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Jean Guiloineau (Traducteur)
EAN : 9782259186674
328 pages
Plon (16/03/1998)
3.88/5   40 notes
Résumé :
Résumé:
Omar Khayyam Shakil a trois mères, trois soeurs, qui manifestent en même temps les symptômes de la grossesse.
Dans l'éducation très étrange qu'elles vont lui donner avec le lait de leurs six seins, elles lui apprendront à ne jamais connaître la honte. Mais peut-on s'étonner de ces merveilles puisque cela se passe dans le Pakistan d'aujourd'hui (ou peut-être un Pakistan de fiction qui n'est pas tout à fait vrai lui non plus). Pourtant, Omar Kha... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
C'est l'histoire de trois familles au Pakistan qui vivent les grands principes du pouvoir et expérimentent la honte sous toutes ses coutures...

Rushdie a tendance à créer des univers complexes mi-ancrés dans la réalité mi-imaginaires, tirant sur le conte, la magie, l'ésotérisme, la fantaisie, la légende et le mysticisme. Rien que ça. La Honte ne fait pas exception avec ses évènements improbables et sa bête qui hante les esprits et hâche menu la chair vivante.
Ce n'est pas un roman pour tous car il très est compliqué à suivre, aussi bien dans la chronologie que dans le fond, toujours sous couvert de jolies phrases métaphoriques auxquelles il faut absolument s'accrocher pour percevoir le sens des choses. le mélange des genres entre réalité et fiction, passé et présent, Pakistan mais pas Pakistan s'avère également compliqué à dompter. Il est néanmoins intéressant de voir que finalement, ce deuxième opus ressemble beaucoup dans le style à son prédécesseur Les Enfants de minuit, on sent que Rushdie a trouvé sa marque de fabrique, celle qui lui assure le succès.
Tout de même, on se retrouve avec un récit bourré de personnages (heureusement qu'on nous donne l'arbre généalogique en début d'ouvrage, ça aide souvent à remettre quelques pendules à l'heure) et surtout cette question générale du traitement de la honte, elle-même incarnée par une jeune fille qualifiée de sans cervelle qui va en fait survivre à tous les autres. Ce thème et sentiment est tellement abordé sous tous les angles (l'humiliation, le déshonneur, l'embarras, la culpabilité, la pudeur... via la société, les mécanismes corporels, le jugement personnel) qu'on a du mal à faire le tri et voir exactement où l'auteur veut en venir.
De plus, les retours en arrière constants sont difficiles à appréhender et les évènements presque impossibles à remettre en ordre si on ne fait pas en sorte de prendre des notes mentales. Toute la première partie est consacrée à l'enfance d'Omar Khayyam Shakil, qu'on abandonne ensuite pour se concentrer sur deux autres familles rivales que le destin va bien évidemment réunir, avant de mélanger ces trois entités familiales et n'en faire qu'une qui va succomber à ces diverses hontes.
Comme c'est très dur à résumer, je vais m'arrêter là. Ce n'est pas le plus appréciable des Rushdie que j'ai lus mais il a manifestement participé à sa légende.
Enfin, il est important de noter que c'est le roman qui a précédé la rédaction et publication du célèbre Les Versets sataniques, qui a valu à l'auteur une fatwa par l'ayatollah Khomeini, lequel est cité ici par Rushdie qui fait alors état des évènements en développement en Iran, Afghanistan et Pakistan au début des années 80 ! Une sorte de sombre prophétie qui fait froid dans le dos. Rushdie évoque aussi la dualité Dieu/Satan, qu'on retrouve donc en prémices de la trame des Versets. Voilà quelques exemples qui prouvent bien (comme suggéré dans Joseph Anton) que lire les romans de Rushdie dans leur ordre de publication a un intérêt.
Lien : http://livriotheque.free.fr/..
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Un roman complexe mais très original et intéressant, autant d'un point de vue historique, politique et littéraire.
La Honte est difficile à résumer, tant les personnages et les intrigues sont nombreux, mais je vais m'y essayer...

