Dans le long paysage qui sépare Saint-Pétersbourg de Moscou, et qui, sans grand accident de terrain, sans rencontre de station vraiment pittoresque, fuit lentement en sens inverse de la marche désespérément modérée du train, rien ne prépare les yeux à l’éblouissement qui les attend, l’esprit à la surprise qui le guette.
C’est seulement quand, de plus loin et comme lassé, le mouvement de la machine s’alanguie comme un essoufflement d’agonie, que les tètes se passant aux portières, un spectacle absolument féerique et inattendu met comme une angoisse d’admiration dans les poitrines. C’est à l’horizon et comme à l’infini, un étincellement de dômes s’arrondissant et de tours s’allongeant, carrées avec des toits pointus peints en couleurs éclatantes. C’est comme un coup de vent qui a balayé toutes les brumes, comme un rideau qui se déchire et s’ouvre sur l’Orient.