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EAN : 9782350874821
379 pages
Editions Héloïse d'Ormesson (18/10/2018)
3.9/5   5 notes
Résumé :
Ce document passionnant nous fait découvrir ces héroïnes qui ont combattues les nazis et ont affronté l'horreur de la Seconde guerre mondiale. À la fois essai méticuleusement documenté et récit romanesque, Les Femmes tireurs d'élite de l'Armée rouge permet de redonner la parole à ces oubliées de l'histoire.

À partir de 1942, l'Armée rouge décide de faire appel à de plus en plus de femmes pour compenser ses pertes catastrophiques. Si certaines sont vol... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
« Je vais offrir ma gorge avec vaillance. Et vous, au nom du Ciel, laissez mon corps, en le tuant, libre-pour que je puisse mourir en âme libre ! (…)
« Agamemnon : Comment veux-tu que des femmes aient le dessus, contre des hommes ?
Hécube : le nombre est une force redoutable, invincible, quand la ruse s'en mêle »
(Euripide « Hecube » trad Victor Henri Débidour p. 1 026 et 1 035)

« On pourrait penser que seuls des gens extraordinaires ou anormaux ont pu endurer toutes ces épreuves, mais non, c'étaient des écolières de la veille, des étudiantes, des fillettes, qui n'avaient encore jamais quitté leur maison. Comment ont-elles fait ? Comment ? » (Svetlana Alexievitch « La guerre n'a pas un visage de femme » p.56)

Lors de la guerre qui opposa les forces allemandes et soviétiques entre 1941 et 1945, la victoire de l'armée rouge a été rendue possible par les talents de chefs militaires soviétiques, enfin ceux qui avaient miraculeusement survécu à la terreur stalinienne des années 30 (Joukov, Rokossowski, Tchouikov…), grâce aussi à l'aide alliée matérielle massive, le tout cimenté par l'héroïsme et le courage des soldats de tout grade et de la population civile mobilisée dans l'effort de guerre.

Cette bravoure inouïe s'incarne tout particulièrement dans l'engagement et le sacrifice de milliers de femmes qui ont combattu dans les rangs de l'armée soviétique. Toutes les armées ont eu recours aux femmes. Mais exception faite du cas particulier et limité du renseignement, ces femmes soldats furent incorporées dans des services support. Il s'agit par conséquent d'un phénomène unique, de surcroît à cette échelle.
Sans sous-estimer les prouesses, l'héroïsme extraordinaire de toutes ces femmes soldats de l'armée rouge, sapeurs, médecins, mécaniciennes, servantes de DCA...deux corps ont tout particulièrement cristallisé cet engagement singulier, les aviatrices et les tireuses d'élite. Leurs épopées respectives ont fait l'objet d'un travail minutieux de recherche de l'auteure, Liouba Vinogradova. Là, il s'agit de l'essai dédié aux tireuses d'élite.

Les actions de ces unités exclusivement féminines ont été d'autant plus extraordinaires qu'elles ont été accomplies alors que rien n'était prévu pour les missions de ces femmes. Ainsi, les tenues de combat sont celles taillées pour les hommes, une jeune femme de 1,50 m et chaussant du 35 se voit dotée de chaussures à la pointure 43 et sa veste peut faire office de robe…. le contenu du paquetage était masculin jusque dans les sous-vêtements.
Cela peut prêter à sourire mais la mission du sniper, très isolée avec son binôme, comprenait principalement des phases statiques, à guetter l'ennemi, immobile, dissimulée dans des conditions souvent extrêmes, pendant des heures. Dans ce contexte, chaque élément matériel inadapté pouvait mettre au supplice la combattante et l'exposer au pire, notamment en fragilisant sa résistance physique et sa concentration.

A ces délicats problèmes d'équipement, se sont fatalement ajoutés les risques inhérents à la promiscuité avec les hommes sur le front.
Même si, les témoignages semblent faire état d'un esprit de solidarité et de respect de la part des hommes, une fois surmontés les préjugés, le « naturel » pouvait revenir… nombre d'entre elles ont du subir et être contraintes de céder aux sollicitations. Il y eu cette pratique connue et quasi institutionnalisée de l'« épouse de campagne », au demeurant pas spécifique au(x) corps des tireuses d'élite. Si les sentiments n'étaient pas toujours absents, la réalité du consentement était à tout le moins très relative… nombre d'entre elles y cherchaient le bénéfice de la protection d'un officier dans un contexte où les impératifs de la survie, si peu assurée, pouvaient balayer les normes ayant cours avant cette épouvantable guerre.

