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Non, ceci n'est pas un livre d'Histoire. Ce n'est pas non plus un essai à proprement parler. Je le vois plutôt comme une déclaration d'amour d'un érudit pour une oeuvre littéraire. Pas n'importe laquelle, la mère des oeuvres, celle d'Homère. Cela se ressent à travers l'absence d'une structure qui sous-tendrait l'ensemble du livre. Au lieu de cela, on a des chapitres qui abordent l'oeuvre chacun selon un axe différent, qui mettent en exergue certaines qualités et, surtout, qui insistent sur les différences entre l'Iliade et l'Odyssée. L'emploi différent du mot Hellade par exemple, qui représente une partie de la Thessalie dans l'Iliade et a un sens plus unificateur grec dans l'Odyssée ; indice parmi d'autres qui va dans le sens de poètes différents pour les deux oeuvres. L'Iliade exalte la guerre « noble » au corps à corps là où l'Odyssée met en scène un Ulysse qui utilise beaucoup la ruse… et l'arc. le rôle de la femme est inexistant dans l'Iliade (à moins d'être une déesse) alors qu'il est multiple dans l'Odyssée : Circé, Calypso, Nausicaa, Pénélope… même la nourrice d'Ulysse. Les deux livres ne se ressemblent guère. Pierre Vidal-Naquet insiste sur la part imaginaire de l'oeuvre, qui se manifeste bien sûr à travers l'intervention directe des dieux dans la guerre de Troie mais aussi dans les voyages d'Ulysse qui aborde de nombreux rivages rêvés. Il trouve assez ridicule les tentatives réalisées de temps en temps pour retrouver chaque paysage traversé par Ulysse quelque part sur le globe terrestre. de même, il ne faut pas trop rapprocher la Grèce de l'Iliade de la Grèce des IXe-VIIIe siècle avant J.-C. de cette dernière, on ne sait pas grand-chose à l'époque de la définition des poèmes. L'Iliade essaie de recréer le passé en s'aidant de son présent et des légendes. Autre aspect qui m'a marqué, c'est l'association du monde des hommes qui est faite avec la culture du blé et seulement celle-là. Dans les poèmes, de nombreux êtres pratiquent l'élevage ou la culture de la vigne et de l'olivier, mais ce sont souvent des non-humains : des cyclopes, des Lotophages… Ce qui caractérise l'homme civilisé, c'est le blé. Enfin, les nombreuses illustrations des poèmes sur des vases antiques, des frises architecturales ou des peintures montrent à quel point ces poèmes sont aussi constitutifs des civilisations inspirées de la Grèce antique que l'ADN des hommes qui y ont vécu. Un livre très agréable à parcourir et qui donne envie de se replonger dans Homère. + Lire la suite |