Ce recueil regroupe sept petites pépites de
Natsume Sôseki (1867-1916). Ce sont de courts textes très divers, qui mêlent voix personnelle et récit. Ils ont été composés entre 1907 et 1912 qui clôt l'ère Meiji. On y voit « l'écrivain-narrateur» dans un voyage à Kyôto ou dans sa vie quotidienne, à sa table de travail. Il est souvent grognon, maussade et narquois. Il reçoit ses disciples et accède à leurs demandes ou à celles de son épouse en traînant les socques.
Et puis, par un tour de passe-passe dont Sôseki l'enchanteur a le secret, vous vous retrouvez projeté dans une réminiscence poétique ou une histoire touchante et délicate parfaitement construite qui vous remue et vous amène à méditer sur la fragilité de la vie.
1. le soir de mon arrivée à Kyôto (1907). Ce texte est magnifique ! Moderne dans son mouvement, son rythme et ses couleurs
et puis totalement bouleversant. On suit « l'écrivain-journaliste » frigorifié et d'humeur maussade dans un périple oppressant à Kyôto plongé dans la nuit et le silence. Par endroits, il remarque une lanterne étrange qui éclaire le mot « zenzai » écrit en rouge et qui signifie » bouillie de haricots rouges », une des spécialités de Kyoto. Il se souvient alors que quinze ans auparavant, il vint pour la première fois dans la cité avec son grand ami Masaoka Shiki qui mangeait une orange...
2. le Moineau au bec rose (1908). le récit qui s'apparente à un conte est très beau. Les descriptions de l'oiseau toutes en variations soyeuses et colorées, sont magiques (voir citations). « L'écrivain » est à son bureau, en mal d'inspiration et bien ronchon . Il reçoit l'un de ses disciples qui veut
lui faire acheter un moineau au bec rose pour l'égayer un peu. le maître s'enquiert surtout de la cage, puis enfin convaincu, il donne à son disciple quelques yens. Il attend, il attend en se demandant ce que ce gaillard a bien pu faire avec l'argent. Enfin l'élève revient avec une superbe cage, l'adorable petit oiseau et les instructions pour s'en occuper…
3. le professeur Koeber (1911). L'écrivain rend visite à son vieux professeur de philosophie. Un Allemand qui enseigne depuis vingt ans au Japon et qui est bien décidé à y rester.
4. L'adieu au professeur Koeber (1914). Les deux récits sont liés et traitent avec subtilité du difficile dialogue entre Japonais et Européens.. La fin est très émouvante.
5. Bruits étranges (1911). Une très belle nouvelle. L'écrivain très malade séjourne à l'hôpital dans un espace qui reçoit des mourants. Il entend un bruit très étrange en provenance de la pièce voisine.
Lui-même doit faire du bruit et se faire entendre du voisin. Plus tard de retour dans l'établissement, une infirmière dévouée à la voix douce éclaircira le mystère.
6. La lettre ( 1911). Cette fois-ci l'écrivain est dérangé par son épouse pour un problème domestique. Il faut qu'il se rende en province sonder les moeurs du prétendant d'une cousine de sa femme...La découverte d'une lettre sera décisive. le récit fait ouvertement référence à une nouvelle
De Maupassant mais c'est son aspect documentaire et la réflexion de Soseki sur ces mariages arrangés qui m'ont intéressée.
7.
Une journée de début d'automne (1912). L'écrivain se rend avec
deux amis à Tôkyo à l'occasion des funérailles de l'Empereur Meiji . Ce
lui-ci vient de mourir un an après le roi Edouard d'Angleterre. Cette journée pluvieuse et bleue de début d'automne s'achève sur un ciel brumeux.