C'est avant tout l'histoire, déguisée, du Pakistan. Même si l'auteur a changé les noms et s'en défend avec beaucoup d'ironie, on reconnaît les deux dirigeants du pays dans les années 80, Bhutto et Zia, et toutes les intrigues politiques qui vont avec. C'est aussi l'histoire de familles, où l'on voit toute une génération grandir et une autre lui succéder, des mariages, des intrigues... C'est enfin l'histoire de la honte, sous tous ses aspects, et de ses conséquences (le mot ou un de ses dérivés revient fréquemment dans le roman). Celle que représente pour sa famille Sufiya Zinobia, la fille retardée de Raza Hyder (futur dictateur du pays), et qui accumule toute cette honte en elle jusqu'à la transformer en violence meurtrière. C'est aussi elle que ne ressentira jamais Omar Khayyam Shakil, qui respecte presque trop la mise en garde de ses "trois mères" : élevé sans contact avec le monde extérieur par trois soeurs dont il n'a jamais su laquelle était vraiment sa mère, elles lui ont dit de ne jamais avoir honte de sa situation. C'est celle des femmes, réduites à la passivité mais qui ont également leurs torts et leur passé, celle de la politique, lorsque Hyder renverse son ancien ami Iskander Harappa et le fait exécuter...

Salman Rushdie nous dépeint tout cela en nous immergeant dans l'atmosphère du Pakistan (et nous apprend ainsi énormément sur cette culture) et en nous livrant une réflexion profonde sur l'immigration, lui-même étant "doublement immigré" - ses parents ont fui d'Inde au Pakistan et lui-même est ensuite parti au Royaume-Uni.
Et il nous raconte cette histoire avec un style assez unique, et très intéressant, un "réalisme magique" dans lequel la réalité est souvent mêlée à des éléments de surnaturel, avec un narrateur qui s'arrête pour s'adresser au lecteur ou commenter l'avancée de son récit, les actions de ses personnages...

Ce n'est pas le style de roman que je lirais tous les jours, mais c'est une lecture véritablement enrichissante.
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Lorsque l'on lit ce livre il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un conte de fées, d'ailleurs page 391, l'auteur lui-même nous le rappelle. Mais c'est un conte de fées qui fait une incursion dans la politique et dans la religion du Pakistan des années quatre-vingt. le livre est assez difficile à lire. Je me suis fréquemment perdu dans la multitude de personnages parfois un peu fous, plongés dans des histoires rocambolesques, tel que Omar Khayyam Shakil né de trois soeurs sans que l'on sache de laquelle, tel que Sufiya Zinobia la fille attardée, qui rôde dans tout le livre, tel que cette fille que sa famille a surnommée « Bonnes nouvelles » et qui a vingt-sept enfants. Sans compter les généraux, les présidents qui meurent et continuent de parler. La plupart des protagonistes ont plusieurs noms, des diminutifs, des surnoms, ce qui complique encore la compréhension. Malgré ces difficultés de lecture, la plongée dans la politique de fiction du Pakistan avec sa succession de dictateurs, de généraux qui complotent, et d'exécutions et surtout dans les idées, les positions que Salman Rushdie égraine tout au long du livre, le rend très intéressant. Il sait de quoi il parle, lui le natif musulman en Inde, dont la famille a émigré au Pakistan, et qui lui-même a fini par émigrer en Angleterre, puis aux Etats-Unis pour fuir les islamistes. Il parle cache sur les dictatures, sur leur mise en place, sur leur effondrement. Il n'hésite pas à aborder les rites barbares des gouvernements extrémistes religieux. Déjà dans ce roman qui précède la publication des « Versets sataniques » il s'en prend aux mollahs iraniens. Il explique que le fondamentalisme religieux ne vient pas du peuple, mais lui est toujours imposé par le haut. J'ai trouvé intéressant que pour appuyer le renversement de dictateurs entre Iskander Harappa, emprisonné puis pendu et Raza Hyder, il fasse la comparaison entre Robespierre et Danton. J'ai appris la création du nom Pakistan au moment de la fin de l'empire Anglais des Indes. On comprend aussi, l'importance de la notion de honte dans le monde musulman, car à un moment ou à un autre, chaque personnage éprouve la honte de sa propre situation où celle de sa famille. Lorsque l'auteur s'adresse aux lecteurs, soit à propos de sa vie, soit pour donner une opinion, Il n'hésite pas à le faire avec humour. C'est en réalité assez fort d'entraîner le lecteur dans un conte un peu fou pour faire passer des opinions aussi puissantes.
