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Pierre Grimal (Éditeur scientifique)
EAN : 9782130363491
171 pages
Presses Universitaires de France (30/11/-1)
3.85/5   53 notes
Résumé :
Phèdre, également connue sous le titre Hippolyte, est une Tragédie romaine de Sénèque reprenant le mythe grec de Phèdre. En 1591, Jean Yeuwain la traduit en Hippolyte, tragédie tournée de Sénèque
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J'avais déjà lu un certain nombre de pièces de Sénèque, il y a 15-20 ans, et j'avoue d'emblée que j'avais eu beaucoup de mal à comprendre comment elles avaient pu être si réputées, et avoir eu une telle influence sur tant d'auteurs. J'ai gardé le souvenir de quelque chose d'un peu ennuyeux et poussiéreux, pas très bien construit d'un point de vue dramaturgique, dans une langue qui ne m'avait vraiment pas séduite. Alors que le théâtre grec antique m'avait enchanté, et m'enchante toujours.

M'étant lancé dans des nombreuses lectures du théâtre français du XVIe et XVIIe siècle depuis quelque mois, le nom de Sénèque y revenait sans cesse comme modèle incontournable. J'ai donc voulu refaire une autre approche, en essayant aussi de lire un peu autour, pour peut être mieux comprendre, me donner quelques clés qui me permettraient peut être de pénétrer cet univers.

Je ne suis en aucun cas une spécialiste, je vais juste résumer quelques éléments qui ont retenu mon attention et qui m'ont paru pertinents, et cela essentiellement pour pouvoir en garder trace pour moi-même.

J'ai découvert qu'on ne savait pas tant de choses que cela sur ce théâtre latin, pourtant plus récent que le théâtre grec. Les seules tragédies conservées en entier, sont justement les tragédies de Sénèque, ce qui fait que l'on manque de points de comparaison pour évaluer son oeuvre dramatique.

Il y avait deux sortes de tragédies latines. La fabula cothurnata d'une part, d'inspiration grecque, des sortes d'adaptation de sujets ou pièces grecques par les auteurs latins, et d'autre part la fabula praetaxta, avec un sujet latin, donc spécifiquement latine. Malheureusement, il ne reste qu'une pièce entière appartenant à cette seconde catégorie, Octavia, attribuée à Sénèque pendant un temps, mais cette attribution est très contestée actuellement, cette pièce ne figure plus dans les éditions des pièces de l'auteur. Les seuls pièces que nous ayons donc de lui, sont celles à thématiques grecques, et pour lesquelles il est difficile de ne pas le comparer à ses devanciers hellènes.

Ilsetraut Hadot, dans l'article consacré à Sénèque dans L'Encylopediae Universalis, développe l'idée que Sénèque a conçu ses pièces comme une sorte de propédeutique philosophique. Il s'agissait de s'adresser à un large public, celui qui n'était pas forcément capable de comprendre un discours philosophique, la poésie devient un outil pour développer ce discours d'une façon plus accessible, une préparation à la philosophie. L'art permet de faire admettre des idées, c'est un outil de l'éducation. Il s'agit d'inspirer l'horreur du vice, et provoquer de l'enthousiasme pour le bien. Il s'agirait donc de tragédies « philosophiques » avec un contenu didactique.

Cela dit, il semble y avoir une certaine difficulté à dégager des interprétations relativement univoques de ses pièces, en particulier parce que les dates de leurs compositions ne sont pas connues. Or pour Phèdre par exemple, j'ai rencontré diverses possibilités, en fonction du moment de la vie de Sénèque où il aurait pu la composer : en exil en Corse, pendant sa période de faveur auprès de Néron, après sa mise à l'écart par ce dernier….Sa vison et ce qu'il aurait pu vouloir transmettre aurait pu dépendre de sa situation et aussi de ceux à qui ils destinait sa pièce.

Un autre sujet qui semble faire débat, est de savoir si ces pièces étaient destinées à des véritables représentations et si ces représentations ont eu lieu, ou plutôt à des séances de déclamation. Cette deuxième hypothèse pouvant justifier les longues monologues, et le peu de véritables échanges entre les protagonistes, leur caractère relativement statique.

