La poésie est à la vie ce qu'est le feu au bois.
Elle en émane et la transforme.
Pendant un moment, un court moment, elle
pare la vie de toute la magie des combustions
et des incandescences.
Elle est la forme la plus ardente et la plus
imprécise de la vie. Puis, la cendre.
Comme ils sont bons les moments où l’on aime vivre — la terre, les arbres,
l’odeur des champs et de la mer, les voix qui tintent, le ciel très haut et son attirance
d’aimant qui nos rend plus légers — et les femmes enfin — les femmes à qui il suffit
d’un trait, d’une seule ligne, d’un mouvement dans la silhouette ou d’un grain de
hasard dans l’œil pour devenir quelque chose de fascinant.
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Soleil de mars comme un manteau léger sur la terre convalescente. On se
dépêtre à peine de la gangue glacée. La vie commence à remonter à fleur de terre.
Les bourgeons craquent, luisants comme des ongles au bout des branches. Les fleurs
s’étalent. Les abeilles circulent dans l’air tiède, à plein moteur.
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Le meilleur moyen d’effacer un souvenir pénible ce n’est pas de lui substituer un sentiment agréable – il reviendrait – mais un sentiment encore plus pénible. Il faut constamment repeindre nos sentiments de frais et la couleur plus claire ne recouvre jamais parfaitement une couleur plus sombre, il faut toujours foncer.
[…] il n’y a absolument qu’un moyen de contact entre le poème et celui qui veut en prendre vraiment connaissance, c’est l’œil — parce que le poème ne peut atteindre celui qui le reçoit que dans la solitude, l’intimité, le silence et le recueillement que seule permet la lecture individuelle à l’écart. L’amateur de poésie est un poète qui attend la clef qui libérera son propre essor .
Est-ce la guérison, est-ce la mort – le docteur ne se prononce pas. Est-ce cet ancien monde, auquel j’étais habitué, qui vient de finir ? Est-ce le nouveau monde de l’Éternité qui commence ? Je ne me prononce pas non plus. Je pense seulement avec horreur à cette tête de cire qui cherche obstinément de ses yeux vitrifiés, le bleu du ciel dans le blanc du plafond.
Robert Bober Il y a quand même dans la rue des gens qui passent - éditions P.O.L où Robert Bober tente de dire comment et de quoi est composé son nouveau livre "Il y a quand même dans la rue des gens qui passent", et où il est notamment question de son précédent livre "Par instants la vie n'est pas sûre" et la poursuite de sa conversation avec Pierre Dumayet, d'identité indéterminée et d'identités, d'innocence et de bonté, d' enfance et de rencontres, du yiddish et de Georges Perec, de Seth et de Julien Malland, de Martin Buber et de Gaston Bachelard, de Cholem Aleikhem et du film "Tevye le laitier" de Maurice Schwartz, de Zozo et de la rafle du Vel d'hiv, d'images et livres, de Robert Doisneau et de la photographie, de Pierre Reverdy et de la librairie du Désordre à la Butte aux Cailles, à l'occasion de la parution de "Il y a quand même dans la rue des gens qui passent" en octobre 2023 aux éditions P.O.L, à Paris, le 10 janvier 2024
"– Alors, toujours aussi gros ?
– Et toi, toujours aussi con ?
C'est comme ça que j'ai compris qu'ils étaient copains. le gros, derrière son comptoir, c'était le patron du bistrot-guinguette « Chez Victor » situé derrière la place des Fêtes au fond de l'impasse Compans. le con était accoudé au zinc en attendant d'être servi.
Plus tard, bien plus tard, je suis retourné voir le bistrot « Chez Victor », je ne l'ai pas retrouvé. Tout le quartier avait été détruit."
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