Précisément, toutes ces contraintes s'insèrent dans le contexte effroyable de la barbarie indicible de cette guerre germano-soviétique.
Le livre n'est pas un « manuel » de plus sur ce conflit, si les chapitres suivent à peu près l'ordre chronologique de la guerre jusqu'à 1945, il ne s'agit pas d'un récit linéaire qui relaterait le vécu de ces femmes au fil des principales batailles. Il ne « suit » pas davantage une ou des unités de combat dans leurs péripéties. L'auteure a choisi de s'arrêter sur certaines séquences pour illustrer ce que furent la vie et la mort au front de ces tireuses d'élite. de même, régulièrement certaines femmes font l'objet de développements particuliers.

Dans cette galerie en mouvement d'héroïnes, l'une se détache, Roza Chanina, très jeune institutrice d'école maternelle engagée volontaire depuis son port d'attache Arkhangelsk, dans le grand Nord (Non ce n'est pas elle sur la couverture il s'agit de Ziba Ganevia sniper/actrice lyrique...). Cette « starisation », comme celle de l'aviatrice Lilli Litvvak, ont été portées par la propagande ; d'autres combattantes auraient mérité autant de lumière. Il n'en demeure pas moins que ces deux jeunes femmes étaient surdouées dans leur spécialité, avec une prise de risques extrême face à l'ennemi. Toutes les deux sont mortes au combat, à l'aube de leur vie, vingt printemps pour Roza, vingt-deux pour Lilli...,

Roza Chanina était habitée par la fièvre du combat, à la limite de la rupture. Elle fuyait sa célébrité, toujours en première ligne. La question se pose de savoir si elle n'avait pas développé une forme d'addiction à l'adrénaline.
Entre deux combats, une autre fièvre prenait le relai, elle écrivait dans son journal, ses émotions mais aussi beaucoup de poésie. Malheureusement seule la période décembre 1944-janvier 1945 a été publiée, les écrits relatifs aux autres périodes ayant disparu ( ?). Dans ces mots, la souffrance, les doutes s'y expriment, ceux d'une jeune femme qui est « désarmée », loin de cette combattante intrépide et si maîtresse de son art.

Nous ne sommes pas dans du théâtre, mais l'ombre de l'Iliade et du spectre d'Achille hantent ce livre.
« Achille aux pieds légers » toujours sur la brèche à fendre l'ennemi, mais avec la conscience aiguë que ses jours sont comptés… Peut-être également l'expression de cet amor fati partagée entre Achille et Roza....
Naturellement, Roza Chanina et ses camarades dans la tourmente, veulent croire en la vie, que la vie « après » sera belle et que la société soviétique sera plus humaine, plus douce…
Mais une terrible intuition taraude les esprits, s'il y a un « après », il n'y aura pas de place pour une femme comme Roza Chanina, qui ne saurait accepter un quotidien sordide, stalinien ; de surcroît comment accepter de courber l'échine devant les petits tyrans de l'usine, de la bureaucratie, de la délation professionnelle, après tant de souffrances pour la liberté et lorsqu'on est passé maître dans l'art de tuer ? Ce désespoir indicible du héros traumatisé et tourmenté par la perspective d'un retour dans « le monde d'avant », fait écho au puissant et bouleversant récit « Frères d'armes », d'Eugène Sledge. La férocité et les horreurs de la guerre en Asie constituèrent malheureusement la symétrie parfaite à celles qui ravagèrent le conflit germano-soviétique.