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Comment qualifier un tel livre ? Bouffonnerie historique ? L'Histoire est très présente dans le livre sous forme explicite ou par clins d'oeil au lecteur. Les lieux tout d'abord : Mohenjo, Daro qui renvoient à la civilisation de l'Indus et aussi les personnages. le héros Omar Khayyâm, le plus grand poète perse et aussi les autres Iskander (Alexandre) pas très grand ici, Zoroastre, la divinité parsie et bien d'autres allusions. L'action du roman s'étale sur plusieurs décennies, de la partition Inde-Pakistan à l'époque de la rédaction du livre, en passant par l'autre partition du Bangladesh. On côtoie les acteurs, tous les satrapes qui se sont succédé à la suite de coups d'état, d'assassinat… avec des noms à peine codés : Zia, Bhutto… Les événements dramatiques de ce théâtre d'ombre deviennent sous la plume de l'auteur des scènes de grand guignol, guignol sanglant, évidemment ! Les barbares musulmans qui ont promulgué une fatwa contre Rushdie ont eu raison, ce type est extrêmement dangereux. le talent littéraire, l'ironie… sont bien plus meurtriers que les bombes, les kalachnikovs, les hachoirs de boucher.
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Foisonnant, truculent et complètement "exotique". Intimement lié au sous-continent indien, à ses courants politiques, mais aussi imbriqué dans le quotidien du peuple. L'écritue de S. Rushdie est flamboyante et j'ai été sous le charme, dès les premières lignes du livre, malgré la multitude des personnages qui m'ont parfois induite en erreur et obligée à revenir sur leur entrée en scène. Au final, j'ai pris beaucoup de plaisir à lire cette fable des temps modernes.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Raza Hyder lui dit qu’ils iraient pêcher dans un torrent très célèbre dans la région à cause de la beauté du paysage et à cause de la légende qui disait que ses eaux étaient hantées par un poisson-fantôme d’une telle férocité à l’égard des poissons que les nombreuses truites qui passaient préféraient se précipiter sur l’hameçon de n’importe quel pêcheur qui se trouvait là, et cela quelle que soit sa compétence. Cependant, ce jour-là, ni Raza ni Omar Khayyam ne réussirent à attraper un seul poisson.
Pourquoi les truites ne mordaient-elles pas ? Qu’est-ce qui rendait les deux gentlemen distingués moins attirants que le poisson-fantôme ? Étant incapable d’entrer dans l’imagination d’une truite, je propose ma propre explication (qui se termine un peu en queue de poisson). Dans un hameçon, un poisson recherche une sorte de confiance, car l’hameçon transmet son caractère inévitable à ses lèvres. La pêche est un conflit entre deux intelligences ; les pensées du pêcheur descendent par la gaule et la ligne et sont devinées par les créatures à nageoires. Qui, en cette occasion, trouvèrent plus facile d’avaler les eaux hantées que les pensées horribles des pêcheurs… Croyez-moi ou non, mais les faits sont les faits. Toute une journée passée en cuissardes et, le soir, un panier vide. Le poisson rendit son jugement sur les hommes.
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On sait que le terme Pakistan, un acronyme, fut mis au point en Angleterre par un groupe d’intellectuels musulmans. P. comme Punjabis, A. comme Afghans, K. comme Kashmiris (habitants du Cachemire), S. comme Sind, et le « tan », disent-ils, pour Baloutchistan. (Aucune mention, vous avez remarqué, à la partie orientale ; le Bangladesh n’a jamais eu son nom dans Pakistan ; il finit par comprendre l’insinuation et fit sécession des sécessionnistes. Imaginez ce qu’une double sécession fait aux gens !) Ainsi c’est un mot né en exil qui s’en alla en Orient, qui fut conduit et traduit, et qui s’imposa à l’histoire ; un migrant de retour s’installant sur une terre ayant subi la partition, formant un palimpseste sur le passé. Un palimpseste cache ce qui est en dessous. Pour construire le Pakistan il fut nécessaire de recouvrir l’histoire de l’Inde, de nier que des siècles d’Inde sont juste sous la surface du Pakistan moderne. Le passé a été réécrit ; il n’y avait rien d’autre à faire.
