Je me suis toujours demandée où les Juifs avaient trouvé la force d'une résilience. Comment, après toutes les horreurs vécues, ont-ils continué à croire en l'humain? À refaire leur vie. À avoir, de nouveau, le plaisir de vivre. Cela concerne aussi tous ceux qui ont connu les pires horreurs. Comment ressentaient-ils leur résilience au plus profond de leur âme? Quels secrets avaient-ils pu taire jusqu'à leur dernier souffle? Avaient-ils des regrets? D'autre part, qu'en était-il des allemands qui avaient porté haut les valeurs nazies? Qu'étaient devenus ces soldats allemands prisonniers de la France? Quels étaient leurs ressentiments à l'égard de leurs geôliers? Combien avaient continué à vivre sur la terre de leurs vainqueurs? Comment avaient-ils vécu, après la Guerre, dans un pays qu'ils avaient combattu? Qui était cet octogénaire qui vivait, depuis des années, dans une maison de retraite de la ville?
Julienne, jeune journaliste d'un journal du terroir, rêve d'un scoop par le biais du projet qu'elle prépare: interroger et écrire sur une personne de la ville dont le passé a eu un impact sur la ville où elle habite et travaille. Mais, c'est compter sans la mémoire humaine qui peut s'imaginer des faits, des actes qui ont peut-être existé voire pas du tout. Cette mémoire peut s'emballer et tout anéantir sur son passage. Elle peut, aussi, montrer les limites de l'imagination humaine. Julienne s'en rend-elle compte? Elle est obnubilée par des questions qui restent sans réponses. Ainsi, elle laisse libre cours à son imagination, comblant, ainsi, les silences, légitimant ses hypothèses. Parfois, la vérité peut dépasser l'imagination. Est-ce le cas?
Dans une lecture aisée, qui attise la curiosité du lecteur, nous entrons dans un monde où le devoir de mémoire semble s'imposer aux personnages. Chacun pense détenir la vérité. SA vérité. Encore faut-il avoir des preuves. Mais, l'imagination n'aime pas le vide et préfère le combler. En tant que journaliste, Julienne est débordante d'idées. Sont-elles les bonnes? Ses recherches la laissent sur sa faim. Alors, autant extrapoler. Surtout que les certitudes se bousculent et que les idées, innocemment, se partagent. Julienne pourra t-elle faire face aux conséquences de ses certitudes sur l'homme qu'elle interroge régulièrement? Qui est-il vraiment? Quel est son passé? Ce jeu du chat et de la souris pourrait mal finir et tout remettre à plat.
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Bonjour les babeliophiles petit retour sur ma dernière lecture.
Alors d'entrée je ne vous cache pas que ce roman m'a carrément tant par la période où l'auteur cite l'affreusite de cette guerre 39/45 que tant par le sujet.
le devoir de mémoire et la force des sentiments sont les principaux sujets de ce livre.
Julienne Bancel journaliste dans un quotidien régional decide de faire un sujet sur des travailleurs de l'usine Michelin, et elle ne va pas se douter qu'elle va raviver des souvenirs aussi bien du côté de Wolfgang Muller que du côté de son grand père Isaac Dupuy jusqu'au geste fatal de celui ci.
L'écriture est juste,les personnages sont très développés et l'on ne peut rester indifferent sur leurs vies.Yne histoire qui nous tient en haleine,au coeur de l'acte meurtrier que l'on comprend mieux au fil de la lecture.
Mais comme je dis toujours ceci n'est que mon avis personnel.
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" Qui sont les barbares qui n'aspirent qu'à faire parler la poudre et le feu et qui ne croient en rien d'autre que la destruction partout où ils vont ? "
Quelle raison peut pousser un octogénaire sans histoire à s'introduire dans un ehpad pour assassiner un homme de 10 ans son aîné ?
Pourquoi un prisonnier de guerre déciderait-il de s'établir en terre ennemi après sa libération ?