J'ai aussi appris que le théâtre latin, a évolué progressivement vers le spectaculaire, que ce soit en ce qui concerne le décor, la machinerie, les éclairages, les bruitages, la présence de nombreux figurants...Ce spectaculaire est aussi allé jusqu'à représenter vraiment les scènes violentes : tortures, meurtres, viols etc se rapprochant ainsi des spectacles de cirque de l'époque. La parole n'est plus forcément centrale, il ne s'agit pas de suggérer, mais de montrer de la façon la plus directe, d'impressionner.

La conception du monstrueux, matière des tragédies semble aussi très différent chez les Grecs et les Romains. Pour le Grec, il était en quelque sorte tapi dans chaque homme, pouvant s'éveiller chez chacun. C'est une sorte de composante de la nature humaine. Les Latins l'envisagent autrement. le héros de la tragédie, pour une raison ou une autre (perte, blessure…) entre dans l'état de dolor (intense souffrance morale et physique). Cet état de souffrance (vue très négativement par les Romains) le fait accéder à un état de furor qui les exclut littéralement de l'humanité. On pourrait presque rapprocher cet état terriblement violent de folie, mais une folie passagère. le personnage atteint du furor n'est plus responsable juridiquement de ses actes. Et dans cet état, il va être amené à commettre le nefas (ou scelus nefas), le crime indicible. On le voit, le monstrueux est ici la conséquence d'un état ou le héros ne s'appartient plus à lui-même, ou il n'est plus vraiment un être humain, et cela pour s'être abandonné à sa dolor.

Pour en venir à Phèdre, le sujet de la pièce est très connu. Sénèque a eu différents modèles, et en premier lieu Euripide, qui était le tragique grec le plus apprécié des Romains. Euripide a donc écrit deux pièces sur le sujet, Hippolyte voilé, pièce perdue aujourd'hui, et qui a donné lieu à un scandale lors de sa représentation, suite auquel Euripide a écrit une seconde pièce, Hippolyte porte couronne, qui elle a remporté le premier prix aux Grandes Dionysies en -428, et qui nous est parvenue. Sophocle aussi a traité le sujet, malheureusement cette pièce aussi est perdue. Enfin, Ovide s'est aussi intéressé à cette thématique.

La pièce de Sénèque commence par un prologue, dans lequel Hippolyte exprime en quelque sorte sa philosophie de la vie. Puis nous assistons à un échange entre Phèdre et la Nourrice. Phèdre évoque son amour pour Hippolyte, le fils de son mari, la Nourrice lui fait la morale et essaie de lui faire abandonner sa passion interdite. Mais devant l'état de Phèdre, qui parle de mourir, elle finit pas lui conseiller de parler à Hippolyte (Thésée, le mari de Phèdre se trouvant enfermé aux Enfers où il était parti pour essayer d'enlever la reine des lieux). Hippolyte dit à la Nourrice sa détestation des femmes, et devant l'aveu de Phèdre, menace de la tuer, puis s'enfuit. Phèdre, aidée par la Nourrice, se plaint d'avoir été victime d'un viol de la part de son beau fils, s'appuyant sur la preuve du glaive abandonné. Thésée, revenu à ce moment, lorsqu'il apprend l'affaire demande à Neptune de tuer Hippolyte. Un messager vient faire le récit de sa mort atroce. Phèdre avoue avoir menti, et se tue. Thésée après avoir aussi envisagé le suicide, organise les funérailles.

Cette lecture ne m'a pas plus convaincue que la précédente. J'ai eu la sensation d'être devant quelque chose de très didactique. Par exemple, lorsque la Nourrice après l'aveu de Phèdre lui fait la morale, lui dit de vaincre sa passion interdite, à coup de sentences. Elle balaie complètement l'idée de la responsabilité divine, du dieu de l'Amour en occurrence, c'est bien Phèdre seule, incapable de se dominer qui est responsable. On voit bien la leçon morale dispensée, mais cela vide quand même la pièce de son contenu tragique (dans le sens de l'homme confronté à des forces qui le dépassent, au tragique de la condition humaine), nous sommes un peu dans un manque d'auto-discipline. Cela rend aussi le personnage de la Nourrice incohérent, car après une opposition aussi marquée, elle change d'attitude en un tour de main, et pousse Phèdre à exprimer ses sentiments à Hippolyte. Nous ne sommes pas devant des personnages très crédibles, et absolument pas attachants.

