J'aime cet auteur. Ses livres, le personnage aussi. Journaliste courageux il est toujours "à distance". Je ne le connais pas mais je me trouve souvent à réagir comme lui dans certaines circonstances. C'est peu dire que j'ai préempté ce bouquin à la médiathèque de ma ville !
La
Courlande ? Fastoche ! je connais. Enfin virtuellement. J'avais lu il y a très longtemps un livre sur le Maréchal de Saxe (mais si ! le vainqueur de Fontenoy ! ) écrit par
Gilles Lapouge.
Maurice de Saxe était certes le vainqueur de Fontenoy (Messieurs les anglois tirez les premiers...) mais surtout Duc de
Courlande et......arrière grand-père de Aurore Dupin autrement nommée
George Sand.
C'est avec ce genre de digression que
Jean Paul Kaufmann nous enchante dans son livre.
L'idée de départ comme souvent chez Kaufmann c'est une commande d'un journal. Là c'est "Henry" un rédac chef d'un magazine de voyages qui lui demande un reportage sur la Lettonie récemment libérée du joug communiste comme ses deux consoeurs baltes, la Lituanie et l'Estonie. Et comme souvent chez Kaufmann le hasard fait toujours bien les choses. Lui c'est pas
Maurice de Saxe qui lui a fait souvenir de la
Courlande mais un amour d'il y a trente ans quand il était étudiant au Québec. La délicieuse Mara dont les parents avaient émigré au Québec juste après l'entrée des Russes en 1945.
Le voilà donc parti là-bas (je pense que le livre a été écrit dans les années 1995-2000) avec Joëlle, sa femme, que ceux qui ont suivi le kidnapping libanais de
Jean Paul connaissent bien. Une femme pugnace.
Arrivés "sur zone" ils louent une Skoda Favorit rouge dont Kaufmann arrive à faire un personnage du livre tant elle semble en accord avec l'ambiance générale du voyage.
Ne vous attendez pas à de profondes analyses géopolitiques, à des aventures croustillantes, à des rencontres hors normes, à des considérations savantes et distinguées . le voyage de
Jean Paul Kaufmann c'est tout sauf ça. Nos deux parisiens musardent. Il y a bien sûr le reportage d'Henry, et aussi l'impératif de la cousine Alsacienne de
Jean Paul qui lui a demandé de retrouver la tombe d'un "Malgré nous" de sa famille mort en
Courlande dans la Wermacht en 45. La
Courlande est un pays improbable , une partie de la Lettonie déjà elle-même un pays improbable : à peine trois millions d'habitants, une langue unique et archaïque. Un pays où résident encore 700 000 russes....et je ne parle pas de l'histoire ; compliquée dès qu'on aborde les années 39-45.
Jean Paul Kaufmann prend ces données en viatique et amasse au fil des rencontres et des visites la matière dont sortira ce livre. Un peu à la
Prévert on aura droit à une visite de Mittau, le château qui a hébergé
Louis XVIII lors de son exil, à une rencontre avec une famille allemande dont le père est un connaisseur pointu de l'histoire lettone, à une rencontre imprévue avec un rocker russophone cultivé (oui un rocker cultivé ça existe...), et last but not least pour
Jean Paul Kaufmann l'amateur oenologue amoureux des vins : une soirée mémorable dans une cave du seul vignoble letton. Entre deux chapitres contemporains l'auteur s'échappe vers l'histoire ancienne : l'incroyable Odyssée de l'expédition courlandaise qui prit possession de Tobago et de la Gambie au début du 18e siècle, l'incroyable Odyssée dans un tout autre genre de la flotte russe de l'amiral Rodjesvensky partie de Liepaja en
Courlande donc, pour aller se faire battre après 8 mois de navigation dantesque par les Japonais de l'amiral Togo à Tshushima.
Vous l'aurez compris je suis sous le charme de ce livre. Finalement
Jean Paul Kaufmann ne verra jamais son article publié, le journal d' Henry à fait faillite, et jamais non plus il retrouvera la tombe de l'aïeul de sa cousine. Une note émouvante conclue le livre. L'auteur reçoit une lettre de Mara son ancienne amoureuse québecoise d'origine courlandaise . Elle avait lu son précédent livre traduit en anglais (La chambre de Longwood). Lors de son voyage en
Courlande il avait cru la voir à plusieurs reprises. Etait-ce elle ? Incertitude.....