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3,8

sur 2910 notes
Un pur exercice de style, voici ce à quoi se résume pour moi La plus secrète mémoire des hommes.
Mohamed Mbougar Sarr est érudit, il maîtrise la littérature française, c'est un virtuose des mots qui surfe sur leur vague avec aisance.
Ses critiques sur le milieu littéraire, son microcosme parisien, ses clins d'oeil malicieux au Goncourt ont manifestement été fort appréciés, et lui ont permis d'atteindre brillamment le Saint-Graal.
Oui mais, … cela suffit-il à faire un bon livre et surtout que cela apporte-t-il au lecteur ?
Alors que j'avais lu facilement la première partie de l'histoire, dans laquelle nous est racontée la quête par le jeune et brillant Diégane d'un mystérieux auteur africain, T.C. Elimane, mon attention s'est enlisée dans les chapitres suivants, j'ai eu du mal à me passionner pour tous ces différents points de vue qui finissaient par diluer l'histoire et les propos. Enfin, l'histoire, quelle histoire ? au final on ne sait plus très bien, on tourne en rond, et on se retrouve bien en peine de faire un résumé, tant tout cela s'étire sans fin, s'empile, comme un immense brouillon dont on ne serait pas parvenu à biffer les paragraphes surnuméraires.
C'est dommage, il y a de nombreuses fulgurances, des passages magnifiques (la lettre de Musimbwa est déchirante, criante de douleur et vérité), de belles phrases, parfaites pour les amateurs de citations.
Cependant, cela ne fait pas tout, et le style, la forme ont fini par primer sur le fond. Les pages sont alors devenues d'un ennui mortel, je me suis perdue, j'ai erré, fatiguée, lassée par ce labyrinthe de narrateurs, de lieux, d'époques, et j'ai eu hâte d'arriver à la dernière page pour passer à une autre lecture …
L'auteur a incontestablement un énorme talent, pas forcément judicieusement utilisé dans cet exercice très verbeux. Il m'a semblé avoir fait sienne la devise des Shadocks, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué, et je n'ai pas l'impression que le lecteur y ait gagné quelque chose…
Simplicité ne nuit pourtant pas, je serai ravie de découvrir Mohamed Mbougar Sarr dans un ouvrage moins alambiqué que celui-ci. Comme en cuisine, les choses les plus simples sont souvent les meilleures …
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Ce livre est un cri, un appel lancé à cette coterie parisienne qui fait et défait l'honneur des écrivains. Est-il possible de juger un roman en faisant abstraction de l'identité de son auteur, de sa couleur, de ses origines ou de ses déclarations ? (p235) Peut-on s'enivrer d'un texte en s'affranchissant de l'espace et du temps ? Mohamed Mbougar Sarr mérite le Goncourt. Non pas parce qu'il est noir, africain et qu'il porte le prénom d'un prophète – oh la belle étiquette en ces temps de woke et d'inclusion. Mohamed Mbougar Sarr mérite le Goncourt parce que son livre est admirable. C'est tout ! Il y eut Texaco, il y aura « La plus secrète mémoire des hommes ».
T. C. Elimane, le héros, est un génie apatride, précoce et mystérieux.
« Qui était-il ? Un écrivain absolu ? un plagiaire honteux ? un assassin mystique ? un dévorateur d'âmes ? un nomade éternel ? un libertin distingué ? un enfant qui cherchait son père ? ». Sa vie et l'écriture de son envoûtant « le labyrinthe de l'inhumain » constitue la trame d'un roman mené comme une enquête. L'occasion d'interroger l'Histoire et le traitement qu'elle a réservé aux poètes nègres, curiosités exotiques pour les membres d'un sérail colonialiste peu enclins à les créditer du talent (p72-73). L'occasion aussi de s'interroger sur le sens de la littérature : « nous ne pensions pas du tout qu'elle sauverait le monde ; nous pensions en revanche qu'elle était le seul moyen de ne pas s'en sauver ».
La question récurrente du texte de Mohamed Mbougar Sarr est la suivante : pour abattre un système, faut-il mener la révolution, chercher l'affrontement ou est-il plus efficace de l'infiltrer, usant de la ruse et du mimétisme ? Il semble que ce dilemme obsède l'auteur, aux aguets, prêt à se repaître de la reconnaissance de ses pairs occidentaux tout en se méfiant, le verbe amer, de leur enthousiasme trompeur.
Écrit dans une langue magnifique, intelligente et sans complexe, « La plus secrète mémoire des hommes » dépoussière avec brio cette rentrée littéraire.
Bilan : 🌹🌹🌹
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Long, long, long, mais long...
Trop de personnages, trop volumineux, trop de temps pour le lire. Je suis passé par tous les stades du « j'aime - je déteste ».
Un des derniers chapitres dérape vers la politique, sans rapport véritable avec le sujet. Là il a fallut que je mette en pratique mon stage de formation à la lecture rapide, c'est à dire...en diagonale et en perdant toute la belle subtilité du style de Mohamed Mbougar Sarr. Dommage

