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Critiques de Yôko Ogawa (1423)
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Les tendres plaintes

Même dans la multitude la vie des hommes est histoire de solitude.



Ruriko, l'épouse délaissée par son mari volage dans le japon contemporain, tente de dissoudre son amertume loin de l'univers de sa déconvenue. Elle se réfugie dans le chalet de son enfance.



Inhibé par la présence d'un auditoire, les mains de Nitta se crispent sur le clavier de son piano. Son talent ne peut s'exprimer que loin de ceux qui pourraient le reconnaître. Il a choisi de s'isoler lui aussi et d'exprimer sa créativité dans la fabrication de son instrument de prédilection. Il est devenu facteur de clavecins.



Deux solitudes confrontées à l'errance. Leurs chemins vont se croiser. Le fantasme les effleurera de trouver ensemble consolation à leur désillusion.



Dans cet ouvrage un peu sombre, où deux êtres sont en quête d'un sursaut du destin, les seconds rôles sont attribués à qui ou quoi n'a de prise sur l'événement qu'en prétexte à y trouver diversion aux déboires de la vie.



Quoi, c'est le clavecin. Il est omniprésent dans cet ouvrage. On le personnifie. On l'assassine quand un exemplaire présente un défaut de fabrication qui en fait un objet dépossédé de sensualité musicale. On l’inhume, on lui dresse sépulture.



Qui, c'est Dona le chien aveugle et sourd. Sa perception du monde, c'est la caresse de son maître. Il ne se plaint pas. Sa compréhension de la vie lui fait trouver satisfaction avec un biscuit ou une odeur familière.



Roman aux saveurs douces-amères d'une culture japonaise tout en pudeur et retenue. Sans effusion. Des pleurs silencieux. Des espoirs jamais formulés. Superstition ou sobriété culturelle ? Des embrassades chastes et prudentes.



J'ai regretté quelques incohérences. L'auteure n'a pas dû avoir de chien sourd et aveugle. Elle ne le ferait pas sauter de ses bras ou divaguer au bord de la rivière ou encore se «jeter en courant de la terrasse pour se précipiter vers moi » - page 172 Editions Babel.



Les métaphores et images ne sont pas toujours très heureuses. Elles manquent de force suggestive, de poésie. Faiblesse de la traduction ?



Il n'en reste pas moins que cet ouvrage rend fort bien une atmosphère d'états d'âme maîtrisés, auréolée de pudeur chevillée au cœur, très typique de la culture asiatique. J'ai aimé son épilogue dénué de mièvrerie, aux antipodes de ce que l'on nous sert trop souvent de nos jours. Mais il ne faut pas en parler.

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La Formule préférée du professeur

J'ai préféré ce livre de Yuko Ogawa à d'autres que j'avais déjà lus. La principale raison est que, dans cette histoire, l'auteure fait preuve d'une empathie certaine envers ses personnages, là où elle avait habitué le lecteur à beaucoup de distance et parfois même de froideur. On est loin, avec l'histoire de cette aide ménagère qui se prend de sympathie pour un client, un professeur émérite de mathématiques qui a perdu la mémoire, des atmosphères glacées et hors du commun qui constituaient l'arrière fond des autres livres. Du coup, même les passages de pure arithmétique ou de relation de matchs de base-ball, discipline à laquelle je ne comprends rien, ne m'ont pas rebutée.



Et donc une bonne porte d'entrée pour cette auteure avant d'aborder des choses moins accessibles, mais peut-être littérairement plus pointues.
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Cristallisation secrète

Une île isolée du monde où, inexplicablement, des choses disparaissent, des plus anodines au plus essentielles. Les roses, les oiseaux, les calendriers, les livres, le printemps…. Les habitants de cette île se lèvent un matin et n'ont plus le souvenir de ces choses qui sombrent "dans le marais insondable de leur cœur". Pourtant, des habitants résistent et se souviennent du nom des oiseaux, de l'odeur des roses, ou bien persistent à lire. Une police secrète, implacable, efficace, qui a pour but de les éradiquer, les traque sans relâche. Une écrivaine, aidée d'un vieil homme ingénieux et d'une bonté ineffable, cache R, son éditeur, un clandestin qui se souvient de ces choses disparues. Terré dans son réduit, il assiste impuissant à leur effacement, et à la passivité de ses amis qui y assistent sans broncher, sans se révolter. Yôko Ogawa écrit un livre implacable, sans une lueur d'espoir, mais elle le fait avec un style d'une grande sensualité et d'une grande poésie. La scène où la narratrice décrit la fête d'anniversaire du grand-père dans la cachette de R est bouleversante et d'une beauté à couper le souffle. Le ton est en demi-teinte, presque détaché ; il renforce d'une certaine manière le fatalisme de la narratrice. Une belle parabole sur la soumission aveugle à l'autorité, et sur l'oubli des hommes.

