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EAN : 9782070261970
114 pages
Gallimard (12/05/1954)
3/5   1 notes
Résumé :

Jean Tardieu, un des poètes les plus personnels de notre temps, a groupé ici trois œuvres très représentatives des divers aspects de son talent.La première, intitulée Comme si..., montre combien son registre est étendu : il va des rythmes les plus " modernes ", les plus déconcertants, aux formes les plus classiques. Mais on reconnaît partout un même ton, ample, noble quoique familier, une musique ... >Voir plus
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
LES FEMMES DE MÉNAGE


Le ciel c'est moi Je sais que mes pauvres étoiles
par le chagrin du temps longuement attendries
vieillissent par degré Ce sont elles que je vois
silencieuses anonymes les genoux pleins de poussière
tôt le matin laver l'escalier quand je viens
accrocher aux murs gris de l'éternel Bureau
mon avare sommeil mes réserves de songe
À l'arbre qui vieillit aussi dans le jardin
j'ai dit cent fois j'ai dit mille fois : je connais
j'ai dit : je sais je me souviens c'était hier
tout l'espace ! Ma vie est là dans vos ramures
ma vie est là dans les dossiers ma vie est là
qui s'en va par le téléphone et qui me parle
ma vie est là dans les portes ouvertes
sur le crépitement des lampes le soir
                                 Ah oui
vieilles vieilles étoiles, blancs cheveux poussière
femmes de pauvre ménage de l'aube
puisque c'est moi qui vous le dis je vous protège
nous vieillissons ensemble J'ai compris je sais tout
d'avance car le ciel c'est moi Il faut attendre
et se taire comme tout se tait, je vous le dis.

p.15-16
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CONTRE-POINT-DU-JOUR


Alors alors
encore ? Alors
toujours dans le jour
mon petit ? Toujours dans le
petit jour du dernier
du dernier jour du condamné
à mort le petit jour ?

Toujours dans le
petit jour du condamné à mort
je suis j’étais
je suis j’étais le grincement
de poulie du gosier
dans la gorge coupée
par le pourquoi comment du printemps

À mort le petit jour du premier lilas
du pourquoi comment du pourquoi pas
de la gorge pourquoi de la gorge coupée du printemps
du grincement de la poulie du printemps
de la nuit de la gorge coupée
du petit jour du lilas de la mort
de la mort de pourquoi comment.

Et pourquoi pas toujours ?
Et pourquoi pas toujours j’étais je suis
toujours j’étais toujours j’étais
toujours tiré tiré tiré tiré vers le petit jour
par le pourquoi comment
du gai toujours du gai printemps

toujours mon petit toujours !

p.26-27
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LES MOTS ÉGARÉS

Je marchais par une nuit sans fin
sur une route où luisaient seules
des lueurs agitées délirantes
comme les feux d’une flotte en perdition.

Sous la tempête mille et mille voix sans corps
souffles semés par des lèvres absentes
plus tenaces qu’une horde de chacals
plus suffocantes qu’une colère de la neige
à mes oreilles chuchotaient chuchotaient.

L’une disait « Comment » l’autre « Ici »
ou « Le train » ou « Je meurs » ou « C’est moi »
et toutes semblaient en désaccord :
une foule déçue ainsi se défait.

Tant de paroles échappées
des ateliers de la douleur
semblaient avoir fui par les songes
des logements du monde entier.

« Je t’avais dit » — « Allons ! » — « Jamais ! »
« Ton père » — « A demain ! » — « Non, j’ai tiré ! »
« Elle dort » — « C’est-à-dire… » — « Pas encore »
« Ouvre ! » — « Je te hais » — « Arrive ! »

Ainsi roulait l’orage des mots pleins d’éclairs
l’énorme dialogue en débris, mais demande et réponse
étaient mêlées dans le profond chaos ;
le vent jetait dans les bras de la plainte la joie,
l’aile blessée des noms perdus frappait les portes au hasard
l’appel atteignait toujours l’autre et toujours le cri égaré
touchait celui qui ne l’attendait pas. Ainsi les vagues,
chacune par la masse hors de soi déportée
loin de son propre désir, et toutes ainsi l’une à l’autre
inconnues mais à se joindre condamnées
dans l’intimité de la mer.

p.21-22
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LETTRE D'ICI

Je suis celui qui habite aujourd'hui parmi vous
l'un de vous. Mes souliers vont sur le goudron des villes
tranquillement comme si j'ignorais
que le sol n'est qu'une feuille mince
entre deux étendues sans couleur et sans nom.

Moi cependant qui parle j'ai un nom
je suis celui qui est là parmi vous l'un de vous
ma bouche parle mes yeux voient mes mains travaillent
innocent ! Comme si j'ignorais que ma peau
n'est qu'une feuille mince
entre moi et la mort.

Je suis celui qui ne regarde pas plus haut que les toits
plus loin que l'horizon parallèle des rues
Le soleil qui se casse aux carreaux avares
me cache le sommeil étoilé du monde
où je n'ai que faire, homme de ce côté-ci.

Mon espoir ah tout mon espoir est parmi vous
près de vous près de moi je n'ai pas honte
de commencer dans les piétinements
(j'ai rêvé d'un désert où j'étais seul
mais comme j'étais seul je ne pouvais me voir
je n'existais donc plus le sable entrait en moi)

Ici je suis bien j'écoute on cause
dans la pièce à côté
et toujours cette voix même si elle change
c'est toujours vous c'est toujours moi qui parle.

Que dire encore ? Nous vivons d'un verre d'eau
tiré au robinet de la cuisine
et de la vie et de la mort continuelles

dans un monde éclatant immortel
givre du temps acier des anges
pluie et feux inhumains aux quatre coins du ciel.

p.19-20
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LE MONDE IMMOBILE


Puits de ténèbres
fontaine sourde
lac sans éclat

présence épaisse
battement faible
l’instant est là

rien ni personne
une ombre lourde
et qui se tait

j’attends des siècles
rien ne résonne
rien n’apparaît

sur ce tombeau
l’espace bouge
c’est ma pensée

pour nul regard
pour nulle oreille
la vérité.

p.38-39
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Vidéo de Jean Tardieu
Rencontres avec Jean Tardieu par Christian Cottet-Emard juillet 1988 et juin 1991 (LE BLOG LITTÉRAIRE de Christian Cottet-Emard)
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