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EAN : 9782259310550
512 pages
Plon (15/09/2022)
2.5/5   2 notes
Résumé :
« C’est en commençant à écrire ce livre que j’ai compris à quel point mon sujet, que je croyais avoir circonscrit par des années d’études, était en réalité infini.
Je suis tombée dans l’éloquence comme d’autres dans la marmite. Très tôt, j’ai éprouvé le besoin de prendre la parole pour ceux que la société laissait de côté. Et puis il y a eu les premiers pas dans mon métier. Mutée il y a dix ans en Seine-Saint-Denis, je ne savais à quoi m’attendre, et j’ai déc... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
L'apparition de l'"éloquence" dans cette série aux ouvrages très inégaux, mais dont certains sont d'une qualité rare, était une nécessité. Dans un monde où l'insulte, voire la violence, menace de remplacer l'argumentation et le débat dans les cercles les plus variés et les plus élevés de notre république, il est temps de redonner ses lettres de noblesse à l'art de convaincre par la parole.
Il fut un temps pas si lointain où la classe de première des lycées, qui se clôturait par l'examen de la première partie du baccalauréat, s'appelait "classe de rhétorique".
Et on pouvait penser qu'un "dictionnaire amoureux de l'éloquence" constituerait une pierre essentielle dans la reconstruction d'un univers où le débat argumenté retrouverait sa place.
La déception est à la hauteur de ces attentes.
À vrai dire, la lecture de la trop brève introduction soulève déjà quelques interrogations, préparant le lecteur à ce qu'il découvrira dans le livre, à savoir l'abandon total à un relativisme bien dans l'air du temps. Face à une "éloquence intellectuellement, universitairement, et donc socialement validée", Madame Levesque a découvert, à l'occasion d'une mutation dans un établissement de Seine-Saint-Denis, une autre forme d'éloquence, celle de ses élèves, qui lui font découvrir "l'étendue de sa propre ignorance lexicale". Alors, bien entendu, il lui est "difficile de faire l'impasse sur les fondations antiques de l'éloquence", et elle ne cache pas son regret sur ce point, mais il est bien plus important encore de "dresser le portrait de certains de ses élèves", qui "incarnent des visages de l'éloquence".
Le résultat est que, si le lecteur se voit offrir une entrée de trois pages sur Quintilien, qui dit l'essentiel, mais laisse tout de même un peu sur sa faim, il découvre avec délice, et en près de quatre pages, la nature de l'éloquence de "Momo", avec des citations bien plus longues que celles qui auraient pu illustrer l'article sur "Cicéron" (un peu plus de trois pages pour celui qui est donné par l'auteur, à juste titre, comme "indépassable"!), où on ne trouve guère que les quelques paroles initiales de la première catilinaire, et aucun développement sur "O tempora, O Mores" cité en VO sans aucune autre explicitatioin, alors que, dans la harangue du Consul, cela suit un paragraphe qui, non seulement constitue un sommet de l'art oratoire, mais a des résonances évidentes dans notre temps et dans la situation politique de notre pays aujourd'hui. Mais le lecteur qui l'ignore n'en saura toujours rien.
Quant'à l'Académie Française, la première entrée du dictionnaire, son sort est réglé en une ligne et demie chargées du plus profond mépris.
Triste époque, où des universitaires du niveau de Madame Levesque, dont la bibliographie est riche de dizaines d'articles et d'ouvrages, sont pris par le tourbillon destructeur d'un relativisme qui flatte à tort la bonne conscience de ceux qui le professent ; car loin de constituer une reconnaissance pour ceux qui n'ont pas "les codes", cette mise au même niveau de toute forme d'expression ne fait que les empêcher de les acquérir, au contraire de l'ambition qui était celle de nos regrettés "hussards de la République".
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Subversif et rusé, un dictionnaire amoureux qui sait être joueur et incisif, érudit et politique. Grâce à un subtil détour renouvelé par Aulnay-sous-Bois, l'éloquence comme vous ne l'imaginiez sans doute pas.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/10/20/note-de-lecture-dictionnaire-amoureux-de-leloquence-mathilde-levesque/

Au moins depuis ses « Lol est aussi un palindrome » (2015) et « Figures stylées » (2017), et peut-être encore davantage avec son « La tête haute – Guide d'autodéfense intellectuelle » (2019) (désormais également disponible en poche sous le titre « Se faire respecter : la puissance de la rhétorique au quotidien »), Mathilde Levesque poursuit un travail herculéen et profondément salutaire, dans le lycée d'Aulnay-sous-Bois où elle enseigne le français et les lettres, et en dehors de ce lycée : rien moins que, au quotidien, contribuer à redonner à des populations scolaires généralement considérées, pour de bonnes et de mauvaises raisons, comme « défavorisées », le désir d'émancipation et la fierté qu'est à même de leur fournir le travail de la langue, en y mixant les codes admis et moins admis avec une véritable inspiration (on songe évidemment au magnifique « Toi aussi, tu as des armes » ainsi qu'au flow métallisé et indispensable d'un D' de Kabal) – et de nous en rendre compte ensuite, d'une manière unique et passionnante, par sa soigneuse malice et sa rare capacité à associer étroitement, en effet, le très académique (voire l'érudit) et le beaucoup moins académique. Ce « Dictionnaire amoureux de l'éloquence », qu'elle signe en septembre 2022 dans la fameuse collection des éditions Plon, en constitue une nouvelle démonstration éblouissante.