Les descriptions sont très explicites, en particulier sur des aspects violents, la mort de Hippolyte étant un sommet. Il y a une sorte de délectation à décrire un corps déchiqueté. Cette violence extrême et qu'il est difficile de ne pas trouver un peu gratuite, se retrouve ailleurs : dans la pièce, pour pouvoir épouser Phèdre, Thésée a tout simplement tué la mère d'Hippolyte. Ce que personne n'a l'air de trouver vraiment condamnable. En même temps, tout cela reste étonnamment froid, peut être parce qu'il est difficile de s'intéresser aux personnages, de les considérer comme des vrais êtres humains.

Et j'ai vraiment du mal avec l'écriture, j'ai pourtant consulté alternativement deux traductions différentes, espérant trouver mon bonheur dans l'une des deux, ce qui n'a pas été le cas.
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Pièce lue dans la traduction de E. Greslou. La version de Sénèque du mythe de Phèdre, nommée Phèdre ou Hippolyte d'après les deux personnages centraux, est bien plus qu'une traduction en latin de la version grecque d'Euripide. Sénèque apporte de la modernité au texte et en renforce le côté poétique et dramatique. le texte est par ailleurs beaucoup plus intelligible au XXIe siècle que celui d'Euripide. le gros point noir de cette version latine est la longueur des répliques qui doit alourdir profondément la mise en scène. Certaines parties ressemblent franchement à une succession de monologues.
Si les déesses, Vénus et Diane, sont toujours présentes dans l'explication du drame, elles le sont plus comme prétexte que comme cause et leurs caractères sont moins outrageusement marqués. Vénus a prise sur Phèdre et Diane sur Hippolyte et on s'en tient là.
La mise en cause d'Hippolyte apparaissant avant la mort de Phèdre, le ressort dramatique est beaucoup plus tendu et le personnage de Phèdre devient plus complexe. Le caractère misogyne d'Hippolyte dépasse de loin sa volonté de pureté virginale et s'affirme dans des diatribes mettant tous les malheurs du monde sur le dos des femmes. Il me rendrait presque Phèdre sympathique ...
Comme chez Euripide, le personnage de la nourrice reste un personnage transitoire et même moins actif. de même, Thésée, pourtant incontournable en tant qu'époux apparemment trompé et en tant que père inflexible, ne prend pas d'épaisseur comme pour ne pas voler leurs drames à Phèdre et Hippolyte.
Sénèque utilise enfin une grande nombre d'images poétiques et une écriture très fluide (peut-être est-ce l'effet de la traduction) qui, en dehors des interminables monologues, la rapproche plus du théâtre classique français du XVIIe siècle (Racine) que des tragédies antiques.
En tant que lectrice, j'ai trouvé la version de Sénèque plus riche que celle d'Euripide.
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Autre grande inspiration de la pièce de Racine à côté d'Euripide, l'oeuvre de Sénèque prend cette fois Phèdre, et non pas Hippolyte, pour personnage principal. L'histoire est la même, mais on notera un intérêt approfondi pour la nature qui apporte une nuance bucolique qui émaille très plaisamment les tirades. le personnage de Phèdre est beaucoup plus négatif, quoique pas totalement, que dans ses versions antérieure et ultérieure, par son caractère changeant qui la pousse à calomnier Hippolyte, non pas tellement pour se préserver, mais pour être unie à lui dans la mort. Hippolyte est toujours un beau misogyne qui, ironiquement, a toutes les femmes à ses pieds, et Thésée un juge un peu trop sanguin et crédule.

