N'y a-t-il pas une contradiction qui vire à l'injustice entre un Dieu qui est amour et le mal qui envahit sa création et ses créatures ? N'y a-t-il pas une méprise dans l'existence de Dieu eu égard à
la souffrance manifeste dans le monde ? Comment Dieu peut-il accepter la mort d'un enfant, les tourments des dépouillés de l'économie, des laissés-pour-compte de la société et autres défavorisés de la politique ? Son silence n'est-il pas coupable ?
Ces questions, souvent posées, peuvent conduire à nier l'existence de Dieu. Soit Dieu justifie le mal, soit, s'il laisse faire, il est mauvais. Qu'en est-il alors de la justice et de l'innocence divines ? S'il nous semble juste qu'un coupable paie et souffre pour ses propres fautes, que dire de
la souffrance de l'innocent ? Quelle faute a-t-il commise ? Quelle faute doit-il payer ? Or certains « sages » n'hésitent pas à justifier cette souffrance et à prôner la résignation. Ils disculpent et innocentent ainsi Dieu en culpabilisant et en accusant l'homme.
Bertrand Vergely, philosophe et théologien orthodoxe, reprend le problème pour réfléchir et méditer sur
le silence de Dieu. Dans cette perspective, il convient que
la souffrance est inacceptable, mais démontre que cette révolte nécessaire peut être dangereuse. le désir d'une pureté trop pure ne conduit-il pas aux « crimes logiques » – ceux des totalitarismes du XXème siècle ?
Le cri du révolté est là pour rappeler le scandale. Et l'homme moderne se révolte à juste titre contre le fait de ne pas se révolter. Mais il le fait jusqu'à accuser Dieu de non-assistance à humanité en danger, sans voir que tenir Dieu pour absent ou indifférent conduit au meurtre des innocents. Si Dieu est « coupable », rien n'est innocent. Telle est, selon
Bertrand Vergely, la faute morale de l'athéisme, à savoir : supprimer l'innocence, rendre impossible le pardon, s'abandonner au désespoir ou chercher le salut dans l'exaltation, la glorification des plus forts ou la désapprobation, l'épuration des plus faibles. L'erreur est toujours la même : prendre le mal de l'extérieur. Il faut donc, nous dit l'auteur, miser sur le « Dieu intérieur », plus intime que notre intimité. Lui seul nous donnera la force du pardon et de l'innocence.
Cet essai invite à changer de perspective. La vraie sagesse et la vraie révolte sont d'une tout autre dimension. Face au mal, on accuse souvent sans agir. Que l'on cherche à le justifier ou que l'on désespère, le mal se multiplie ; que l'on vive malgré lui sans le justifier ni désespérer, le mal recule. de plus, quand on le comprend, Dieu n'est plus un problème pour l'homme, ni l'homme pour Dieu.
En fin de compte,
le silence de Dieu dévoile un homme qui ne parle pas encore. Et si Dieu se tait, c'est pour mieux nous interpeller, notamment et justement par sa Parole, les Écritures Saintes, la Bible… Et cela, même si Dieu est devenu politiquement incorrect…