Virginia Woolf, oui, elle est célèbre. J'ai déjà lu quelques ouvrages qui, de près ou de loin évoquaient sa vie. Mais sa soeur,
Vanessa Bell, qui est-elle ? A part son nom, je ne connais rien d'elle.
Parmi les livres proposés par Babelio, lors de son opération Masse critique, je repère celui de
Laura Ulonati. Ce qui m'a tout d'abord attirée, c'est la photo de couverture. Elle me semble assez mystérieuse avec ces deux adolescentes très chic de la fin XIXe siècle, en train de jouer au cricket. A l'avant-plan, c'est l'aînée, Vanessa, très concentrée sur sa batte. Mais la balle, c'est Virginia qui la tient. N'est-ce pas la métaphore de leur vie ? Virginia attirera à elle toute l'attention. Vanessa restera dans l'ombre.
Le roman de
Laura Ulonati retrace, de façon très particulière l'univers des deux soeurs et leur relation très compliquée d'amour-haine.
Leurs parents sont deux veufs et ils ont déjà chacun des enfants de leur première union. Ensemble, Julia et
Leslie Stephen auront encore deux filles et deux fils.
Je ne peux pas dire que
Leslie Stephen soit un père très sympathique, vu son attitude odieuse avec sa première fille, attardée mentale, puis, avec celle de Julia après la mort de son épouse. Les garçons seuls sont considérés comme importants. Ils pourront faire des études. Vanessa et Virginia n'auront qu'à se débrouiller comme
elles le pourront.
L'auteure adopte un style très particulier. Tantôt narratrice extérieure, tantôt intérieure, son « Je » est ambigu. Elle fait en sorte que le lecteur ne sache pas très bien quand elle parle au nom de Vanessa et quand il s'agit d'elle-même. Je ne la connais pas, mais j'imagine qu'elle a (au moins) une soeur et que leur relation est également compliquée. Souvent,
elle s'identifie à Vanessa. Celle-ci se montre tantôt protectrice, tantôt jalouse, tantôt pleine d'amour et d'admiration, tantôt excédée et en colère (on la voit effacer les visages des portraits de sa soeur qu'elle a peints.)
Ce qui frappe dans ce roman, c'est d'abord l'écriture, pleine de finesse et de délicatesse. L'auteure use d'images très justes et originales. Elle excelle dans l'évocation des écrits de Virginia et des tableaux de Vanessa. Comme je ne les connaissais pas, je les ai cherchés sur le Net, et, pour la plupart, ils m'ont beaucoup plu.
Le livre est rempli d'implicite, ce qui complique la tâche du lecteur et lui demande un effort. Très souvent,
Laura Ulonati fait allusion à des épisodes qui ne sont pas expliqués précisément. Il faut donc les imaginer. de cette manière, je pense, elle traduit les habitudes de l'époque, qui veut que l'on taise certaines choses, même (surtout) si
elles sont graves. Il faudra donc lire entre les lignes les rapports malsains des fils aînés de Julia avec leurs demi-soeurs ou de Leslie avec sa belle-fille.
De même l'amour sans espoir que voue Vanessa au jeune peintre Duncan, qui lui préfère « Bunny » ou les regrets de Virginia : « Sur le pont de la carence, c'est là que nous nous rejoignons ; celui du déni de nos corps par deux hommes. »
C'est un livre très exigeant, mais intéressant que je ne regrette pas d'avoir lu.
Aussi j'exprime ici toute ma reconnaissance à Babelio qui m'a permis de le gagner et aux éditions Actes sud qui me l'ont envoyé, accompagné d'un petit message très aimable qui m'a fait bien plaisir.