Le Manuel de Gestalt n'est que la première partie d'un livre que
Fritz Perls avait écrit à la fin de sa vie, alors qu'il réalisait qu'il serait peut-être intéressant de laisser une trace écrite de ses recherches et de sa pratique.
Fritz est devenu un gourou dans la société libéralo-hippie des années 70 après avoir fait sa crise de bourgeoisie. A 53 ans, il décide d'abandonner sa carrière de psychanalyste (qui lui avait apporté plein de fric) pour mener une vie de bohême aux US. le fric aide assurément à ne vivre plus que d'amour et d'eau fraîche. Avec une honnêteté qu'on lui pardonne, Fritz a claironné : « Je ne suis pas le fondateur de la Gestalt, mais tout au plus, son redécouvreur. » Cette franchise lui a permis d'être vénéré comme le père d'un nouveau courant thérapeutique. Sans doute parce que nous savons tous, dans le fond, que toutes les découvertes ne sont que des vieilleries que l'on ne fait que recouvrir d'une couche de vernis.
Ignare absolue dans le domaine de la Gestalt, je découvris progressivement que cette discipline s'inspirait de la psychanalyse freudienne pour, semble-t-il, la liquider du mieux que possible, privilégiant la guérison rapide au brassage des souvenirs, le rôle empathique du thérapeute à l'analyse du transfert.
« La Gestalt est en effet une thérapie de « l'ici et maintenant », consistant à demander au patient de porter toute son attention sur ses actes actuels, ici même et en ce moment, pendant la séance.
La Gestalt est une thérapie expérientielle plutôt que verbale ou interprétative. Nous ne demandons pas à nos patients de parler de leurs souvenirs, de leurs traumatismes et des problèmes qu'ils ont eu jadis, mais de revivre leurs problèmes et leurs traumatismes dans l'ici et le maintenant, c'est-à-dire de refaire l'expérience dans le présent de leurs histoires inachevées. »
Que propose de singulier la Gestalt ? « On pourrait dire, en un sens, qu'entrer en contact avec l'environnement signifie former une Gestalt. » Être névrosé, c'est souffrir d'un trouble du contact avec l'environnement que l'on peut étudier en décortiquant les phénomènes de l'introjection, de la projection, de la confluence ou de la rétroflexion. La Gestalt propose l'unification du névrosé avec son environnement.
La Gestalt, ancêtre des thérapies comportementales à la mode du moment ? le sentiment de déjà-lu qu'inspirent les réflexions de Perlette au lecteur du siècle peut le laisser croire. C'est une sorte de soupe un peu flasque qui se boit en pensant à autre chose. Une soupe pleine de bons sentiments qui donnera du courage aux gens qui en ont déjà. Une bonne petite soupe qui redonnera des forces à ceux qui n'en manquaient point. Un bon repas consistant qui ne vexera ou n'indignera pas ceux qui se sentent trop en harmonie avec la vie pour pressentir ce qu'elle peut avoir d'insultant. Les exemples présentés dans le livre pour soutenir la théorie marchent toujours miraculeusement. le bon docteur donne le bon conseil et le bon patient l'applique aisément afin que tous ses problèmes trouvent immédiatement leur résolution. Tout fonctionne à coup de bonne volonté, ce qui est très bien, mais lorsqu'il suffit de faire preuve de bonne volonté pour se sortir d'une impasse, c'est qu'on n'a pas besoin de psychothérapie.
La Gestalt, précurseur du développement personnel ? Je n'osais pas le dire. Voilà, c'est fait.