Comment s'articulent justice et vengeance ?
Qui est responsable du devoir de mémoire?
Et si ce vieil homme sympathique était un ancien nazi ?
Julienne bancel, jeune journaliste à l'éthique Extra large mène l'enquête .
J'ai choisi de lire ce roman vraiment par hasard et je l'ai dévoré dans la journée . Un roman bien construit, documenté et bien écrit qui pousse au questionnement moral et qui mériterait plus de visibilité. J'en conseille la lecture
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Oui, mais, avec ton Müller, on se retourne sur quoi ? Et pourquoi lui offrir son heure de gloire, à ton type ? Qu’est-ce qu’il représente, tu peux me le dire ? Un prisonnier de guerre allemand qui refuse de rentrer dans son pays, une fois libéré, mais pourquoi ? Tu le sais, toi ? Qu’est-ce qui l’en empêchait ? Qu’est-ce qui le pousse à rester en France ? Franchement, tu crois que la France en voulait des gens comme lui ?
— En tout cas, Michelin l’a embauché !
— Tu parles ! Simple besoin de main d’œuvre !
— Donc, la France avait besoin de lui ! Comme des Portugais que Michelin va faire venir…
— Ou les Espagnols ! Hein, c’est cela ? Tu vois, ton reportage me gêne précisément pour cette raison : il égalise tout. Tous les cas finissent par se valoir, le Républicain qui tourne le dos à l’Espagne franquiste et le soldat allemand qui refuse de rentrer dans son pays dénazifié ! Franchement, tu montres un sens de l’Histoire qui ne me plaît pas !
Sa vie, c’étaient quelques lieux associés à des dates, qui avaient marqué à jamais son destin. Hambourg 22, Clermont 48, Paris 54, Chamalières 99. Des étapes dans une existence, comme les couplets d’une vie mal chantée, fredonnée trop longtemps sur le même air. La mélodie avait manqué d’harmonie, jugeait-il avec le recul du grand âge, le soliste n’avait pas toujours bien joué sa partition et surtout il s’était trop mal entouré. Il n’avait pas su former l’orchestre de sa vie, encore moins celui de son bonheur. Il n’en ressentait pas de regrets, c’était un fait qu’il convenait de constater, sans plus. Avec le temps, le pianiste avait fini par connaître les limites définitives de son doigté devenu de plus en plus maladroit. Il y avait tant de compositions qu’il n’avait jamais jouées, ou trop faux. Tristement faux.
Un jour, pourtant, le besoin devient trop pressant et trop violent. Insoutenable. Il faut parler. À l’épouse qui semble disposée à l’écoute, avec une attention bienveillante après l’amour, la tête posée sur un torse musclé, la main parcourant encore une intimité à la blondeur qui se fane ; ou à la mère sur son lit d’agonie juste avant sa mort quand elle pourra emporter avec elle les secrets d’une vie salie, et pardonner parce que le temps ne lui est plus accordé de juger celui que son enfant est devenu ; ou, plus tard encore, au fils que la vie n’aura jamais donné et auquel on aurait confié, la voix hésitante, les aléas d’une existence qui a filé mystérieuse et inconsistante. Grave aussi, presque tragique.
Isaac n’avait pas peur de mourir. La mort signifiait juste la fin d’une vie morose et sans relief. Il y avait longtemps qu’elle lui était devenue indifférente. D’ailleurs, elle ne lui avait jamais apporté de satisfaction. Il n’en attendait plus rien. Il n’avait pas peur, non plus, de la douleur physique au moment de rendre l’âme : sa mère, ses sœurs et même son épouse avaient dû souffrir elles aussi, sans se plaindre et sans que personne ne les entende. Alors il devrait se montrer courageux.
Non, sa peur ne se nourrissait que de ses regrets. Il avait trop attendu. Il avait trop longtemps vécu pour rien. Comment avait-il osé ?