Depuis que j'ai vu (et revu) la série
Les Tudors, j'avais envie de connaître le point de vue d'un historien qualifié sur la plus célèbre dynastie d'Angleterre. Je pouvais difficilement faire un meilleur choix que Bernard Cottret. le livre est très intéressant, fourmille de détails tout en faisant émerger les effets de temps long. Seul point un poil enquiquinant : le vocabulaire un peu trop riche de l'auteur. le temps que j'ai pu passer à chercher les définitions dans le dictionnaire ! Bon, c'est peut-être parce que mon propre vocabulaire est au raz des pâquerettes, hein. Mais j'avoue que devant une phrase comme « ce roi vif, gaillard et primesautier avait un penchant gargantuesque pour les excès », eh bien j'avais envie de dire, comme Perceval dans Kaamelott, « c'est pas faux » (c'est surtout primesautier qui m'a posé problème).
Gros point fort pour moi : éclairer un peu le règne du premier Tudor : Henri VII, qui est celui que je connais le moins. Si ma mémoire de poisson rouge retiendra quelque chose, c'est surtout l'effort mis sur la légitimation de la nouvelle dynastie, et l'espèce de paranoïa de l'usurpation qui titillera tous
les Tudors, mais particulièrement celui-ci. Au passage, Cottret insiste sur l'actuel procès à décharge sur la personne de
Richard III, particulièrement abîmée par la pièce de
Shakespeare (je le voyais en effet comme un des pires affreux jojos). L'auteur insiste plutôt sur le manque de preuves des crimes qui lui sont attribués (ceux de ses neveux surtout).
J'ai lu les détails du règne de
Henri VIII à l'aune de la série, évidemment. Et cela m'a aidé à rétablir quelques faits historiques modifiés à l'écran par licence poétique (spectaculaire plutôt). le personnage lui-même perd beaucoup du charme que lui apportait Jonathan Rhys-Myers. Sa première épouse Catherine d'
Aragon, répudiée pour Anne Boleyn et traitée ignoblement, en ressort au contraire terriblement forte et digne d'éloges. Ces années de règne sont rythmées par une valse à trois joueurs qui passeront leur temps à s'allier et se faire la guerre : Henri,
François Ier et Charles Quint (je pourrais ajouter le pape comme quatrième).
Je n'ai pas réussi à appréhender aussi bien Élisabeth Ire. La longue section qui lui est consacrée la transforme presque en allégorie de la Nation Angleterre naissante, dépouillée de son humanité et de sa condition de femme, éternellement vierge et inaccessible. Pourtant, des comportements humains sont perceptibles, comme sa jalousie envers ses favoris Leicester puis Essex, sur lesquels elle soufflait à l'envie le chaud et le froid.
Mais comme énoncé au début, ce sont les effets de temps long qui m'ont le plus intéressé. Avant tout bien sûr l'évolution religieuse. La grande affaire du siècle pour toute l'Europe prendra une forme très particulière en Angleterre, tout d'abord à cause du simple refus du pape d'annuler le mariage de
Henri VIII et de Catherine d'
Aragon. La création de l'Église anglicane est très turbulente, de la nationalisation de l'Église – toujours essentiellement catholique – par
Henri VIII, le premier virage à 90° vers le protestantisme d'Édouard VI, puis celui à 180° vers le catholicisme de Marie Tudor, pour finir vers cet anglicanisme original qui grillait aussi bien catholiques que puritains. Les bûchers ont chauffé en permanence, mais le carburant changeait en fonction du règne.
Deuxième phénomène de temps long : l'abandon des guerres continentales et des sièges de telle ou telle ville française et la nouvelle direction donnée vers l'Atlantique. Bernard Cottret montre l'émergence de conflits qui concerneront les Nations plus que les rois, sur des territoires beaucoup plus vastes qu'avant.
Les bases des relations internationales de l'âge classique sont maintenant posées. La petite Angleterre du début du siècle, qui espérait encore récupérer quelques bouts de terre en France, est devenue une Puissance qui va compter, et bientôt dominer. Et
les Tudors forment les racines de cette évolution.