La collection « Un été avec » n'a pas la prétention de faire étude.
Elle est confiée à des écrivains qui donnent leur vision d'un auteur.
Le but radiophonique aboutit à des billets courts.
Le livre ne constitue pas une étude exhaustive mais bien le ressenti, la vision de celui qui raconte.
« Un été avec
Rimbaud » entraîne trois lectures :
-celle de Tesson
-celle de Tesson présentant
Rimbaud
-la nôtre réagissant à l'un et à l'autre
Jeux sur les mots et les références (« Longtemps, il a marché de bonne heure »,…), métaphores personnelles, réflexions sur notre société, références à d'autres poètes (notamment Hugo pour faire sentir la différence,
Baudelaire…), etc…, le meilleur de Tesson s'y retrouve.
Quant à Arthur, le meilleur et le pire, la clarté et les ombres, l'ennui, le satané ennui qui brûle tout sur son passage, et l'aventure des mots puis l'aventure africaine, le mystère et la fumisterie, le voyant et l'impénétrable,…
Les mots comme étendards et comme balles de fusils. Les mots qui saccagent et recréent. Les mots dont il possède la connaissance et qui nous laissent pantois, brutalisés, marqués.
Sylvain Tesson : « Qu'est-ce qu'une poésie qui ne s'écrit pas dans la douleur? Une chanson de variété. »
Comme Arthur, « poète maudit », Tesson rejoint pour certains contemporains une nouvelle classe maudite de littérateurs.
La langue que Tesson défend, forte de son histoire et de son passé, la langue qui, elle seule, peut dire l'essence de la pensée et des Hommes, la langue est là avec ses beautés, ses fulgurances, ses références.
Un
Rimbaud voyageur vu par un autre voyageur, les lignes sur la route sont éloquentes et ressenties.
Un voyage destructeur pour Arthur, toujours en recherche, en attente sans réponse.
Un Arthur qui ne trouva ni la richesse ni la paix et qui demeure une énigme que beaucoup tentent de résoudre en vain.
A chacun d'y trouver le sien,
Rimbaud cherchait-il à être compris?
Il éructe et secoue, il dit l'homme à l'homme, il n'est jamais en paix. Il détruit et reconstruit, il demeure et s'échappe.
Tesson a raison lorsqu'il insiste sur le laisser-aller de la lecture sans analyses ni recherches trop intellectuelles (sans dénigrer le travail des chercheurs de tous bords bien que Tesson s'en prenne un peu à eux.)
Laisser les mots agir, pénétrer, susciter.
Laisser les sens éclater, meurtrir, apaiser.
Sylvain Tesson trouve une justesse lucide dans des paragraphes éblouissants de sensibilité.
« Je est peut-être un autre, mais pas celui qu'on croit! ».
Ce livre en apporte l'illustration et fait croître l'humilité du lecteur face à celui qui ne sut pas la légende qu'il deviendrait.
D'ailleurs qu'aurait-il pensé de nos jugements, de nos interprétations?
Lui seul a tenté de posséder la clef de lui-même comme il possédait celle de ses mots.
Dromomanie, plongeon dans l'inconnu, auto-destruction : la lucidité est cruelle à celui qui la vit.
Rimbaud n'aura jamais fini d'interpeller tout en demeurant un mystère absolu.
Sylvain Tesson nous le fait bien comprendre et provoque à travers son interprétation et ses circonvolutions mêmes l'envie de retourner au texte.
Le but est atteint.