On le savait ornithologue de coeur, mais l'écrivain dévoile ici un tropisme de lépidoptériste averti, qui se solde par une visite à la plaque tournante de cette activité, à savoir la foire de Juvisy-sur-Orge, dont on verra plus tard combien le rayonnement est planétaire. Muni de solides renseignements, tant sur les espèces que les meilleurs repaires culinaires – on peut être délicieux tout en étant unique –, le narrateur s'envole alors pour la Guyane et retrace à travers le morpho, ceux qui l'ont convoité et ceux qui l'ont chassé, plus d'un siècle d'histoire de cette région française, deuxième par sa superficie, dont l'histoire est évidemment liée aux bagnes de sinistre mémoire dans lesquels furent relégués pour longtemps des criminels, mais aussi de petits délinquants – sans parler d'un célèbre innocent qui avait pour nom
Alfred Dreyfus.
On y rencontrera donc des restes de cellule, des forçats, des mémorialistes, des entomologistes (le plus cupide de ceux-ci,
Eugène le Moult, ayant pris l'habitude de transformer les détenus en prolétaires pénitentiaires affectés à la chasse aux papillons), de l'histoire, du commerce, de la science, et surtout cette douce et profonde dérision qui permet à
Jean Rolin, sans avoir l'air d'y toucher – mais, qu'on ne s'y trompe pas, l'approche est documentée –, de ressusciter un pan de l'histoire coloniale. Les bipèdes sont croqués de façon tendre ou caustique, les ciels indescriptibles, les chemins boueux, les papillons nombreux et les mammifères rares. Nous ne dirons rien ici du sort peu enviable d'un hapax, l'oppossum. Mais ne nous refuserons pas un peu de botanique, une dernière fleur jetée à l'écrivain, qui sous les allures nonchalantes du flâneur qui nous avait déjà tant enchantée dans
le Pont de Bezons (2020) ou
La Traversée de Bondoufle (2022), continue à jeter sur le monde un regard profond et singulier, porté par une langue si drôle que la plus banale des informations météorologiques y devient une micro-tragédie : « Lors de mon second passage par Toulon, à la mi-février, il pleuvait avec une telle violence, une telle obstination qu'il y avait de quoi faire le désespoir des marins, tous grades confondus, qui après plusieurs années à Brest venaient enfin d'obtenir leur affection dans le Midi. »
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