Ce sens du tragique, même si à partir de 1943 la perspective d'une issue favorable au conflit n'était plus une chimère, comment ne pas considérer que le seul horizon de la condition humaine étaient la guerre, la souffrance ? Impossible de ne pas revenir à l'Iliade et sa lecture par Simone Weil :

«  Ainsi la guerre efface toute idée de but, même l‘idée des buts de la guerre. Elle efface la pensée même de mettre fin à la guerre. La possibilité d'une situation si violente est inconcevable tant qu'on y est pas ; la fin en est inconcevable tant quand on y est. (…)
« Toujours parmi les hommes, qu'il s'agisse de servitude ou de guerre, les malheurs intolérables durent par leur propre poids et semblent ainsi du dehors faciles à porter ; ils durent parce qu'ils ôtent les ressources nécessaires pour s'en sortir. » (« L'Iliade ou le poème de la force » Simone Weil Oeuvres p. 543)

Ce livre de Liouba Vinogradova, comme son frère jumeau, de la même auteure, « Les combattantes », ne sont pas des oeuvres de propagande et encore moins des apologies de la guerre ; il est par conséquent infiniment regrettable qu'il(s) soi(en)t manifestement confiné(s) à un cercle très étroit de lecteurs (deux critiques et une citation pour les « Tireuses… » !).

Alors que l'époque actuelle a mis sur le devant de la scène la cause de la femme et glorifie les femmes exemplaires, l'invisibilité de ces héroïnes est incompréhensible. Dans notre société contemporaine, personne, à commencer par les hommes (moi le premier), ne pourrait survivre trois jours dans les conditions qui furent celles de ces snipers.
S'intéresser à ces jeunes femmes qui s'opposèrent à la barbarie alors que la mort, ou pire, être fait prisonnière, étaient des destins plus que probables, c'est un peu une forme d'hommage ô combien mérité.
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Un ouvrage sur les femmes snipers russes durant la Seconde Guerre mondiale, voilà qui ne surprendra pas ceux qui savent que déjà entre 1914 et 1918, des femmes russes combattirent. Liouba Vinogradova avait déjà donné un ouvrage sur les aviatrices russes durant la Seconde Guerre mondiale, il était paru en France en 2016, l'année où sortait en Russie son livre sur les tireuses d'élite russes pour la même période. le tome 1 de la BD Amère Russie, d'Aurélien Ducoudry et Anlor, évoquait le mythe des snipers baltes de sexe féminin, mercenaires payés par les forces rebelles, agissant durant une des guerres de Tchétchénie et parlait de tireuses d'élite finlandaises intervenant dès 1939 contre les forces russes qui avaient attaqué le pays. Une foi de plus, on est dans l'invention mais par contre des soldats russes périrent en un nombre non négligeable par les balles de militaires finlandais de sexe masculin qui se déplaçaient parfois en ski.

D'après Liouba Vinogradova , à partir de 1942 ce sont des milliers de tireuses d'élite russes qui furent formées. le récit démarre presque avec l'arrivée à Krasnodar (au nord du Caucase) en 1943 d'une centaine de jeunes filles dans une cité dont les Russes viennent de chasser les Allemands. On estime à au moins 500 000 et peut-être un million (page 22) les femmes russes qui servirent dans l'armée entre 1941 et 1945. Une petite minorité d'entre elles combattirent (la grande majorité étant dans l'administration ou le service sanitaire) mais on en trouva par exemple autant comme aviatrices (comme Liouba Vinogradova nous l'a déjà conté), que comme tankiste ou fusiliers marins.

On suit le parcours de plusieurs d'entre elles et on s'aperçoit que les plus médiatisées ne le furent pas pour leurs mérites mais pour célèbre une victoire, une demi-victoire, voire même masquer une défaite. Dans ce dernier cas, on trouve Lioudmila Pavlitchenko qui aurait exercé ses talents (avec 187 cibles humaines à son tableau de chasse) lors de la bataille de Sébastopol qui se termina fin juin 1941 par l'anéantissement de l'Armée du littoral dans un réduit de la Crimée. Elle participa à une tournée de propagande qui la conduisit aux USA. Liouba Vinogradova a rencontré des personnes qui ont connu certaines d'entre elles, des témoignages de survivantes et développe à l'occasion sur leurs sentiments, leur vie amoureuse et leur destin après guerre. Elle cite des extraites de poèmes ou de chansons qu'elles connurent.