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Il erra sans but, broyant du noir devant l’étroitesse des possibilités qui lui étaient offertes, quand le tremblement de terre commença.
Tout d’abord il se trompa et le prit pour un frisson, mais un coup qu’il reçut à la joue, causé par un éclat tranchant, chassa la brume de devant les yeux du prétendu poète. « Il pleut du verre », se dit-il surpris, en jetant rapidement un coup d’œil aux ruelles du bazaar des voleurs où ses pieds l’avaient conduit sans qu’il s’en rende compte ; les ruelles bordées de petites boutiques dans lesquelles son prétendu frisson faisait un beau désordre : des melons éclataient à ses pieds, des pantoufles tombaient des étagères tremblantes, des pierres précieuses, des brocarts, des poteries, des peignes tombaient pêle-mêle dans les allées recouvertes de débris. Il restait stupidement immobile, sous une pluie de verre brisé, incapable de se défaire du sentiment d’avoir imposé son trouble intérieur au monde qui l’entourait, tout en résistant à l’impulsion insensée de saisir quelqu’un, n’importe qui dans la foule paniquée des pickpockets et des marchands, pour s’excuser des problèmes qu’il avait causés.
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Au Pakistan, le prétendu « fondamentalisme » islamique n’est pas né du peuple. On le lui a imposé d’en haut. Des régimes autocratiques ont trouvé utile d’épouser la rhétorique de la foi, parce que c’est un langage que le peuple respecte, car il hésite à s’y opposer. C’est ainsi que les religions soutiennent les dictateurs ; en les enfermant dans le langage du pouvoir, un langage que le peuple ne veut pas voir discrédité, dévalué, ridiculisé.
Mais ce qu’on vous enfonce de force dans la gorge n’en existe pas moins. À la fin, vous en êtes malade, vous perdez la foi dans la foi, sinon en tant que foi, au moins en tant que fondement d’un État. Et alors le dictateur tombe, et on découvre qu’il a entraîné Dieu dans sa chute, que le mythe justificateur de la nation s’est brisé.
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Cependant, commençons par le commencement : le corps de Rosette, exhibé de façon provocante dans un sari vert porté dangereusement bas sur les hanches, comme les femmes du Pakistan oriental ; des boucles d’oreilles d’argent et de diamant en forme de croissant-et-d’étoile ; et sur des épaules irrésistiblement vulnérables un châle léger, dont les broderies miraculeuses ne pouvaient être que le produit des brodeuses légendaires d’Aansu, parce que parmi les minuscules arabesques on avait représenté mille et une histoires en fils d’or, et de façon si vivante qu’on aurait cru que les tout petits cavaliers galopaient vraiment sur ses clavicules, tandis que des oiseaux semblaient voler, volaient vraiment sur la gracieuse courbe de sa colonne vertébrale…
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Vidéo de Salman Rushdie
« Il était essentiel que j'écrive ce livre : une manière d'accueillir ce qui est arrivé, et de répondre à la violence par l'art. »
Pour la première fois, Salman Rushdie s'exprime sans concession sur l'attaque au couteau dont il a été victime le 12 août 2022 aux États-Unis, plus de trente ans après la fatwa prononcée contre lui. le romancier lève le voile sur la longue et douloureuse traversée pour se reconstruire après un acte d'une telle violence ; jusqu'au miracle d'une seconde chance.
Pour accompagner la parution de ce livre inédit, Salman Rushdie a accordé à La Nouvelle Revue Française un entretien exclusif. Nous vous invitons à le découvrir dans son intégralité en librairie ou en version numérique sur notre site.
Découvrez l'entretien https://www.lanrf.fr/products/il-etait-une-fois-entretien
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