Il s'agit donc d'une enquête menée par un jeune écrivain pour retrouver l'auteur disparu d'un livre unique, majestueux. le Livre qui, selon lui, surpasse tout ce qui a pu et qui pourra s'écrire.
L'auteur, africain, gavé d'innutrition, fut logiquement accusé de plagiat.
Et le pourquoi de cet abattage ? Cette vile jalousie du blanc vis à vis de ce qu'il croit être sa créature, qui se croit elle-même devenue blanche, mais qui doit rester noire ; même si elle est plus blanche que blanche.
Me suivez-vous ?
Les français, la colonisation, en prennent pour leur grade. Sous l'apparence de critiques de l'époque, c'est leur racisme et leur bêtise qui est dénoncée.

Voilà pour le sujet du livre.

La quête, le partage et le devenir de l'ouvrage en question est prétexte a verbiage littéraire, abondance de beaux mots, de belles tournures. Les phrases sont très belles, de celles qui font naître un sourire de plaisir, de celles qu'on relit immédiatement pour mieux en saisir la beauté.

Mais j'ai eu rapidement, hélas, le sentiment d'un remplissage littéraire. Remplissage superbe certes mais remplissage alourdissant, répétitions et bis-répétitions.

L'écriture de Mohamed Mbougar Sarr est magnifique. Elle donne toute sa noblesse à notre langue française qui est maltraitée si souvent. Pour cela mon va et vient sentimental se termine sur le « vient » de l'amour de ce livre. Mais sa lourdeur ne me fait pas oublier le « va ! » qui m'assure que je ne le relirais pas. Je vais tâcher de n'en garder que la superbe.

