objectivité : j’ai vu tel camarade et tel autre, tels faits se sont passés, le plus important, sans douleur, sans haine. Ma mémoire est active et anesthésiée.
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J’aimais tellement les interprétations que je faisais de mes rêves que j’avais hâte de dormir, non par besoin de me reposer, mais pour que les rêves surgissent dans la nuit opaque de ma chambre et grimpent comme du chèvrefeuille en envahissant tout.
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Les explications du Chango sur l’injuste répartition des richesses étaient si compliquées et si épuisantes que je me suis déclarée convaincue qu’enlever quelqu’un n’était pas si terrible, juste pour en finir avec ce laïus ennuyeux.
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Videos de Elsa Osorio (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Elsa Osorio
https://www.librairiedialogues.fr/livre/13111937-double-fond-elsa-osorio-anne-marie-metailie Elsa Osorio nous parle de son livre "Double fond" (éditions Métailié), dans l'émission Dialogues littéraires, réalisation : Ronan Loup. Interview par Laurence Bellon.
Retrouvez-nous aussi sur : Facebook : https://www.facebook.com/librairie.dialogues Twitter : https://twitter.com/dialogues Instagram : https://www.instagram.com/librairiedialogues
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