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On peut se demander pourquoi les Ehpad portent si souvent le nom de plantes vivaces. Promesse de longévité, argument commercial pour attirer les amateurs de jardinage ou simple esprit taquin ? Les maisons de retraite aux « magnifiques » volets roulants qui se dénomment ainsi Mimosas, Lys, Lupins, Edelweiss ou Magnolias, fleurissent dans nos impasses. C'est devenu aussi commun que de baptiser une école Victor Hugo ou Jean Jaurès. Les grandes avenues préfèrent encore les maréchaux d'Empire. Bizarrement, les Chrysanthèmes et les pissenlits ont moins de succès dans l'herbier de ces avant-dernières demeures. La grand-mère du narrateur coule ses derniers jours malheureux aux Magnolias dans un quotidien maussade en forme de copié-collé, rythmé par des animations où l'on écoute des chansons qui parlent d'amour et d'hirondelles, de chagrin, de vent, et de frissons… Alain, acteur raté, oscar du meilleur cadavre de séries TV et recenseur de noms de poneys, lui rend visite chaque dimanche entre deux sandwichs flageolets-beurre. Il crève à l'écran à défaut de crever l'écran. Il passe son temps à laisser passer le temps. Il ne fréquente que son agent Rico, plus doué pour les magouilles que pour lui trouver des rôles et Rosie, une prostituée au grand coeur qui le reçoit avec ses fesses à confesse dans sa caravane. Le journal intime d'un oncle acariâtre, trouvé dans la maison de la grand-mère, où Alain part se réfugier au volant de sa Fuego 1984, révèle que mamie Rosie a eu une vie beaucoup moins lisse qu'il l'imaginait, beaucoup moins terne que la sienne. Ce roman dispense de l'humour noir en rafales, sans faucher le récit pour un bon mot. Derrière ces sourires de façade, cette histoire raconte avant tout l'infinie tendresse d'un petit-fils pour sa grand-mère. C'est le souvenir que je garderai de cette lecture. On s'aperçoit rapidement que les épisodes du récit, plus drôles les uns que les autres servent à voiler pudiquement les émotions, que la farce met le drame au régime et que le burlesque déguise une réalité bien glauque. Lire ce roman, c'est comme se réchauffer de la lumière diffusée par une toile de Pierre Soulages. A la différence de la pandémie dépressive qui infecte beaucoup de romans, Florent Oiseau nous incite à retirer les masques de protection pour ne pas cacher nos sourires et il protège ses antihéros d'une éclipse totale en transfusant veines et varices d'une bonne dose de naïveté émotionnelle qui les rend sympathiques. Seul bémol au Synthol, j'aurai aimé que le récit lève davantage le voile sur les secrets de la grand-mère. Néanmoins, il y a bien longtemps que je n'avais pas surligné autant de répliques et de citations dans un roman. + Lire la suite |