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La mémoire nous transcende-t-elle ? On ne peut pas nier que certains traits de caractères ou bien de traits certains nous apparaissent de façon très reconnaissable au travers parfois de plusieurs générations. Cet auteur a un profil plutôt musclé et je ne crois pas qu'il puisse écrire ainsi avec une intériorité dévastée et un regard vide. Pourtant, le troisième paragraphe, ou plutôt le troisième livre me paraît inachevé, peu ambitieux car il ne révèle pas l'aboutissement profond d'une pensée à mon sens. Il n'y a toutefois rien à redire sur le style, érudit, pertinent, cru, ironique, aimant, puissant, romantique, humaniste. C'est un livre qui se réfère d'une qualité littéraire inaltérable sauf érosion créative, mais on a le temps, l'homme est jeune. Un petit clin d'oeil à Dorgelès sur les tirailleurs sénégalais souvent en première ligne et sur bien d'autres auteurs témoigne manifestement d'une ample connaissance de Mohamed Mbougar Sarr qui remporte la consécration du Goncourt 2021.
Diégane Latyr Faye, notre personnage, cherche ‘'Le labyrinthe de l'inhumain''. Puis il n'aura de cesse de rechercher l'auteur de ce livre de T.C. Elimane. Un livre qualifié à la fois de chef d'oeuvre en 1938 et qui déclenche dans un deuxième temps un scandale. Son auteur, un jeune écrivain sénégalais se voit taxé de « Rimbaud nègre » puis de plagiat suite à quoi, il disparait et sombre dans l'oubli. C'est en 2018 cependant que notre homme, retrouve à Paris la trace de cet ouvrage chez Marème Siga D. son amie écrivaine. Elle lui prête en lui expliquant sa provenance, mais aussi combien cette lecture est dérangeante, violente, dangereuse et pouvant tourmenter longtemps.
− Lis-le dit-elle et rappelle-moi.
Le ton parfois, de certains commentaires du roman dans le roman rejoint curieusement celui de l'ouvrage parachevé et c'est assez hilarant, sauf accusation de plagiat puisque d'Auteur, nous avons. Qui est cet Elimane ? Ou est-il ? Existe-t-il vraiment ? Ce livre n'est pas assez africain ; il devrait écrire comme un africain ; ce livre du sénégalais Elimane n'aurait pas été écrit pas lui mais par un nègre, un non africain. J'imagine alors pourquoi l'auteur a disparu quand il serait bien le dernier à pouvoir défendre son livre : mythique, barbare, étonnant, magique, poétique, Rimbaud déguisé, Néron noir, chef-d'oeuvre etc… Qu'il reste dans son ressui ! Il y a là une réflexion intéressante sur le plagiat car il me semble que la délimitation est fragile dans le sens où nous sommes tous les plagiaires de quelques illustres pairs ; encore faut-il les dépasser tout en s'en inspirant, ce qu'avait tenté et réussi Elimane en fait, dans une première lecture, mais c'est bien aussi par le seul fait de sa reconnaissance qu'il a été exclu qu'il joue dans la cour des grands. La démarche est assez originale et le pas à pas remarquable. Tissé en trois parties, on suit la voie, les voix, les mots, l'émoi, et en errance, ‘'La plus secrète mémoire des hommes''.
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Les poètes ont un vieux truc pour lutter contre la panne d'inspiration : à force d'écrire que la Muse se détourne d'eux, ils finissent par accoucher des 14 vers règlementaires. Mohamed Mbougar Sarr a réussi un exploit du même genre : écrire non seulement un roman sur le roman mais celui-là même qu'on s'emploie à dénoncer.
À moins d'avoir vécu ces derniers mois dans une grotte particulièrement bien insonorisée, on sait que « La plus secrète mémoire des hommes » s'inspire de l'écrivain malien Yambo Ouologuem, prix Médicis 1968 pour « le Devoir de violence », qui disparut des radars après avoir été accusé de plagiat. Ainsi, le narrateur principal du roman de Mbougar Sarr met la main sur un livre ensorcelant dont l'auteur (d'abord encensé puis violemment pris à parti) a disparu et sur les traces de qui il va se précipiter.
Évidemment, nous ne lirons pas une ligne de ce roman culte (Mbougar Sarr est moins idiot que Joël Dicker !) et nous ne le connaîtrons que par défaut, grâce aux critiques qui le visent. Or les défauts relevés sont à la fois ceux du « Labyrinthe de l'inhumain » censé avoir été écrit par T.C. Elimane et ceux de « La plus secrète mémoire des hommes ».
Exemples (ah ben oui je sais, faut suivre) :
On reproche à Elimane de s'être enfermé « dans un vain exercice de style et d'érudition », Mbougar Sarr écrit des trucs du genre « l'entéléchie de la vie qu'incarnait la littérature ». On reproche à Elimane une intertextualité par trop affichée, Mbougar Sarr pastiche Rimbaud avec application en se lançant à la poursuite de la littérature (comme dans « Aube ») qu'il veut asseoir sur ses genoux (comme dans « Une saison en enfer »). On reproche à Elimane d'avoir écrit un livre violent, Mbougar Sarr nous trimballe de génocide en génocide. On reproche à Elimane d'être trop africain ? Mbougar Sarr saupoudre son roman de sorcellerie animiste en faisant mystérieusement mourir les critiques, faut ce qu'il faut.
