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Maryla Laurent (Autre)Maryla Laurent (Traducteur)
EAN : 9782882506597
69 pages
Noir sur blanc (01/10/2020)
4.53/5   19 notes
Résumé :
Après le succès international des Livres de Jakob, fresque historique et philosophique de plus de mille pages, voici un petit livre qui permettra au lecteur français de découvrir la pensée et l’œuvre d'Olga Tobarczuk, lauréate atypique du prix Nobel de littérature.
Dans son discours de réception, la romancière polonaise fait entendre une parole à la fois terriblement lucide, engagée et porteuse d'espérance. L'Académie de Suède a salué en elle "une imaginatio... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Lire un essai sur la littérature d'un écrivain qu'on découvre et dont on n'a jamais rien lu d'autre, ce n'est pas forcément une bonne idée et je le savais, lorsque j'ai pris ce livre mis en avant, à ma médiathèque.
Le tendre Narrateur, quel titre surprenant et attirant! Ce court recueil de trois textes, dont un écrit pour la remise du prix Nobel et l'autre à l'occasion du confinement qui a touché le monde entier en 2019, est un recueil résolument moderne tant il est ancré dans notre monde d'aujourd'hui.
Olga Tokarczuk nous parle de ce que signifie écrire pour elle, aujourd'hui, dans ce monde connecté et ouvert, cette recherche d'une vérité littéraire au-delà de ce qui existe déjà, les personnages, l'intrigue, tous les rouages d'une narration classique. Intrigant, mais il me manque bien sûr l'expérience de ce qu'elle a écrit elle, en ce sens. Lire les deux premiers textes était comme avancer dans le noir, en tâtonnant, mais cela m'a clairement donné l'envie de la lire vraiment.
Le troisième texte écrit donc pendant le confinement contient à la fois ce temps suspendu qu'on a tous pu éprouver en plein coeur du printemps, la paix qu'il a apporté aux chanceux, une certaine tranquillité d'esprit, mais aussi en germe ce qu'on appelait "le monde d'après", et dans lequel nous commençons à peine à mettre les pieds; l'avertissement d'un nouveau monde.
Une découverte intrigante d'une auteure résolument à suivre.
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Un court ouvrage intitulé « le Tendre Narrateur » de Olga Tokarczuk qui rassemble le « Discours de Réception du Prix Nobel de Littérature 2018 », suivi par « Les Travaux d'Hermès, ou Comment les Traducteurs Sauvent le Monde », conférence de Gdansk 2019, et une nouvelle « La Fenêtre », le tout traduit par Maryla Laurent (2020, Les Editions Noir sur Blanc, 78 p).

« le Discours de Réception du Nobel » tout d'abord. Un premier point est qu'il est difficile de résumer et de condenser ces quelques40 pages en une dizaine de paragraphes. Il convent de citer presque tout le texte.
Sur un ton très posé, voire même affable, et se référant à sa propre vie, Olga Tokarczuk propose sa vision des évènements et les grands traits de son évolution, ainsi que sa recherche d'une vie disons apaisée, et ceci à travers son approche de de la littérature polonaise.
Un peu de nostalgie avec ce rappel du « vieux poste de TSF, de ceux qui avaient un oeil vert et deux molettes, l'une pour régler le son, l'autre pour rechercher les stations ». Et puis très vite Olga Tokarczuk en arrive aux liens qui relient l'enfant à sa mère. « J'étais certaine que, en tournant le bouton, c'était moi que maman cherchait. Tel un radar d'une sensibilité toute de tendresse ». Et cette relation, toute emplie de tendresse va devenir pour la petite fille, puis la femme, une présence affective plus qu'importante « un tendre narrateur, le meilleur au monde ».
« Celui qui contrôle et qui tisse le récit gouverne ». Et l'auteur prend l'exemple du roman actuel, de plus en plus « à la première personne », un « récit qui se concentre strictement sur le « moi » d'un auteur qui parle peu ou prou uniquement de lui-même ou de sa vision des choses »
Olga Tokarczuk fait la remarque que ces récits à la première personne ne sont pas seulement un artifice narratif, mais se place plus en plus souvent comme la source même du récit. Cela devient un brouhaha de voix innombrables, toutes à la première personne. Résultat cela revient à « instaurer une opposition entre le « moi » et le « monde » qui est à coup sûr aliénante ».
Se rajoute sur cette vision « à la première personne » l'influence des « fake news et contre-vérités » sur ce qu'est une fiction. Elle verrait très bien se mettre en place un nouveau type de narrateur, un narrateur à la « quatrième personne », non pas grammaticale ou éditoriale, mais comme le mode de narration qu'elle recherche, reliant le moi au mode, c'est-à-dire l'intime à l'universel. C'est ainsi qu'elle définit son « tendre narrateur », tout comme le narrateur, ou le scribe de la Bible, a été capable de faire passer le point de vue même de Dieu.
