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EAN : 9782605000135
157 pages
Flammarion (30/11/-1)
3.8/5   10 notes
Résumé :
En abordant ces pages, j’avais décidé de suivre à la lettre la métaphore du titre de la collection : Les Sentiers de la création, et j’avais pensé écrire (tracer) un texte qui effectivement fût un chemin et qui pût être lu (parcouru) en tant que tel. Le chemin que j’avais choisi mène à Galta, une ville en ruine dans les environs de Jaipur, au Râjasthân. À mesure que j’écrivais, le chemin de Galta s’effaçait ou bien je m’égarais et me perdais en ses défilés. À plusie... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Pour Octavio Paz "les temps et les lieux sont interchangeables". Il l'illustre par ce livre aux deux récits géographiques et temporels convergents : la route de Galta, en Inde et un jardin à Cambridge, point de départ d'une quête sur le sens du langage et ses rapports avec la réalité consciente, autour du jeu des correspondances secrètes entre verbe et idée, mot et perception, érotisme et connaissance. Cette oeuvre peut être lue comme le récit d'un voyage, un essai sur le processus créatif et un poème en prose dans lequel une voix lyrique explore l'intériorité du poète et ses liens avec l'écriture. Cette expérience poétique engage également de nombreuses préoccupations philosophiques récurrentes dans l'oeuvre de l'auteur, liées à l'altérité, au sacré, au temps et à la parole poétique comme source d'entendement des nouvelles réalités.

Le singe grammairien est donc un "récit-essai-poème en prose" singulier qui puise dans la littérature indienne classique et la sagesse orientale, écrit par l'auteur à Cambridge après un long séjour en Inde en tant qu'ambassadeur du Mexique, poste dont il a démissionné pour protester contre le massacre, dans son pays, d'étudiants sur la Plaza de Tlatelolco.
Composé comme un rituel, le poème unit l'humain à l'acte même de création et le texte devient l'espace de rencontre entre deux êtres à travers l'écriture et la lecture. le poète découvre l'image de son propre travail pour révéler une réalité qu'il explore par son rapport au langage : le corps comme langage, le langage comme corps, le chemin comme une métaphore de la création, la création comme forme de connaissance. Demandant à son auteur comme à son lecteur de parcourir ce chemin pour progresser vers la vérité de l'univers et de l'écriture, son récit fait triompher l'analogie, seul langage capable d'exprimer les paradoxes d'un monde contradictoire.
Evoquant le va-et-vient continu des choses aux mots et de ceux-ci aux choses, d'un corps à un autre corps, d'un texte à un autre et d'une culture à une autre, le poète consacre l'importance de l'intertextualité.
Le singe grammairien est une des nombreuses oeuvres d'Octavio Paz dans lesquelles il se situe poétiquement dans le repli entre le langage et le corps, entre la vie et l'au-delà, prônant l'abolition des contraires par leur convergence et l'analogie comme transparence universelle.
Lien : https://tandisquemoiquatrenu..
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Juste après Orion aveugle de Claude Simon, j'ai attaqué un autre livre de la collection Les sentiers de la création. Autant le Claude Simon avait fait mon délice autant lire Octavio Paz a été une épreuve. Gaëtan Picon laissait les auteurs complètement libres de traiter le sujet à leur convenance* ; Claude Simon a livré une explication et une illustration de sa méthode d'écriture, je ne sais pas très bien ce qu'a fait Octavio Paz. Voici un extrait de ce qu'il écrit en quatrième de couverture : « Je me rendis compte que mon texte n'allait nulle part, sinon à la rencontre de soi-même ».