Donc, « La plus secrète mémoire des hommes » ayant tous les défauts de l'oeuvre culte d'Elimane, on en déduit que ce roman en a aussi toutes les qualités ; que c'est malin ! Écrire un livre en creux et faire de son propre roman l'envers de celui fantasmé, ou plus exactement, d'ailleurs, son endroit : joli tour de force.
Oui, mais bon. Ce roman se veut aussi un biblicide (j'adore) : le livre ultime, celui qui tuera tous ceux passés et à venir en les rendant inutiles. Et là, ça se gâte. Parce que, en guise de littérature, Mbougar Sarr nous gave plutôt de ses théories. L'écrivain dans sa tour d'ivoire vs l'auteur engagé. L'écrivain cosmopolite réceptacle de la culture universelle vs le porte-parole de son peuple. L'artiste maudit vs l'auteur à la mode. le double romanesque de Mbougar Sarr, Diégane Latyr Faye, critique ceux qui veulent tout savoir d'Elimane et « dissiper le mystère de l'homme. » Lui, au contraire, demeure « attaché à celui de l'oeuvre ». Ben non. On ne saura jamais pourquoi les lecteurs du « Labyrinthe de l'humain » sont saisis d'extase en lisant ce livre. On ne verra jamais à l'oeuvre la force de ce roman, il ne changera personne ; car ce n'est pas la littérature qui est au centre de ce livre mais le littérateur.
Les critiques qui découvrirent le livre d'Elimane en 1938 le renvoyèrent à ses origines : « Rimbaud nègre », « Noir savant ». Son roman n'a pas été commenté au prisme de la littérature. Mais Faye, en se lançant à la poursuite d'Elimane ne fait rien d'autre, lui aussi, que de réduire l'oeuvre à son auteur. Il finit d'ailleurs par réduire son histoire à une allégorie : le roi tueur de vieillards ne serait autre qu'Elimane reniant son passé et sa culture. Ça, c'est de l'analyse ! Au secours ! Sainte-Beuve, sors de ce corps.
Reste un livre malin et bavard qui n'est biblicide qu'à la manière De Lagarde et Michard, qu'à la manière d'une anthologie: un vademecum et non une oeuvre, qui intéresse ou qui amuse, mais dont on sort absolument indemne.
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Critiquer la plus secrète mémoire des hommes n'est pas facile face à l'avalanche d'éloges qui emporte tout. je suis déçue, très déçue. j'avais lu en son temps "Le devoir de violence" (1968) et j'ai lu récemment "Batouala"(1921). C'étaient de vrais livres, alors que "la plus secrète mémoire des hommes" m'a fait penser au "Da Vinci code". Certes l'auteur a beaucoup lu (pas toujours bien digéré), il ne nous apprend rien, ne maîtrise pas sa narration et fait peut-être quelques belles tirades, mais le plus souvent reste bien fade. Quelle folie a touché les critiques, alors que la littérature compte tant d'écrivains noirs fascinants et talentueux qui écrivent en français qui parlent vraiment de la colonisation et de ses ravages. Lisez un peu Maryse Condé ou même Christiane Taubira, ça vous fera du bien...ou tous ceux qui écrivent en anglais. Je suis triste et en colère.
Lien : https://www.lesmotsjustes.org
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D'abord, j'ai été intriguée par ce qui se disait sur La plus secrète mémoire des hommes, de quoi me donner envie de le lire. Ensuite, j'ai soupiré sur les 50 premières pages, encore 400 pages comme ça ? C'était ennuyeux, malgré le très beau style. Enfin, le livre démarre, c'est finalement un coup de coeur en dépit de quelques reproches (mais pourquoi donc compliquer la vie du lecteur ?)
Parmi les thèmes, le départ avec toutes ses questions : rester ? partir ? revenir ? Un thème universel.
Et la littérature, bien sûr, mais une littérature d'où le lecteur est curieusement absent. Les écrivains ont tranché : il faut écrire pour être le meilleur, peu importe que le lecteur aime ou non. Je parle du lecteur ordinaire, celui qui achète le livre, qui l'emporte chez lui et qui s'installe confortablement en espérant être distrait, apprendre quelque chose ou encore réfléchir.
Le milieu littéraire, critiques, journalistes, universitaires, est bien là et la description de leurs réactions est doucement ironique.
Le style est magnifique, mais parfois désagréable. Les narrateurs changent souvent, dans le même chapitre. Il faut un petit moment pour comprendre que le « je » qui parle n'est pas le « je » du paragraphe précédent. Mais pourquoi, pourquoi, pourquoi ?
Malgré ça, un excellent cru Goncourt qui vous emporte dans la vie des écrivains, maudits ou pas.