Il y a à nouveau dans ce beau texte – alphabétique comme il se doit ! – beaucoup d'intelligence, beaucoup de tendresse – et beaucoup de conscience politique en profondeur. En cheminant aux côtés d'Aristote, de Pierre Bourdieu, de Cyrano de Bergerac, de Démosthène, de Raymond Depardon, d'Annie Ernaux, de Galilée, d'Anne Gruwez (à propos de laquelle pourra se glisser comme un fantôme du juge Roban de Philippe Duclos), de Gisèle Halimi, d'Homère, de Victor Hugo, d‘Eugène Ionesco, de Philippe Lançon, de Quintilien ou de Jean Racine, mais aussi d'Assa, de Momo, de Sheshe ou de Teodora (puisqu'il est bien entendu que ces élèves sont toujours là où ne les attend pas), en n'oubliant pas de se préoccuper d'accent, d'autorité, de caricature, de casquette, de comique, de commentaire sportif, de complotisme, de conseil de discipline, de gilets jaunes, de lapsus, de ponctuation ou de tchip, et de bien d'autres sujets légitimement attendus ou à la présence nettement plus rusée, Mathilde Levesque nous offre un somptueux voyage au coeur d'une zone particulière – et si fondamentale – du monde des lettres. Et elle la pratique, cette invitation-là au voyage, avec un courage, un sens de l'à-propos, une détermination, une humilité habile et une intelligence politique qui forcent à nouveau l'admiration. Ce dictionnaire amoureux vous emmènera là où vous ne le soupçonniez guère initialement.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
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Parmi les nombreux sujets dont la Terre entière est spécialiste, on trouve depuis un an l’épidémiologie, et depuis des siècles le football et l’école.
Je dois confesser ne rien connaître ni à la première ni au deuxième, mais m’amuse souvent en écoutant mes congénères pontifier sur mon métier, qui m’a quand même demandé dix années d’études pour avoir un minimum de recul.
Je pense pouvoir dire que, si tout le monde a un avis sur l’école, c’est parce que tout le monde y est passé ; chaque adulte reste par ailleurs un éternel écolier, dans la mesure où il porte en lui le souvenir d’un prof qui l’a révélé, ou d’un autre qui l’a découragé.

Le métier d’enseignant est, comme pour tout orateur, une affaire d’adaptation : on doit à la fois s’accorder avec notre sujet et avec notre public. Cicéron et Quintilien ont bien montré l’importance de l’inventio : il faut en permanence s’assurer que les arguments déployés ainsi que la manière dont ils sont organisés sont adaptés à l’objet du discours.
De même, il est important de prendre en compte son public, au nom d’un idéal de clarté théorisé sous l’Antiquité et réintroduit par le classicisme. C’est cette exigence de clarté qui, dans un métier comme le nôtre, permet d’aborder des contenus parfois très exigeants : on peut étudier tout, avec n’importe qui.

Pour convenir, un discours doit s’adapter à des circonstances toujours singulières, mais selon des modalités globalement inchangées depuis la Rhétorique à Hérennius.

S’adapter à son sujet, c’est d’abord une histoire de style : difficile d’émouvoir sans un style noble, difficile d’être didactique sans un style simple, compliqué de faire rire sans un style agréable. En dehors d’expériences littéraires sans conséquences, on sait à quel point un sujet traité avec un style inconvenant peut perturber : on peut rire de tout, mais pas… n’importe comment.
De même, en fonction du thème que l’on souhaite aborder, on veillera à respecter les codes des trois grands genres de discours (voir cette entrée) : le judiciaire pour accuser ou défendre, le délibératif pour exhorter ou dissuader, le démonstratif pour louer ou blâmer. Il est parfois vertigineux de se dire que, depuis toujours, n’importe quelle cause prend l’un de ces trois visages.

Mais ce qui importe par-dessus tout, c’est de prendre en compte son public. Pascal a très bien montré qu' »il y a deux entrées par où les opinions sont reçues dans l’âme » : le discours changera donc selon que l’on veut toucher l’esprit ou le cœur. Et c’est ainsi que j’en reviens aux souvenirs d’école, car l’une des particularités de notre métier est que l’on doit parler aux deux, sous peine de finir au fond du tiroir des « mauvais profs », démagogues s’ils parlent trop au cœur, et inhumains s’ils ne s’adressent qu’à l’esprit.

