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EAN : 9791096373383
280 pages
La Déviation (24/08/2021)
4/5   4 notes
Résumé :
Qui était cet homme ? Pour tenter de le savoir il faut réunir toutes les pièces du puzzle Kanapa (1921-1978), intellectuel et dirigeant politique, personnage emblématique de l'histoire du communisme français d'après-guerre mais aussi romancier. Honni ou vénéré, Kanapa était un homme excessif. Il en faisait trop. Il est passé du sectarisme le plus véhément à la novation eurocommuniste pourtant l'Histoire n'a retenu de lui qu'un titre, celui de stalinien. Cet essai te... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
La nostalgie, camarades !

Bon, en fait, n'ayant pas la chance d'avoir eu des parents communistes, ce livre fut pour moi une plongée dans un univers que je soupçonnais riche mais sans réellement le connaitre. L'occasion d'une Masse Critique fit le larron, et je remercie Babelio et les éditions La Déviation.

Visiblement, l'auteur a fait ces derniers temps une fixette sur le personnage : une thèse, publiée, dont il a également extrait un premier essai et enfin ce livre. Normal aussi : Jean Kanapa fut son mentor au PCF où il le recruta, jeune homme, pour la section politique extérieure (la Polex) qu'il dirigeait alors.

L'objet du livre est donc de rendre justice à Jean Kanapa, personnage qui a suscité des inimitiés tenaces et des formules assassines, en le montrant sous ses divers jours.

Etait-il ce stalinien intransigeant, se fâchant avec quasiment tous ses amis au gré des dissensions idéologiques ?
Etait-il ce « crétin » ainsi désigné par Jean-Paul Sartre, qui fut son professeur de lycée, son premier mentor dans le Paris germanopratin d'après-guerre puis son ennemi de classe ? Kanapa avait ainsi publié un essai « L'existentialisme n'est pas un humanisme », ce qui prouve au moins qu'il ne manquait pas d'humour. Mais le qualificatif lui resta collé à la peau, jusqu'à la une de Libération à l'annonce de son décès.
Etait-il enfin cet apparatchik « courtisan » (autre qualificatif qui lui fut attribué), dont les proximités successives avec les premiers secrétaires Thorez, Waldeck-Rochet et Marchais lui valurent de finir au Bureau Politique, malgré la défiance durable de Jeanette Thorez-Vermeersch et Jacques Duclos.
Probablement oui, mais pas que.

Il fut d'abord le fils d'un banquier, et la révolte contre le petit monde bourgeois dont il était issu le mena vers les communistes, aidé en cela par leur action dans la résistance. Il fut aussi un romancier prometteur, qui se contraria lui-même pour se consacrer à l'action et la réflexion politiques. Il fut un père absent (pour l'enfant de son premier lit) puis un père aimant et attentif (pour les filles de son deuxième lit). Il fut un doctrinaire aux ordres, donc, sans états d'âme apparents, mais fut aussi profondément ému par le roman le Monument d'Elsa Triolet dénonçant la soumission de l'art au parti.

Il fut un peu aventurier aussi, n'hésitant pas à aller vivre d'abord à Prague, pour les besoins de la Nouvelle Revue Internationale, une émanation de la volonté de raviver une internationale communiste à la fin des années 50 et dans les années 60. Où apparemment, même les représentants Russes le craignaient, du fait de son intelligence, de sa puissance de travail et de sa pugnacité. Puis à Moscou, correspondant pour L'Humanité pendant la fin de l'ère Khrouchtchev, en pleine déstalinisation donc, et au tout début de la glaciation Brejnevienne. D'où il partit en laissant une ex-femme est deux filles. A La Havane, enfin, pour y ouvrir un bureau de correspondant de L'Humanité.

Il fut surtout un acteur discret des évolutions du PCF pendant les décennies 60 et 70 : la déstalinisation, l'abandon des diktats dans le champ artistique, l'euro-communisme (un peu avorté côté PCF), la fin de la « dictature du prolétariat », l'union de la gauche… Discret parce qu'il avançait éventuellement plus vite que ce que le Bureau Politique ou les Fédérations étaient prêts à communiquer largement aux militants. Restant alors toujours fidèle en public à la ligne fixée par la direction du PCF et s'efforçant probablement de s'y conformer aussi en privé.

Bref un homme bien plus complexe que son apparence le laisse supposer. Et contrairement à la terrible « on ne peut pas être à la fois communiste, intelligent et honnête » de Raymond Aron, il semble qu'il ait réussi à concilier son intelligence et son érudition manifestes avec une honnêteté sans faille dans son adhésion fidèle à l'idéal communiste. Même si cette dernière, du fait des louvoiements de la doctrine officielle, impose parfois de faire fi des envies intellectuelles ou des sentiments. Droit dans ses bottes de partisan mais bien moins « crétin » que l'image qu'il donnait ou qu'on a voulu lui donner.

Juste un point : sur l'union de la gauche, il s'est quand même autant que ses camarades fait rouler dans la farine par Mitterand et on peut donc, vu son rôle prééminent, le rendre en grande partie responsable du déclin du PCF qui suivit à partir de la seconde moitié des années 70. Mais l'auteur ne s'y attarde pas.

