Universitaire et écrivain, spécialiste du 18éme siècle, Chantal Thomas revient sur la définition du libertinage et sur la personnalité de celui qui l'incarne.
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La liberté à l'oeuvre dans les Mémoires n'est pas celle des lois révolutionnaires. Et si, selon la formule de Saint-Just : "La servitude consiste à dépendre de lois injustes ; la liberté de lois raisonnables ; la licence de soi-même", Casanova est purement licencieux, dans le sens anarchisant que dénonce Saint-Just, aussi bien que dans une acception plus directement sensuelle.
La vindicte publique qui s'exprime pendant l'affaire Damiens pour que soit effacée la souillure du régicide lui est aussi étrangère que les voix révolutionnaires qui réclament des exécutions pour qu'advienne une "France régénérée". Attitude d'étranger qui traverse un pays en voyageur, et ne participe pas (sinon en spectateur dégoûté) au meurtre fondateur ou conservateur d'une collectivité. Mais aussi, effet d'une position intellectuelle qui, entre vice et vertu, n'est pas sûre de la répartition. "Est-ce la vertu qui se mit à l'entreprise de régénérer la France, ou le crime qui se détermina à bouleverser l'Etat, sous le prétexte de le délivrer de la tyrannie ?" interroge Casanova.
Le truand qui envoie à Casanova sa fillette "en oiseau d'amorce" connaît son adversaire.
L'imposteur peut finir par devenir honnête : la dupe sera la victime de tout jusqu'à son dernier soupir. Je crois que cet axiome n'est pas fait pour consoler les dupes, et qu'au monde il n'y en a pas une seule qui, satisfaite par cet axiome, ressente une véritable satisfaction d'avoir été dupée plutôt que d'avoir fait des dupes.
Comment aimer son corps dans une société qui a longtemps cherché à dissimuler et à modifier celui des femmes ? Comment parler du corps quand sa représentation est toujours sujette à un regard normatif cherchant avant tout à façonner des corps performants et utiles ?
Chantal Thomas, de l'Académie française, est écrivaine et essayiste. Ses livres Souvenirs de la marée basse (2017), de sable et de neige (2021), et Journal de nage (2022) sont des évocations autobiographiques dans lesquelles elle révèle l'histoire de ses sensations et notamment son goût inconditionnel pour la nage et un mode de vie nomade, détaché des servitudes communes.
Geneviève Fraisse, directrice de recherche émérite au CNRS, est philosophe de la pensée féministe. Ses ouvrages La suite de l'histoire, actrices, créatrices (2019), et Féminisme et philosophie, (2020), À côté du genre. Sexe et philosophie de l'égalité (2010), ou encore La sexuation du monde. Réflexions sur l'émancipation (2019) et le féminisme, ça pense ! (2023), réintroduisent le sexe, le genre et le corps au coeur de la pensée philosophique et d'une réflexion renouvelée sur la nécessaire égalité entre les sexes.
Les extraits lus par Ambre Pietri lors de cette soirée mettront à l'honneur le corps, auquel les oeuvres de Chantal Thomas et celle de Geneviève Fraisse assignent une place prépondérante.
La rencontre est présentée par Fanny Arama, docteure en littérature française du 19e siècle.
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