Pour cela, « Il nous manque un langage, des points de vue, des métaphores, des mythes et des fables nouvelles ». Contrairement à « civilisation occidentale [qui] s'est dans une large mesure construite et se fonde encore sur la découverte de ce « moi », à l'aune duquel elle mesure en premier lieu la réalité »
« La fiction a perdu la confiance des lecteurs depuis que le mensonge est devenu une arme de destruction massive, et ce en dépit du fait qu'il reste un outil primitif ». Elle assure qu'on lui pose souvent cette question incrédule : « Est-ce vrai, ce que vous avez écrit? » « A chaque fois j'ai l'impression que cela annonce la fin de la littérature ».
En fait, « Quelque chose ne va pas avec le monde ». « le monde se meurt et nous ne le remarquons pas ». Il reste « La tendresse [qui] est la forme la plus modeste de l'amour. C'est le genre d'amour qui n'apparaît pas dans les écritures ou les évangiles, personne ne jure par lui, personne ne le cite ».

« Les Travaux d'Hermès » ensuite pour parler de l'écriture et de son message.
Hermès « le patron, le protecteur, le dieu des traducteurs » est non seulement le dieu de la communication, mais celui des voleurs et autres filous. Très vite, pourtant, « le petit dieu s'esquiva du foyer pour voler les vaches. Il enveloppa les sabots du bétail avec du cuir afin de ne laisser aucune trace en cas de poursuite ». Tout comme un traducteur emploiera une métaphore pour faire passer l'image de l'écrivain.
Puis on en arrive à la chute de l'Empire romain et comment les « dirigeants arabes de la dynastie des Abbassides» fondèrent à Bagdad « une Académie qui se spécialisa dans la traduction » qui a ainsi sauvé les textes scientifiques de l'Antiquité. Puis, le vent de l'histoire soufflant dans l'autre sens, ce fut au tour de Tolède de traduire de l'arabe « vers les langues des chrétiens ». Il faut dire que « les moulins de l'histoire broient lentement, selon des principes qu'ils sont seuls à connaître ».
« Hermès et également un fripon. Personne ne sait aussi bien tromper son monde ou mentir ». Mais le rôle de la littérature est bien plus vaste, que ce soit de par l'écriture ou sa traduction, l'auteur ou son traducteur. Ce sont « les gardiens de l'un des phénomènes les plus importants de la civilisation : la possibilité de transmettre l'expérience la plus intime, la plus personnelle d'un individu à ses semblables pour la partager dans un acte surprenant de création culturelle ». Qui nous traduira un jour la signification des mains peintes sur les parois des grottes de Lascaux ou de l'Ardèche. Quel disciple d'Hermès parviendra à déchiffrer les signaux binaires portés par la sonde Pioneer 10 lorsqu'ils seront lus par quelque « petit homme vert » sur une planète hors du système solaire.

Et pour finir « La Fenêtre ». Une nouvelle ou un court essai de quelques six pages. « Par ma fenêtre, je vois un mûrier blanc. C'est un arbre qui me fascine ». On part donc d'une histoire de fenêtre, et très très vite, puisqu'il s'agit de la première phrase, Olga Tokarzcuk nous parle de ce qu'elle voit, c'est-à-dire un murier blanc. Bien sûr, « c'est une plante généreuse », on n'en douterait pas. Très vite aussi, on apprend que l'on se trouve juste après « le traumatisme de l'isolement ». Ce que l'on voit aussi de la fenêtre ? un voisin, un « juriste surchargé de travail ». D'où la question : « que cherchons nous vraiment ? »
« Nous avons cru être les maîtres de la Création, nous avons cru que nous pourrions tout faire et que le mode nous appartenait ». Il n'y a donc pas de réponse simple à la question posée.
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Le coup de coeur que j'ai eu l'an dernier pour la talentueuse nobelisée Olga Tokarczuk est et reste si vif que je ne résiste pas au plaisir de la découvrir par toutes les voies possibles, y compris dans son discours à la réception du Nobel.
Contrairement à celui de Peter Handke que j'ai lu le même jour et qui m'a laissée de marbre, ce discours fut un bonheur à lire, plein d'une justesse, d'une réelle originalité de perception et d'une humanité dont chaque mot me parle.
L'auteure y expose sa vision, parfaitement en phase avec son oeuvre, de la puissance de la littérature comme ultime moyen de dire voire de réinventer le monde, ce monde fragmenté, envahi par le moi, dont nous avons perdu les clés.
Ces mots sont du velours, de l'espoir, et la tendresse de la narratrice jaillit derrière chacun d'eux.
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Olga Tokarczuk signe là un discours engagé pour une littérature libérée des classifications et de l'anthropocentrisme régnant.
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Aux côtés de son discours de réception du prix Nobel, Olga Tokarczuk nous livre une réflexion passionnante sur les liens entre le personnage mythologique Hermès et les traducteurs. C'est inspiré, érudit et drôle ! Ca se déguste entre deux lectures, et ça nourrit l'esprit.
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
La tendresse est la variante la plus humble de l'amour. Elle est de ces affects qui n'apparaissent ni dans les Écritures ni dans les Évangiles. Personne ne prête serment sur elle, nul ne s'en réclame. Elle n'a ni emblème ni symbole particuliers, elle ne mène ni au crime ni à la jalousie.