Et le livre alors ?
Bien qu'il soit court et très facile à lire, il est passionnant. Je ne savais quasiment rien de tout ce que je raconte au-dessus, c'est dire s'il est dense. Mais sans être pesant, parce que si plaisamment écrit. C'est vraiment une introduction attrayante à la grande aventure des idées dans le PCF des années 50 à 78, date de la disparition prématurée du grand fumeur Kanapa.
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Je remercie Monsieur Gérard Streiff, les Éditions La Déviation et également Babelio pour l'envoi de ce livre surprenant.
J'avoue que mon souhait était d'apprendre et de comprendre « l'engouement » des français pour le PCF et les différentes facettes de ce dernier dans le monde. En fait, la guerre froide m'intéresse, m'interroge et m'intrigue, moi qui demeure dans la vieille Europe et ne suis pas si Manichéenne que d' autres citoyens ayant d'autres vécus ou d'autres fantasmes.
Le personnage de Jean Kanapa est très intéressant et heureusement car il faut par ailleurs avoir une certaine connaissance des événements historiques et politiques pour suivre le contexte, ce n' est pas toujours très aisé.
L'homme en revanche est fascinant dès lors que l'on accepte de l'accepter comme tel, avec ses errances, ses balbutiements, ses revirements, ses réflexions, ses changements.
C'est une très belle lecture que je n' ai pas exploitée à fond pour des raisons personnelles mais sur laquelle je reviendrai car aussi bien l'homme que l'histoire du mouvement méritent que nous nous attardions.
Enfin, ce n'est que mon avis de rêveuse un peu perchée ;-)
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J'ai reçu ce livre dans le cadre des masses critiques Babelio. Cette lecture est une totale découverte sur un thème que je ne maîtrise pas de base ! A travers cet essai, on suit le parcours et l'homme qu'était Jean Kanapa, On sent dans l'écriture que l'auteur était un proche de ce dirigeant politique et qu'il maîtrise parfaitement son sujet.
Les chapitres sont assez courts, ce qui rend plutôt fluide et agréable la lecture pour ce genre d'essai.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
"J'ai été rédacteur en chef de La Nouvelle Critique pendant dix ans, les dix premières années [1947-1957]. Et pendant pas dix ans mais au moins cinq ou six, j'ai réécrit tous les articles que les camarades donnaient à la revue. Non pas pour des raisons de style mais pour des raisons de fond, pour des raisons que je croyais justes. Je corrigeais ce qu'ils écrivaient, d'une part ; d'autre part, sans leur demander leur avis. Troisièmement, en essayant même le plus souvent de les mettre devant le fait accompli, pour être sûr qu'ils ne protesteraient pas. Quatrièmement, et cela fait partie de cette période, ils ne protestaient généralement pas. Il ne leur venait pas à l'idée de protester. [...] Et bien, pour moi, le stalinisme c'est ça, c'est la substitution du commandement à la conviction, c'est le remplacement de l'adhésion des masses par le commandement des masses."

[Kanapa, en 1968]
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Au total, sur cette période [avril à novembre 1963], Kanapa consacre une demi-douzaine de papiers à la déstalinisation. Cela représente un dixième de ses correspondances ; c'est peu mais si l'on considère le chemin qu'il vient de parcourir, si l'on mesure les réticences qu'il peut rencontrer à la rédaction de L'Humanité, le choc que cela représente pour le lectorat du journal, le caractère inédit de ces critiques pour le parti de Thorez, ce n'est pas négligeable.
Tout indique que, de l'été 1963 à l'été 1964, Kanapa prend mieux la mesure de l'ampleur de la répression stalinienne. Cette question l'occupe, le préoccupe, beaucoup. D'ailleurs il conservera chez lui, jusqu'à sa mort, quantité d'extraits de presse soviétique à ce sujet. Non seulement il évalue mieux le poids de la répression mais il commence à déceler différentes facettes du stalinisme (collectivisation, incompétence, mythologie).
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L'homme intrigue pareillement Washington : un fonds d'archives intitulé "Opération Aquarium" montre comment la CIA, espionnant alors le siège du PCF, l'immeuble de la Place du colonel Fabien, est alors tout particulièrement intéressée par le personnage de Kanapa. La centrale américaine demandait à ses agents le maximum d'informations sur son aspect physique, avec l'idée de fabriquer un sosie. Elle comptait utiliser ce doublon pour fouiller son appartement privé.
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Un jour, sans doute, cet homme eut peur. De ne pas s’y retrouver. À force de brouiller les pistes, qui était-il au juste ? où était la personnalité de ce sectaire libéral, de cet outrancier travaillé par le doute, de ce russophone qui rêvait d’être américaniste ? un simple « reflet » comme il l’écrit, un effet de mode, de tendance, de courant, une opportunité ?
S’est-il dit qu’il était au fond travaillé par de naturelles contradictions, qu’ainsi était l’humaine condition, qu’il changeait sans changer, qu’il épousa certes mille combats qui le constituèrent mais que, dans cette affaire, il ne fut pas qu’un buvard, il imprima sa marque, il manifesta sa personnalité dans ce qu’elle a de plus intime, la passion, l’égale passion qui le porta toute sa vie ; il ne fut pas que porte-voix, il donna à son discours, amoureux ou politique, son irréductible accent.
Sans doute s’est-il dit tout cela ; il dut penser que cela se tenait, mais que cela ne faisait pas le compte non plus. Il restait une part de mystère, d’incohérence, d’inexploré, d’inexplicable. Comme dans ces mosaïques antiques, laborieusement reconstituées, il peut manquer des pièces, perdues, et ces vides empêcheront à jamais de parfaire le puzzle.
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Arthur Kriegel raconte cette anecdote qui situe assez bien Kanapa en 1956 : "On n'est pas venu au communisme pour pratiquer ce terrorisme (stalinien)" dit le premier. "Parle pour toi" lui répond Kanapa.
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