Pour ce que j'en ai compris, le livre comporte une trentaine de chapitres qui alternent librement entre deux manières : d'une part une description d'un cheminement à pied vers Galta, ville en ruines dans les environs de Jaipur, et des récits connexes, où apparaît parfois la trace de Hanuman, le singe grammairien, d'autre part des réflexions poétiques sur le langage, l'écriture (les signes, plus que la littérature?).
Il faudrait peut-être une connaissance de l'Inde et du Ramayana pour apprécier complètement certains chapitres, mais Paz, avec l'aide des illustrations, donne des visions des bâtiments, des animaux et des hommes, des visions parfois érotiques dont on ne saisit pas toujours l'origine (description d'une enluminure, divagation sur de vagues traces de peinture?). Ces chapitres m'ont assez intéressé ; le fait que leur logique m'ait échappé n'était pas gênant. En revanche, beaucoup de méditations philosophico-poétiques m'ont complètement dépassé, j'ai eu l'impression que l'art pour l'art, au détriment de toute logique, voire à la recherche du paradoxe, n'était pas fait pour moi.

*Pour en savoir plus sur la collection, voyez par exemple https://www.lemonde.fr/archives/article/1970/01/31/gaetan-picon-definit-les-sentiers-de-la-creation_2654493_1819218.html
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Dans le Ramayana, le sage et fidèle Hanuman est le roi des singes qui permet à Rama de reconquérir Sita. Paz en fait le témoin de notre animalité et de notre poursuite acrobatique du sens, une incarnation du poète. Au travers de scènes multiples, réelles ou mythologiques, le livre est une réflexion sur le langage et ses relations distantes avec la réalité et la nature : dans les jeux des amants, dans la misère et la dévotion d'un temple ruiné du Rajasthan, dans la fascination des jeux de lumière à sa fenêtre de Cambridge. Les associations libres, les ruminations rêveuses vont et viennent, au risque de la répétition et de l'obscurité. Les illustrations, belles et surprenantes, complètent sans jamais les plagier les images du poète.

Le langage enfonce ses racines au coeur de ce monde mais transforme ses actions et ses réactions en signes et en symboles. le langage est la conséquence (ou la cause) de notre exil hors de l'univers : il signifie la distance entre les choses et nous-mêmes. (p 132)

Oui, je sais que la nature – ou ce que nous appelons de la sorte : cet ensemble d'objets et de fonctions qui nous entoure et qui alternativement, nous engendre ou nous dévore – n'est pas plus notre complice qu'elle n'est notre confidente. Il n'est pas licite de projeter nos sentiments sur les choses ni de leur attribuer nos sensations et nos passions. le serait-il davantage de reconnaître en elles un guide, une doctrine de vie ? (p 13).

Le bruit frais des pas, les cris et les rires d'une troupe de femmes descendant du sanctuaire, chargées d'enfants tels des arbres fruitiers, toutes en sueur, pieds nus, bras et chevilles couverts d'anneaux et de sonores bracelets d'argent - la foule poudreuse de ces femmes et l'éclat de leurs vêtements, véhémences rouges et jaunes, leurs gambades de poulains, la cascade de leurs rires, l'immensité dans leurs yeux. (p 81)

Splendeur se dévêt d'une main sans lâcher de l'autre la verge de son compagnon. Tandis qu'elle se déshabille, le feu de la cheminée la couvre de reflets cuivrés. La lueur du foyer se love autour des chevilles de Splendeur et monte entre ses jambes jusqu'à illuminer son pubis et son ventre. (p 47)

