Se replonger dans une lecture signifiante par le truchement et l'interprétation d'autres lecteurs, c'est ce que m'a fait vivre cet agréable moment où j'étais totalement absorbé par les regards portés sur les méandres de l'oeuvre lipogrammatique par excellence que représente
La Disparition de
Georges Perec. J'ai revécu cette expérience étonnante de lire page après page un texte sans e qui nous transporte et nous enivre d'un contexte policier entrant manifestement en résonance avec la forte contrainte choisie. Ce numéro des Cahiers
Georges Perec s'ouvre sur 50 souvenirs de
la Disparition, la mémoire d'actuels oulipiens à propos de leurs contacts respectifs avec l'oeuvre en question.
Je me souviens que chaque traduction de
la Disparition a été une aventure et chacun de ses traducteurs une sorte de héros. [
Eduardo Berti]
Je me souviens avoir pensé, en lisant
La Disparition pour la première fois, que ce n'était pas si compliqué, puis d'avoir essayé de « faire pareil » et commencé par constater qu'on ne pouvait écrire ni « faire », ni « pareil ». [
Hervé le Tellier]
J'aurai appris au travers les textes suivants à quel point Perec avait joué de la réécriture intertextuelle pour construire son tour de force. Comment il avait réécrit en langage lipogrammatique de larges passages de
Raymond Roussel, un oulipien par anticipation, comment il avait emprunté des phrases réaménagées d'Arthur Gordon Pym d'
Edgar Allan Poe, comment il pastiche de nombreux auteurs comme
Borges,
Baudelaire,
Rimbaud ou
Victor Hugo.
Certaines thèses avancent sur un terrain moins stable en accordant à la contrainte utilisée une signification politique sinon psychanalytique en évoquant les questions existentielles qui traversent l'oeuvre de Perec. Ce n'est pas l'aspect qui m'aura le plus séduit.
Je demeure avec l'idée que
La Disparition mérite le plus d'angles d'approche que possible, qu'il y a plus que l'exercice de style dans ce roman, que l'intertextualité manifeste engage vers une nouvelle lecture, que Perec ne cessera de me surprendre et de m'éblouir, et enfin, que la littérature serait bien différente sans ses écrits.
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