En 1928, l'écrivain et poète portugais
Fernando Pessoa est invité à concevoir un slogan publicitaire pour une marque de soda aujourd'hui célèbre : une eau gazéifiée couleur caramel, riche (autant, voire plus, qu'un oligarque russe) en sucre et qui, semblerait-il, permettrait de déboucher votre évier. C'est bon, vous avez la référence ? Ce fameux slogan, « primeiro estranha-se, depois entranha-se », est aujourd'hui servi quasiment à toutes les sauces.
🥤Ah oui, j'oubliais, la plupart d'entre vous n'ont pas fait portugais deuxième langue… Alors, le professeur Google et ses assistants me suggèrent « d'abord on est étrange, ensuite on est envoûté », quant à moi (déformation professionnelle oblige) je vous suggère plutôt la traduction « d'abord on trouve étrange, ensuite on est envoûté ». Mais pourquoi tout cet amphigouri (pour celles et ceux qui ne connaissent pas ce mot, je vous invite à découvrir sa définition sur le compte de @leslecturesdelaeti), me demandez-vous avec un certain agacement ? Eh bien, parce c'est justement ce que j'ai ressenti en lisant ce livre.
🥤Dès les premières pages nous suivons le parcours d'Élise Maldue, jeune lycéenne de 17 ans vouée à un avenir brillant, qui quitte
Crèvecoeur (tout un présage), le village qui l'a vue naître, pour se départir de ce sentiment de flétrissure qui lui colle à la peau, comme si l'odeur de la pauvreté exhalait de ses pores. Ce nom-même qui la dérange l'oblige à se cacher sous une nouvelle identité, comme si changer de patronyme suffisait à se créer une nouvelle existence.
🥤Dès les premiers chapitres et tout le long du roman, j'ai oscillé entre ravissement et désappointement et, comme à la descente d'une montagne-russe, j'ai ressenti un léger haut-le-coeur. Cependant, et c'est ça qui est extraordinaire, ce récit ne pouvait être autrement mené. En effet, il est souvent difficile de s'enfuir et fuir ce qui nous a poussé à nous murer dans le silence et subir. Et c'est justement ce sentiment de soumission et de torpeur face à la vie qui nous donne envie, tout à la fois, de prendre Élise dans nos bras puis de la secouer, de la consoler puis de lui crier de ne pas se laisser faire, de lui dire que tout ira bien puis de la sommer de se battre, même si on assiste impuissant à un constant retour à la case départ. Et si la pandémie s'en mêle, alors là…
Bref, ce roman initiatique, où l'on pourrait croire que rien ne se passe et où pourtant tout survient, est à la fois déroutant et envoûtant.
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