La pièce fait intermédiaire dans la transmission du mythe, au sens de la forme, avec des tirades très massives où la rhétorique s'exprime (la confrontation rationnelle des idées est une autre grande particularité de la pièce par rapport aux deux autres) et la présence d'un choeur, mais aussi une organisation générale en actes et en scènes avec un souci de ménager des transitions. La violence est représentée sur scène, alors qu'elle passe exclusivement par le discours rapporté dans les autres versions. On notera d'ailleurs la description particulièrement terrible de la mort d'Hippolyte, beaucoup plus imagée et sanglante que dans les deux autres versions.

Un très bon point d'entrée dans le théâtre romain, qui interroge toutefois moins que Racine et Euripide.
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- PHÈDRE-

La dernière tragédie que j'ai lue de Sénèque est comme d'habitude je n'ai pas été du tout déçue. Sénèque nous écrit une Phèdre qui a un cotée d'innocence tout d'en le cotée diabolique. Pour ce qui on lue Madame Bovary de Flaubert, nous pouvons pensée que Flaubert c'est sûrement inspirée de Phèdre car cela représente l'adultère des femmes et aussi comment Phèdre parle et comment les autre personnage la décrit, nous pouvons pensée a une Emma Bovary. La délicatesse et de l'innocence dans un acte que les religieux trouvait cela absurde. Je vais vous faire un petit résumée :

Phèdre est marié a Thésée mais elle est tombée du fils de son mari et commet un adultère avec celui-ci. Mais quand son mari revient elle ne l'assume pas et cache derrière un mensonge qui pousse a Thésée de chasser son fils. Mais la vérité sera-t-elle éclater ?

Carlaine
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Une pièce de théâtre assez lourde, sombre et tragique. Déjà lu par le passé, je n'avais absolument pas aimé et encore aujourd'hui je n'ai pas su apprécier l'histoire de cette pièce.
Mais il faut bien trouver un point positif, l'écriture est très belle et agréable pour nous faire passer un moment moins difficile durant cette lecture.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Je les hais toutes, je les abhorre, je les déteste, les fuis. Soit raison, soit nature, soit colère aveugle, je veux les haïr. L’eau s’unira paisiblement au feu ; les Syrtes mouvantes offriront aux navires une passe commode et sans péril, le matin brillant se lèvera sur les ondes occidentales de la mer d’Hespérie, et les loups caresseront avec amour les daims timides, avant que mon cœur se dépouille de sa haine, et s’apaise envers la femme.
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Ô grande Crète, qui règnes au loin sur la mer ; toi dont les innombrables vaisseaux occupent les flots, et sillonné les plaines navigables de Nérée jusqu’aux rivages d’Assyrie, pourquoi me contrains-tu à vivre dans ces lieux que je hais, et, me donnant un ennemi pour époux, me condamner à vivre dans la douleur et dans les larmes ?
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Va, fais rouler par tous les vents de noirs nuages,
Répands la nuit, au firmament cache les astres,
Fais déborder la mer, convoque tous ses monstres,
Du fond de l'Océan mande les flots furieux.
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Maïtresse de la vaste mer, ô grande Crète,
Dont d'innombrables nefs sur tous les littoraux
Jusqu'au sol d'Assyrie tiennent les flots partout
Où Nérée à leur proue taille une route sûre,
Pourquoi à l'ennemi mariée, d'odieux pénates
Otage, me contraindre à consumer ma vie,
Malheureuse, à pleurer ?
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Les mères dénaturées s’armèrent contre la vie de leurs propres enfants. Je ne dis rien des marâtres : les bêtes sauvages sont moins cruelles. Mais la perversité de la femme est au dessus de tout ; c’est elle qui est dans le monde l’ouvrière et la cause de tous les crimes ; c’est elle qui, par ses amours adultères, a réduit tant de villes en cendres, armé tant de nations les unes contre les autres, amené la ruine de tant de royaumes.
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Videos de Sénèque (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de  Sénèque
SÉNÈQUE le tragique — Entretien sur 'Thyeste' avec Flocence Dupont (2018) Un entretien avec Florence Dupont filmé en 2018 à Librairie Canopé pour le site theatre-contemporain.net à l'occasion de la représentation de 'Thyeste' par le metteur en scène Thomas Joly.
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>Littérature (Belles-lettres)>Littérature des langues italiques. Littérature latine>Divers écrits (25)
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