Il existe finalement un paradoxe dans l’éloquence, qui consiste à prendre la parole pour modeler son public, mais qui impose pour cela de se modeler soi-même afin d’être au plus près de ceux que l’on veut changer. Sans ce principe, c’est l’échec assuré.

Cela dit, le principe même du débat ou de la prise de parole hors de l’entre-soi est un sacré défi : en effet, l’histoire de la rhétorique est émaillée de tentatives infructueuses, le désaccord prenant le plus souvent la forme stérile de deux routes parallèles qui ne parviennent jamais à se rencontrer. Il en faut du courage, pour construire des carrefours.
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C’est en commençant à écrire ce livre que j’ai compris à quel point mon sujet, que je croyais avoir circonscrit par des années d’études, était en réalité infini.
Longtemps je me suis cantonnée au seul domaine de la rhétorique, en étudiant l’éloquence comme un travail. C’est aussi comme cela que je l’enseignais à mes élèves : savoir construire un discours et savoir le décrypter.
Mais s’il n’y a pas d’entrée « Éloquence » dans ce dictionnaire, c’est bien parce que la réalité de cette notion demande l’espace d’un livre.
« Art de bien parler », « art de persuader », « facilité pour le faire » : l’éloquence est pourtant tellement plus que cela, ne serait-ce que parce que ce qui nous parle n’a pas forcément choisi de le faire.
Je suis tombée dans l’éloquence comme d’autres dans la marmite. Très tôt, j’ai éprouvé le besoin de prendre la parole pour ceux que la société laissait de côté : le temps du journal du lycée est un peu loin, mais je le garde toujours dans un coin de mon cœur, comme le premier qui m’a permis de sortir de l’intimité de mes cahiers de poèmes. L’enfance est une période de la vie où, qu’on le veuille ou non, on n’a la main sur rien : même si l’on veut changer le monde, on n’a aucun moyen de le faire. Alors il reste la parole. Cela m’est très tôt apparu comme une évidence autant qu’une nécessité ; j’avais l’impression qu’à ma toute petite échelle je pouvais faire changer les choses.
Et puis il y a eu les premiers pas dans mon métier. Mutée il y a dix ans en Seine-Saint-Denis, je ne savais à quoi m’attendre, et j’ai découvert une tout autre éloquence que celle, académique, de mes années de formation.
Je suis arrivée à mon bureau le sac et la tête pétris d’Antiquité et de classicisme ; mais il m’a fallu éprouver face à mes élèves l’étendue de mon ignorance lexicale, en même temps que je découvrais un art de la débrouille qui se manifestait aussi dans l’improvisation verbale. J’observais une véritable intuition de l’éloquence chez mes élèves. Peut-être pas celle des discours, mais celle de la repartie : car, pour faire des discours, il faut la tribune.
C’est donc par mon métier que j’ai véritablement accédé aux arcanes de l’éloquence. Je parle d’arcanes car mes études en avaient laissé tout un pan dans l’ombre ; je ne connaissais que l’éloquence intellectuellement, universitairement et donc socialement validée. Place à tout le reste !
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C’est pourquoi vous trouverez dans ce dictionnaire plusieurs types d’entrées, qui tentent d’illustrer la plasticité de la notion.
Il était difficile de faire l’impasse sur les fondations antiques de l’éloquence, et sur leur résurrection au siècle classique : il faut rendre à César ce qui lui appartient.
Mais à ces entrées académiques répondent aussi les portraits de certains de mes élèves, ou de proches qui incarnent à mes yeux des visages de l’éloquence. Comme dans Les Caractères peut-être, vous reconnaîtrez derrière la leur une autre voix que vous avez un jour croisée ; j’espère qu’à leurs prénoms vous en substituerez d’autres.
Il y a aussi dans ce livre un peu de notre monde actuel – celui qui fait réfléchir et avancer, pas celui qui se périme en même temps que la polémique qu’il a instaurée.
D’autres entrées vous surprendront sans doute, ou vous sembleront à première vue hermétiques et, en l’occurrence, peu éloquentes. Ne les fuyez pas : volontairement mystérieuses, elles sont des portes d’entrée vers d’autres mondes qui vous seront sans doute plus familiers. C’est de cette manière que j’ai à mon tour cherché à gommer les frontières entre les multiples univers de l’éloquence.
Ne soyez pas surpris, non plus, de voir souvent se glisser mes élèves dans des entrées où on ne les attendrait pas. Car telle est la réalité : ils sont toujours là où on ne les attend pas.
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Vidéo de Mathilde Levesque
#rentréelittéraire #rl2023 #essais
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