Elle apparaît quand nous tournons un regard attentif et concentré vers l'existence de l'Autre, vers ce qui n'est pas "soi".
La tendresse est spontanée et désintéressée, elle va beaucoup plus loin que l'empathie compassionnelle. Il s'agit plutôt d'un partage conscient, quoique peut-être un peu mélancolique, du destin. La tendresse, c'est se sentir intensément concerné par l'existence d'un autre, par sa fragilité, son caractère unique, sa vulnérabilité face à la souffrance et à l'action du temps qui passe.
La tendresse perçoit les liens entre nous, nos ressemblances et similitudes. Elle est le principe actif d'un regard grâce auquel le monde apparaît vivant, vibrant de ses liens internes, de ses échanges et de ses interdépendances.
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À un moment donné de notre vie, nous commençons à voir le monde par fragments, séparément, en morceaux distants les uns des autres tels des galaxies, et la réalité dans laquelle nous vivons vient confirmer cette façon de voir : les médecins nous soignent en fonction de leur spécialité, nos impôts n'ont rien à voir avec le déneigement de la route que nous empruntons pour aller travailler, notre repas est sans rapport avec les immenses fermes qui élèvent du bétail, pas plus que notre nouveau T-shirt avec les sinistres usines d'Asie. Tout est distinct, tout existe de façon indépendante, sans aucun lien entre les choses.
Pour que cela soit plus facile à supporter, nous recevons des numéros, des badges, des cartes, autant d'identités plastifiées et obtuses qui tentent de nous réduire nous aussi à n'utiliser qu'une petite parcelle de ce tout que nous avons cessé de percevoir.
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Le monde est une toile que nous tissons chaque jour sur les grands métiers de l'information, des discussions, des films, des livres, des commérages et des anecdotes. (...) Quand le récit change, le monde change (...)
De nos jours, il semble que le problème réside en ceci que, non seulement nous n'avons pas encore de narration pour l'avenir, mais que nous n'en possédons pas même pour notre très concret "maintenant ".
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La manière dont nous pensons le monde - et, ce qui est probablement plus essentiel, comment nous le racontons - est d'une importance majeure. Ce qui arrive mais n'est pas raconté cesse d'exister. C'est un fait bien connu non seulement des historiens, mais aussi - et surtout des politiciens et des tyrans de tout acabit. Celui qui contrôle et qui tisse le récit gouverne.
P. 12
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Vous êtes-vous demandé qui pouvait être ce merveilleux conteur qui lance d'une voix puissante dans la Bible : "Au commencement était le Verbe"? Celui qui décrit la création du monde, au premier jour, quand l'ordre remplaça le chaos ? Celui qui regarde le feuilleton de la naissance de l'univers? Celui qui connaît les pensées de Dieu, connaît ses doutes, et, sans que sa main frémisse, inscrit cette phrase inouïe sur du papier : "Et Dieu vit que cela était bon." Qui est celui qui sait ce que Dieu pensa?
Tout doute théologique mis à part, nous pouvons considérer que cette figure énigmatique de tendre narrateur est merveilleuse et significative. Il y a là un point de vue, une perspective à partir de quoi tout peut être vu.
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Videos de Olga Tokarczuk (9) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Olga Tokarczuk
Avec Catherine Cusset, Lydie Salvayre, Grégory le Floch & Jakuta Alikavazovic Animé par Olivia Gesbert, rédactrice en chef de la NRF
Quatre critiques de la Nouvelle Revue Française, la prestigieuse revue littéraire de Gallimard, discutent ensemble de livres récemment parus. Libres de les avoir aimés ou pas aimés, ces écrivains, que vous connaissez à travers leurs livres, se retrouvent sur la scène de la Maison de la Poésie pour partager avec vous une expérience de lecteurs, leurs enthousiasmes ou leurs réserves, mais aussi un point de vue sur la littérature d'aujourd'hui. Comment un livre rencontre-t-il son époque ? Dans quelle histoire littéraire s'inscrit-il ? Cette lecture les a-t-elle transformés ? Ont-ils été touchés, convaincus par le style et les partis pris esthétiques de l'auteur ? Et vous ?
Au cours de cette soirée il devrait être question de Triste tigre de Neige Sinno (P.O.L.) ; American Mother de Colum McCann (Belfond), le murmure de Christian Bobin (Gallimard) ; le banquet des Empouses de Olga Tokarczuk (Noir sur Blanc).
À lire – Catherine Cusset, La définition du bonheur, Gallimard, 2021. Lydie Salvayre, Depuis toujours nous aimons les dimanches, le Seuil, 2024. Grégory le Floch, Éloge de la plage, Payot et Rivages, 2023. Jakuta Alikavazovic, Comme un ciel en nous, Coll. « Ma nuit au musée », Stock 2021.
Lumière par Valérie Allouche Son par Adrien Vicherat Direction technique par Guillaume Parra Captation par Claire Jarlan
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