Pendant qu'il créait les êtres, Prajapati transpirait, haletait, et de sa grande fatigue et de sa suffocation, de sa sueur, surgit Splendeur. Elle apparut soudain : dressée, resplendissante, rayonnante. A peine l'eurent-ils vue que les dieux la désirèrent. Ils dirent à Prajapati : « laisse nous la tuer : ainsi nous la partagerons entre nous tous. » Il leur répondit : « Hé quoi, Splendeur est une femme : on ne tue pas les femmes. Mais si vous le voulez, vous pouvez vous la partager - à condition qu'elle demeure vivante. » Les dieux se la partagèrent. Splendeur courut se plaindre à Prajapati : « ils m'ont tout enlevé ! » Il lui conseilla : « demande-leur de te rendre ce qu'ils t'ont arraché. Fais un sacrifice. »  (p 97)
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
[...] le corps est le lieu de la disparition du corps. La réconciliation avec le corps culmine dans l'annulation du corps (sens). Tout corps est un langage qui, à l'instant de sa plénitude s'évanouit : tout langage, parvenu à l'état d'incandescence, se révèle comme un corps inintelligible.
P133
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Oui, je sais que la nature – ou ce que nous appelons de la sorte : cet ensemble d’objets et de fonctions qui nous entoure et qui alternativement, nous engendre ou nous dévore – n’est pas plus notre complice qu’elle n’est notre confidente. Il n’est pas licite de projeter nos sentiments sur les choses ni de leur attribuer nos sensations et nos passions. Le serait-il davantage de reconnaître en elles un guide, une doctrine de vie ?
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Le bruit frais des pas, les cris et les rires d’une troupe de femmes descendant du sanctuaire, chargées d’enfants tels des arbres fruitiers, toutes en sueur, pieds nus, bras et chevilles couverts d’anneaux et de sonores bracelets d’argent - la foule poudreuse de ces femmes et l’éclat de leurs vêtements, véhémences rouges et jaunes, leurs gambades de poulains, la cascade de leurs rires, l’immensité dans leurs yeux. (p 81)
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Splendeur se dévêt d’une main sans lâcher de l’autre la verge de son compagnon. Tandis qu’elle se déshabille, le feu de la cheminée la couvre de reflets cuivrés. La lueur du foyer se love autour des chevilles de Splendeur et monte entre ses jambes jusqu’à illuminer son pubis et son ventre. (p 47)
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Videos de Octavio Paz (21) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Octavio Paz
« […] […] comme le dira Octavio Paz (1914-1998), “la poésie mexicaine ne trouvait pas sa forme propre. Chaque fois qu'elle se risquait à exprimer le meilleur et le plus secret de son être, elle ne pouvait que mettre en oeuvre une culture qui ne lui appartenait que par un acte de conquête spirituelle“. […] Enrique González Martínez annonçait qu'il fallait “tordre le cou au cygne“ moderniste pour pénétrer dans la réalité concrète de la vie quotidienne : “Cherche dans tout chose une âme et un sens / caché ; ne te drape pas dans la vaine apparence“ […] »
« Le poème tournoie sur la tête de l'homme en cercles proches ou lointains
L'homme en le découvrant voudrait s'en emparer mais le poème disparaît
Avec ce qu'il peut retenir l'homme fait le poème
Et ce qui lui échappe appartient aux hommes à venir » (Homero Aridjis, « Le Poème », in Brûler les vaisseaux, 1975.)
0:00 - EFRAÍN BARTOLOMÉ 1:49 - MANUEL ULACIA 3:40 - VERÓNICA VOLKOW 4:36 - MARISA TREJO SIRVENT 5:41 - AURELIO ASIAÍN
6:12 - Générique
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Référence bibliographique : Poésie mexicaine du XXe siècle, traduction de Claude Couffon et René Gouédic, Genève, Patiño, 2003.
Images d'illustration : EFRAÍN BARTOLOMÉ : https://es.wikipedia.org/wiki/Efraín_Bartolomé#/media/Archivo:Efraín_Bartolomé_en_Berna,_1999.jpg MANUEL ULACIA : https://www.lavenderink.org/site/books/manuel-ulacia/?v=76cb0a18730b VERÓNICA VOLKOW : https://www.rogeliocuellar.mx/archivo/fotografia/4559/mx-rcu-esc-vovo-a-00020 MARISA TREJO SIRVENT : http://www.elem.mx/autor/datos/109900 AURELIO ASIAÍN : https://www.amazon.es/Aurelio-Asiaín/e/B001JWYBQ2/ref=dp_byline_cont_pop_book_1
Bande sonore originale : Mike Durek - The Good News Or The Bad News The Good News Or The Bad News by Mike Durek is licensed under a CC-BY Attribution License.
Site : https://freemusicarchive.org/music/Michael_Durek/Piano_Music_for_The_Broken_Hearted_1221/05_The_Good_News_Or_The_Bad_News/
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