"Je me souviens d'un jour, à l'Académie française, où j'ai croisé
Jacqueline de Romilly, et je lui ai donné un livre de Wodehouse. Lorsque je l'ai revue quelque temps plus tard, elle m'a avoué : "Je ne lis plus que
Thucydide et Wodehouse !" Cet auteur est absolument irrésistible. Je le relis sans cesse. Une histoire de
Jeeves, ça vous remet de bonne humeur. " (
Jean d'Ormesson )
Comme " Jean d'O ", nombreux sont les lecteurs de cet écrivain " so british " qui ont recours à ses " services " pour se détendre, pour oublier le temps d'une parenthèse que la vie ne vaut rien et que rien ne vaut...
P.G. Wodehouse, c'est l'humour décalé, déjanté, dérisoire ou auto-dérisoire, absurde quelquefois, pourquoi pas surréaliste, mais terriblement drôle.
C'est le comique dans presque tous ses genres.
Le comique de situation avec ses quiproquos, ses malentendus, ses inattendus si prévisibles, ses cocasseries en forme de clins d'oeil.
C'est le comique de mot incarné par Bertie, l'aristocrate bêta et gaffeur qui cherche constamment ses mots, que
Jeeves son majordome intelligent, cultivé, stylé, ingénieux, perspicace et astucieux finit toujours par lui trouver :-"Mais il est évident qu'il y a eu une fissure dans le je-ne-sais-plus-quoi...ça commence par un L.
- Est-ce que luth serait le mot que cherche Monsieur ?
- Peut-être. Mais je n'en mettrais pas ma main au feu.
- le poète Tennyson parle d'une petite fissure dans le luth, par laquelle la musique s'éteint et le silence s'installe.
- Alors c'est bien luth. Et nous savons tous deux ce qui va arriver si ce luth particulier devient muet."
Il est aussi superbement personnifié par tante Dahlia, la tante " quatre-cents-coups", originale, excentrique, extravertie... à l'ouïe faible et au verbe fort, du jeune Bertie, laquelle manifeste son affection pour son neveu avec une franchise désarçonnante...
-" Tante Dahlia ? dis-je. Je m'attendais à avoir l'oreille écorchée par des mots bien choisis, mais, à ma grande surprise, elle semblait d'humeur joyeuse. Il n'y avait pas trace de récrimination dans sa voix.
- Bonjour, la menace de la civilisation occidentale, tonitrua-t-elle ! Comment vas-tu ? Toujours en état de marche ?"
Le comique de caractère se retrouve en chaque personnage aux traits grossis, limite caricaturaux du bêta rentier par assentiment familial, du gentleman majordomisé, de la tante dynamite, de la brute amoureuse au coeur tendre, du pasteur rugbyman plus leste avec ses poings qu'avec son verbe... lui fut-il soufflé par le Seigneur en personne...
Le comique de moeurs est explicitement omniprésent ; l'Angleterre intemporelle de PGW prend dans chacune des oeuvres de l'auteur des petits coups d'aiguille que l'humour habille avec beaucoup de bonhommie.
Et pour ce qui est du comique de répétition, le trio Bertie,
Jeeves, tante Dahlia s'en charge de façon irrésistiblement récurrente.
Dans ce vaudeville à la
Labiche mâtiné d'un peu de
Jules Renard ou d'
Alphonse Allais made in England, Bertie quitte sa chère ville de Londres et son cher valet de chambre
Jeeves, " le gentleman personnel du gentleman -, pour se rendre à Totleigh Towers dans la propriété de Sir Watkyn Bassett, un riche aristocrate, collectionneur passionné qui ne peut pas souffrir le protégé de
Jeeves,
Jeeves sur lequel il a des " vues "... Si Bertie s'y rend, c'est qu'il se sent menacé, en péril. En effet, les fiançailles de la fille de Sir Watkyn Bassett et de son ami Gussie Fink-Nottle sont devenues incertaines depuis que le fiancé en devenir a été soumis sous la contrainte par sa dulcinée à un régime végétarien des plus stricts, lequel régime lui a fait apparaître sa promise sous un oeil nouveau... et conséquemment s'interroger sur le bienfondé de son engagement... Or une rupture signifierait pour Bertie un mariage obligatoire par " effet de liste " avec la fille de l'homme qui jadis l'envoya en prison...Les relations tout au long de ce séjour sous très haute tension entre tous les protagonistes, sous la garde de Bartholomew, le terrier teigne de l'une d'entre eux, vont rapidement se compliquer. Et Totleigh Towers, la résidence des Bassett, va devenir l'épicentre d'une confrontation et d'une explication volcaniques, d'une mise aux poings où, naturellement, l'arbitrage des élégances et le dernier mot seront laissés à
Jeeves.
Si vous aimez ce genre d'humour, ces livres intelligents qui ne se prennent pas au sérieux mais qui réussissent à traverser le temps et les modes parce qu'ils ont ce petit quelque chose que tant d'autres n'ont pas, découvrez ou redécouvrez l'univers de
P.G. Wodehouse. C'est fun et relaxant à la fois.