Tout à tour contrebandier, trafiquant de marques et de camions, ancien patron de boîte de nuit, chercheur d'or, ex-drogué,
Cizia Zyké a été de toutes les expériences et de toutes les contrées. Né au Maroc en 1949, d'un père légionnaire albanais et d'une mère grecque, c'est en 1989 qu'il publie son premier livre
Oro qui se vend à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires. Suivront une dizaine de romans, avec entre autres
Sahara,
Parodie,
Paranoïa qui l'affirmeront comme l'un des meilleurs conteurs du baroud et de l'aventure vécue. Rencontre avec l'un des derniers aventuriers des temps modernes.
Un beau soir, Alexandre, homme empli de sa foi démesurée mais décontenancé par les institutions de l'Eglise, reçoit un signal de détresse en provenance directe d'Ethiopie, le pays où son jeune frère Julian, avait choisit de faire sa vie . Depuis le prétendu suicide de sa femme Salomé, il se heurte à la rébellion de ses filles, trois magnifiques plantes, des triplées tout juste adolescentes.
Ne pouvant se résoudre à abandonner son frère, qu'il n'avait pas vu depuis 14 ans déjà, Alexandre décide d'aller le rejoindre. A son arrivée, il retrouve un petit frère toujours plein d'entrain, mais aux traits incroyablement fatigués. La toute première rencontre avec ses jeunes nièces lui laisse un pressentiment assez désagréable ; en effet, si Rachel et Bethsabée montrent quelque peu d'enthousiasme et d'intérêt, il n'en est pas du tout de même pour Saba.
Julian lui donnant carte blanche pour retrouver une ambiance familiale considérée comme normale, Alexandre s'attèle immédiatement à la tâche qui lui avait été confiée. Mais le travail d'ordre et de discipline du père Alexandre risque d'être beaucoup plus compliqué que ce dernier ne l'envisageait…
Les trois malignes mettent tout en oeuvre pour le désarçonner … Elles l'épouvantent bientôt par leur insolence, leur obscénité, leur violence.
Leur intelligence est miraculeuse et l'étendue de leurs connaissances dans tous les domaines, effarante (d'autant plus au regard de leur jeune âge).
Entre Saba, qui lui montre de plus en plus des signes de démence, et cet air maudit qui semble régner dans la demeure de son frère, pour Alexandre s'en est trop, il décide de trouver une retraite .
C'est dans un petit monastère d'Abyssinie, une région centrale de l'Ethiopie, qu'il va transporter tout son petit monde … Oui mais voilà, l'Abyssinie n'étant pas ce qui convenait exactement au bon plaisir de ces jeunes demoiselles … Elles, en particulier Saba, vont lui déclarer la guerre !
Au coeur du pays de la chrétienté va commencer le combat.
Un petit mot des personnages : Alexandre, est un bel homme, il va sans dire, massif, costaud, à la carrure et l'assurance réconfortantes. En bref, une figure ecclésiastique très appréciée de ses paroissiens. Doté d'un regard bleu limpide qui savait tantôt s'emplir de la plus grande des douceurs, tantôt laisser transparaître une certaine autorité, non vraiment Alexandre est le cureton idéal. Il voit la manifestation de Dieu en toute choses ; il respecte et a à coeur d'entretenir le corps solide qui lui avait été donné.
Julian, bel homme tout comme son frère, ne possède pas cette force, cette animation dans le regard. Papa poule dépassé, il laisse bien trop de liberté à ses jeunes filles de peur d'avoir à affronter la fameuse crise d'adolescence (puissance trois dans son cas).
Les trois filles, pourtant si semblables physiquement, possède chacune leur personnalité propre et bien distincte. Saba est une jeune fille aux postures provocantes, au regard méprisant. Pleine de fierté bafouée, elle se conduit telle une jeune reine sauvage et outragée, distillant énormément de sensualité allant même jusqu'à dépasser les limites réglementées et réglementaires, un véritable appel au viol. Elle est sans nul doute la plus rebelle, dans sa façon de s'habiller, de parler et dans ses comportements.
Bethsabée et Rachel, elles, souffrent également de troubles dus à la mort de leur mère, mais encore rien d'alarmant. Bethsabée semble être une jeune fille très studieuse et pleine d'ambition. Quant à Rachel, elle est indéniablement la plus douce, affectueuse et tendre. C'est la romantique du diabolique trio, celle qui cherche à combler l'absence glaciale laissée par sa défunte mère auprès de son père. Son cas va bien au delà d'un simple complexe d'Oedipe, les sentiments de la jeune ne trouvent nulle explication dans le passage à l'état pubère ou encore dans la recherche de soi. Elle tente le tout pour le tout afin de séduire et de soumettre à ses désirs son paternel.
Cizia est très loin de tremper sa plume dans de l'eau de rose. Il aborde le monde ecclésiastique, ce répétitif quotidien, d'une manière franche et véritable ; ce qui transparaît bien sûr à travers le père Alexandre. Un homme qui, au cours de petits moments de détente ne rechigne pas à se rouler une petite cigarette ; ou encore tout simplement, pendant ses quelques jours de repos, ôte vite cet habit d'homme de foi (dans tous les sens du terme) pour réinvestir en totalité celui d'homme de chair et d'os avec les désirs et humeurs que cela comporte.
Certes
Cizia Zykë n'y va pas toujours de main morte au niveau du vocabulaire , mais sans jamais être vulgaire ou déplacé, il sait très bien jouer avec les mots les plus détestables, et les intégrer à la perfection…. D'ailleurs c'est tout juste si je ne pense pas avoir rêvé ses mots …
Vous trouverez un petit prologue assez « sympathique » au début de l'ouvrage, il s'agit d'une petite jouxte entre le Bien et le Mal, mais où le Diable est le narrateur, et s'ôte, à lui ainsi qu'à son « timoré », comme il aime le dire, d'adversaire, tout pouvoir d'intervention sur ce drôle de combat…
Le petit bémol réside dans les quelques longues et traînantes descriptions d'Ethiopie et d'Abyssinie, certes joliment tournées mais pratiquement sans le moindre intérêt à côté de l'intrigue palpitante et transcendante. Peut être faut il voir cela comme une tentative d'harmonisation ?
Curieusement, d'après des recherches sur le net et forums divers, j'ai remarqué que la plupart des personnes ayant lu plusieurs
Cizia Zykë n'était guère conquise et charmée par cet ouvrage …. Ayant beaucoup aimé à l'inverse, devrais je en déduire qu'en marchant dans les traces de
Zykë je devrais aller d'agréable surprise en délicieuse surprise ! Cizia serait-il un génie dans son genre ? Il me tarde de le vérifier (notamment avec
Oro ).
Le fait que
Zykë choisissent de faire incarner le Diable par trois jeunes filles n'est en rien anodin et innocent. Ces dernières sont considérées au pays d'Abyssinie, berceau de la chrétienté, comme les principales émissaires du démon ; et le chiffre trois semble maudit. Il n'est de christianisme plus fanatique que le culte copte, où l'adoration de Jésus s'est nourrie des
fièvres mystiques africaines. Dans l'imagerie copte, la représentation la plus courante du démon est une jeune femme au sourire pervers, exhibant fièrement ses seins (d'où le personnage de Saba).
Plus l'on avance dans le livre, plus l'ambiance se fait pesante, l'air lourd et chargé des pires obscénités… (mais je le répète encore une fois, le style de
Zykë met tout en oeuvre pour rendre la lecture « appréciable »).
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