Page 336, elle évoque près de 20 000 000 millions de morts pour la Russie durant le conflit, ceci explique que certaines de ces héroïnes épousèrent des hommes plus jeunes, vu l'hécatombe qui frappa ceux nés dans le début des années 1920.
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Un ouvrage historique très documenté, nourri de témoignages inédits sur un thème qui a fait polémique : la présence de tireuses d'élite au sein de l'Armée rouge dès 1942. Liouba Vinogradova raconte leur quotidien, leur découverte de la guerre et de la mort, leurs amitiés, mais aussi leurs ambitions et leur cohabitation avec les hommes. Une histoire où ma propagande tient aussi un place importante.
Lien : https://appuyezsurlatouchele..
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
 Au cours des deux premières années du conflit, le pays avait perdu une proportion si importante de sa population masculine qu'il n'avait désormais d'autre choix que de commencer à recruter des femmes dans l'armée à une échelle encore plus étendue qu' auparavant.

Dans un pays qui proclamait l'égalité des sexes à 100%, personne ne trouvait bizarre que les femmes soient mobilisées en grand nombre. On ne dispose pas de statistiques fiables quant aux effectifs féminins qui ont servi dans l'Armée rouge pendant la Seconde Guerre mondiale. Elles étaient intégrées dans leurs unités au même titre que les hommes. Cependant, les estimations vont de 500 000 à près d'un million. Outre des fonctions administratives, elles servaient d'infirmières, d'opératrices téléphoniques, de cuisinières, mais aussi comme radios, mécaniciennes d'aviation, étaient affectées comme servantes de pièces d'artillerie antiaérienne et de mitrailleuses. Les pilotes de Marina Raskova devinrent célèbres dans tout le pays. On trouvait également des femmes tankistes et fusiliers marins.

À partir ·de 1943, des milliers de jeunes tireuses d'élite ont fait leur apparition sur le front. Certains auteurs ont affirmé par la suite que la décision de former les femmes en tant que tireuses d'élite avait été prise sur la base de recherches approfondies ayant démontré que les femmes étaient potentiellement meilleures tireuses que les hommes, parce qu'elles étaient plus calmes et plus patientes. En fait, le facteur essentiel dans cette décision reste la pénurie catastrophique d'hommes. La plupart des nouvelles amies de Katia Peredera, tout comme elle, n'avaient qu'une vague idée de ce qu'impliquerait leur futur rôle de snipers, et se demandaient avec curiosité à quoi ressemblerait leur formation. 

(p.22 et 23)
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Cette jeune fille · mince et de petite taille, aux yeux gris, aux cheveux blonds et aux joues roses, savait déjà tout faire à 17 ans : semer, faucher, coudre, couper du bois et même construire une maison par elle-même, et monter à cheval sans selle. Après avoir terminé l'école et suivi une formation juridique, elle travailla à Djamboul comme secrétaire chez un procureur, et elle n'aurait pas dû être appelée. Mais toute sa classe partit au Voïenkomat, et elle la suivit.

Maintenant au front, elle qui, depuis l'enfance, était habituée à travailler constamment de ses mains avait un autre travail - tirer.

Tirer avec sang-froid, en se concentrant, en contrôlant sa respiration - un tremblement, un frémissement, et le tir serait immanquablement raté. Celles qui étaient nerveuses ne pouvaient pas devenir snipers, car la balle partait dans le «lait» : c'est ce que leur avait enseigné à l'école des tireuses d'élite le sévère professeur Ioudine. De ce travail-là comme de tous les autres dans sa vie, Klava s'acquitta consciencieusement. 

(p. 189 et 190)
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 Dans· les colis que les tireuses d'élite reçurent à l'état-major se trouvaient du pain blanc, deux saucisses faites maison, des moufles de laine tricotée et des chaussettes, des passepoils, des mouchoirs, et même - du jamais-vu ! :-
- des gâteaux sucrés, de la poudre et du parfum! La nouvelle année était encore loin, mais chacune goûta un gâteau. Le flacon de parfum passa.de l'une à l'autre Peu après, dans une tranchée allemande, les filles trouvèrent également une boîte bosselée de crème «fasciste» Nivea.

Quelle trouvaille !

Avant cela, Katia Peredera, comme tant d'autres filles, ne s'était jamais soigné le visage avec de la crème. Cette boîte leur dura: tout un mois : chacune n'en utilisa qu'un tout petit peu à la fois. 

(p. 100)
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Elles avaient appris tout cela à l'école : se cacher, attendre. tirer dès que tu vois quelqu'un, peu importe, sans se limiter aux officiers et aux éclaireurs. L'ordre de commandement était :" Tu vois un Allemand, tu le butes et c'est tout."
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