J'étais là parmi tous ces livres. Parmi toutes ses promesses d'évasion, je caressais les couvertures, je les regardais, les scrutais. Attendant peut-être que l'une d'elles me parlent. Ce petit plus qui fait toute la différence, celui de prendre ce livre, de l'ouvrir pour découvrir son contenu.
Parmi ces titres que je commençais à connaitre par coeur, ces couvertures d'un noir corbeau, de photographies plus grandes que la couverture ou d'un blanc immaculé. Ma main, mes yeux, mes sens s'arrêtèrent sur un livre qui sortait indéniablement du lot.
D'un magnifique orange vif, point de photo juste un dessin : celui de trois hommes marchant . J'ai eu une drôle de sensation. L'impression qu'ils m'appelaient, qu'ils voulaient me prendre par la main et me dire: -« Viens allons faire ce voyage ensemble, écoute notre histoire. »
C'est ainsi que ma curiosité me poussa à répondre à l'invitation. « La Méridienne » était pour moi un titre synonyme de voyage, d'un ailleurs qui m'emmenera loin de Paris.
« La Méridienne » est moins un projet qu'un rêve. Celui d'un lecteur public, Marc Roger de diffuser dans des écoles, dans des collèges les
oeuvres de grands auteurs. En partenariat avec l'Unesco, il a le projet un peu fou de partir de Saint-Malo pour rejoindre Bamako, en passant par l'Espagne, le Maroc et le Sénégal.
Pour Marc Roger: "Lire à voix haute et en public, c'est à son sens, offrir à l'écoute du plus grand nombre, public adulte et jeunesse, des récits brefs, nouvelles ou extraits de romans. C'est également produire des étincelles qui donnent envie de lire, d'ouvrir la voie des livres par où circulent l'échange et les idées. Mais c'est aussi, au coeur des villes et des villages, dans l'entreprise, dans les cafés, partout dans la cité, s'inscrire comme un passeur. Tout simplement lecteur public."
J'ai de suite pensé aux Rêveries du promeneur solitaire de Rousseau, en effet "la Méridienne" n'est pas seulement un journal de voyage c'est une réflexion, une réflexion sur la littérature, sur la connaissance, sur la nature mais surtout de la manière dont gravite l'homme autour ces éléments
Il ne sera cependant pas seul, l'âne Babel l'accompagnera dans sa quête, un solide allié, un compagnon de voyage.
Un récit très bien romancé. J'avais l'impression de lire de la poésie tant les phrases sont mélodieuses. J'ai beaucoup ri, au dépend de l'auteur: "lorsque le voyage ne se passe pas comme on l'avait prévu." Certes la logistique est une donnée que l'homme peut contrôler mais il y-en a bien une qu'on ne peut absolument et tout simplement pas envisager c'est le comportement de l'homme. Et Marc Roger attire aussi bien la sympathie que la suspiçion que a raillerie.
Ainsi la "Méridienne" est remplie d'anedoctes drôlissimes comme celui du baigneur nu sur la plage mais parfois révoltantes, je pense notamment aux policiers corrompus au Maroc ou de l'attaque du chien; des anedoctes aussi émouvantes, celui d'un vieux Monsieur d'Amérique Latine qui fond en larmes après avoir découvert dans les ouvrages offerts par les bibliothèques , à l'occasion d'une lecture publique: "Les Métamorphoses" de Kafka. La définition de la vraie richesse est là.
Plusieurs reflexions sont amenées: l'oralité face à l'écrit. Je retiens cette belle citation de
Saint-Exupéry " Il faut être patient. Tu t'assoiras d'abord un peu loin d moi, comme ça dans l'herbe. Je te regarderai du coin de l'oeil et tu ne diras rien. le langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t'assoir un peu plus près." La lecture publique offre les deux: l'oralité (ô combien importante en Afrique) et l'écrit.
Un livre donc pour les amoureux de la lecture, des mots, pour les personnes curieuses, pour les personnes qui veulent rire, s'émouvoir. Un livre pour tout le monde! Venez découvrir un métier du livre inconnu celui de lecteur publique. Celui qui fait résonner les mots pour que l'on puisse les raisonner, s'émerveiller, s'impregner.