Lien : https://dequoilire.com/la-pl..
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J'ai toujours eu un gros problème avec les prix Goncourt et autres mais ce livre m'attirait par sa couverture et les bons avis.
Malheureusement je n'ai pas accroché du tout. Très bien écrit mais cette quête est interminable, beaucoup de belles phrases, énormément d'adjectifs pompeux.
Il a surtout montré la difficulté pour les auteurs africains de se faire une place.
Je souhaite une bonne lecture à ceux qui vont le lire .
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Prix Goncourt 2021, un roman pas facile à apprivoiser, mais qui en vaut le coup (ou le coût…)

Je l'avoue j'ai failli abandonner dans les cent premières pages. C'était d'abord l'histoire de Diegane, jeune auteur sénégalais qui a écrit un roman « Anatomie du vide » et sa personnalité me semblait vide, ou prétentieuse, malgré ses tourments littéraires.

Puis le ton change, ou plutôt laisse place à de multiples voix. le jeune écrivain laisse la parole à ceux dont il a recueilli les témoignages dans sa recherche de l'auteur d'un livre bouleversant « Le labyrinthe de l'inhumain ». Et là, j'ai compris pourquoi le roman avait reçu le Goncourt.

On rencontre un grand nombre de personnages qui sortent de l'ordinaire, qu'il s'agisse d'une poétesse haïtienne en Argentine, d'universitaires, de filles qui dansent dans les bars, de journalistes ou critiques littéraires, d'éditeurs persécutés par le régime nazi, sans compter un guérisseur capable de magie et de voyages extracorporels, etc.

Les sujets foisonnent : urgence d'écrire et importance de la littérature, quête d'identité, colonialisme et racisme, guerres et nazisme, conflits familiaux, amours qui perdurent ou se déchirent et, toujours, le pays ou l'exil.

Une écriture forte et une lecture riche, tantôt touchante, tantôt profonde de réflexions sur l'humain et sur le monde.
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"Je vais te donner un conseil : n'essaie jamais de dire de quoi parle un grand livre. Ou, si tu le fais, voici la seule réponse possible : rien. Un grand livre ne parle jamais que de rien, et pourtant, tout y est. Ne retombe plus jamais dans le piège de vouloir dire de quoi parle un livre dont tu sens qu'il est grand. Ce piège est celui que l'opinion te tend. Les gens veulent qu'un livre parle nécessairement de quelque chose. La vérité, Diégane, c'est que seul un livre médiocre ou mauvais ou banal parle de quelque chose. Un grand livre n'a pas de sujet et ne parle de rien, il cherche seulement à dire ou découvrir quelque chose, mais ce seulement est déjà tout, et ce quelque chose aussi est déjà tout".

Je vais tâcher de ne pas faire injure à l'auteur en tentant de parler du contenu de son roman pour évoquer en quoi cette lecture peut être riche, captivante, piquante, insolente, intelligente, enthousiasmante, stimulante... et bien d'autres choses encore. D'abord, il faut être conscient qu'au fil de ces quelques 450 pages il n'est question que de littérature, de la quête de l'écrivain à travers les âges, par-delà les frontières et à l'aune des drames de l'Histoire. L'auteur nous invite à une sorte de jeu de piste, mettant en scène Diegane Faye, un jeune écrivain sénégalais qui va se passionner 80 ans après, pour un livre publié en 1938 : le Labyrinthe de l'inhumain. L'auteur, T.C. Elimane a disparu mystérieusement après que son livre, d'abord encensé fut entaché d'un énorme scandale. Hypnotisé par sa lecture, Diegane se lance sur les traces d'Elimane et remonte le cours de l'histoire, entre la France et le Sénégal, en passant par l'Argentine sur fond de Shoah et de colonialisme. Rien que cette quête pleine de zigzags, de rencontres insolites et aux allures de conte teinté de magie suffirait à captiver. Mais il faut ajouter toute la verve stylistique et poétique de l'auteur, son humour, son regard acéré sur le petit monde de l'édition (qui nous vaut des pages délicieusement cruelles sur la critique "qui n'évalue plus les livres mais les recense"), l'intelligence de la construction et la portée de certaines saillies que l'on peut qualifier de brillantes (je vous passe le nombre de post-it qui ornent désormais mon exemplaire).

En plus d'offrir la lecture d'une réjouissante enquête littéraire à l'aune de la relation culturelle compliquée entre la France et l'Afrique, La plus secrète mémoire des hommes est une éblouissante déclaration d'amour à la littérature. Qui semble n'avoir été livrée que pour mieux se délecter du plaisir des mystères qui entourent l'acte d'écrire, et qui semblent impossibles à saisir alors même que l'on pense s'en approcher au plus près. Un conseil : laissez-vous promener par la plume et l'esprit malicieux de Mohamed Mbougar Sarr, laissez-vous entraîner dans ce somptueux labyrinthe de l'écrivain dont on ressort ébloui et heureux.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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