Le Grand Livre des Faits Divers
NATHALIE Weil et
Didier Roth-Bettoni
Editions Hors Collection
Les rapports entre la littérature et le journalisme sont anciens,
marqués, au début du siècle dernier par l'Ecole réaliste, illustrée par
Emile Zola ,par la double activité de romancier et de gens de la
presse, et par les feuilletons à rebondissements ,inspirés du climat
social et politique et publiés dans des quotidiens. La fiction dépasse
la réalité, et le goût du sensationnel et du scandale, réservés à ce
qu'il est habituel de désigner par « une certaine presse » est
largement répandu, mais il y a un autre intérêt au succès de ces
productions : l'actualité permet de saisir au plus près la demande
des lecteurs dans leur intérêt pour nourrir leur imaginaire de
situations réelles avec des processus d'identifications simples , des
intrigues mettant en suspens leur éveil,(leur « étonnement »,disait
Roland Barthes), et finalement peut-être un effet cathartique dans
les histoires les plus troubles. C'est également l'occasion de mieux
comprendre la diversité du réseau social et l'analyse psychologique.
Nous assistons ces dernières années à une réactivation de ce
processus d'inspiration, dans le roman, le théâtre et le cinéma. En
veut-on pour preuve pour des auteurs connus , l'intérêt de
Marguerite Duras pour l'affaire Grégory, de
Beckett ou de Jé
rôme
Garcin pour les soeurs Papin, de Clouzot ,de
Jean Luc Seigle et tout
récemment de Philippe Janaeda pour Pauline Dubuisson ,
d'
Emmanuel Carrère d'Encausse pour Jean-Claude Roman ,ou de
Régis Jauffret pour d'autres affaires…Les exemples pourraient être
multipliés ,et sont en
correspondance à la fois, dans des champs
différents avec le succès des téléréalités, de certains jeux vidéos et
dans le domaine plus strict de la littérature de l'arrangement de la
réalité ,dans le courant de l'auto fiction ,de façon telle que l'on croit
lire un document ,alors le mot de « roman » est inscrit sur la
première page.
Le livre de N Weil et d'
Roth-Bettoni s'inscrit dans cette lignée et
reprend plus de soixante dix « affaires criminelles du XXème siècle »,
classées de façon « catégorielle » : crimes passionnels, familiaux, de
couple, sur enfants, d'affabulateurs, de haine, vénaux, en série,
séquestrations …, dans une simplification qui permet seulement au
lecteur d'avoir une idée précise du contenu du livre. On aurait en
effet pu penser que des faits divers (et par définition inclassables)
puisent concerner d'autres thématiques ou d'autres siècles. le
«
dictionnaire amoureux des faits divers » de
Didier Decoin offre
probablement d'autres perspectives, et on peut regretter que le titre
ne soit plus explicite que dans le sous-titre.
Il y a pour cet ouvrage deux qualités à souligner : un style
journalistique mais « tenu », rend la lecture facile et agréable, et
surtout des références chaque fois aux productions littéraires ou
cinématographiques inspirées par les affaires et ce point est original.
Il est possible que le livre sollicite de nouvelles transpositions
littéraires ou autres.
Les faits divers restent ce que l'on en fait, et on peut rappeler le
commentaire de ce pigiste d'un grand quotidien envoyé auprès
d'
André Gide qui venait de mourir, et qui envoya un billet : « mort
naturelle »…