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Les tendres plaintes

J'ai découvert ce roman un peu par hasard lors d'une recherche dans le catalogue d'une médiathèque. Et, j'ai maintenant hâte de découvrir d'autres œuvres de Yôko Ogawa.

Dès les premières lignes, l'auteure nous impose un rythme de lecture qui nous oblige à prendre notre temps. Enfin, c'est la sensation que j'ai ressenti. Comme une pause dans notre vie parfois prenante.



Tout comme Ruriko, calligraphe, personnage principal, nous nous réfugions dans ce chalet en pleine forêt. Dans ce lieu reculé, elle fait la connaissance d'un facteur de clavecins Nitta qui entretient avec Kaoru une relation privilégiée.

Ruriko, blessée par son mari, va tenter de retrouver un peu de sérénité au contact de ses nouvelles connaissances.



A découvrir!
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Amours en marge

Une jeune femme que son mari vient de quitter souffre d'une étrange maladie : alors que tout est silencieux, elle entend en permanence dans sa tête des sons d’instruments de musique et le moindre bruit extérieur résonne douloureusement en elle. En dépit de nombreuses visites à l’hôpital, l'origine de son mal reste mystérieuse. Elle accepte de raconter son expérience à un magazine de santé et est irrésistiblement attirée par le balais des doigts du du sténographes, aérien et sensuel. Commence une relation mystérieuse et subtile entre les deux personnages qui tissent des liens....



Quel plaisir de lire Amours en marge de Yoko Ogawa ! L'auteur signe là un de ses meilleurs roman, et nous entraine dans son univers si particulier fait de subtilité, de nuances et de sentiments.



La qualité première de Yoko Ogawa est de maîtriser à la perfection la gamme infinie des sentiments qu'elle appose sur ces personnages. L'histoire d’amour entre les deux personnages n'est pas de celles qui semble évidente. On sent que les deux personnages, unis par le hasard, peuvent séparés aisément par les aléas de la vie. L'amour n’est dans ce livre qu'un lien ténu prêt à se rompre qui unit deux personnages, ignorant tout l'un de l'autre mais attirés l'un vers l'autre par une attraction confuse, basée sur des choses qui semblent presque insignifiantes (le mouvement des doigts du sténographe...). Yoko Ogawa traduit la fragilité des sentiments humains et la difficulté que l'on rencontre à aller vers l'autre pour mieux le connaitre.

A aucun moment la femme ne semblera comprendre le sténographe qui reste mystérieux. Cette distance en dépit de la relation que les deux personnages entretiennent est marqué par l'usage permanent par la narratrice du mot sténographe pour désigner cet homme qu'elle ne connait pas et que d’ailleurs elle ne nomme jamais nommément.



C'est d'ailleurs ce qui fait le talent de Yoko Ogawa, qui en nous mettant face à des personnages qui se dévoilent par une focalisation à l’extrême sur des détails, nous permet de comprendre ce qui motive ces personnages, tout en laissant une large part de choses suggérées et non dites qui laissent un lecteur dans un état d'incertitude permanent. Cet état, loin d’être frustrant constitue, à mon sens, le plus grand facteur d’intérêt de l’œuvre de Yoko Ogawa : les métaphores et suggestions de l'écrivain obligent le lecteur à faire travailler son imagination pour découvrir le sens caché des actions en appendice insignifiantes de ces personnages d'allure désespérément lisse, qui cachent des significations profondes.



Ce qui étonne positivement dans le texte, c'est la maitrise maximale du schéma narratif de Yoko ogawa, qui traite avec talent d'un thème délicat : celui du souvenir, de la manière dont il peut être conservé. L'auteur nous montre que la mémoire, suite de souvenirs épars, est défaillante. Les hommes sont incapables à la fois d'entretenir des amours entiers mais aussi de se souvenir de leur vie. Le personnage principal ne vit telle pas le fil de sa vie après le choc du départ de son mari par cette maladie qui lui fait entendre des sons éphémères et multiples qui suggèrent le vaste écho informe des souvenirs ? Son attirance pour les doigts du sténographe ne vient elle pas du fait que ces doigts capturent des instants de vie ?

Cette interprétation de la manière dont l'homme veut se souvenir mais n'y parvient jamais est remarquable .

Au delà de l'acte du souvenir, Ogawa questionne le pouvoir de l'homme à laisser un souvenir durable. L'auteur semble nier une quelconque capacité de l'homme à faire cela. Les lieux sont déshumanisés et ne semble qu’être des espaces ou les personnages se meuvent, plongés dans leur états d’âme. La présence de l'univers hospitalier, symbole de la déshumanisation est d'ailleurs récurrente chez Yoko Ogawa. Même dans ses rapports à l'autre, l’homme ne semble pas capable d'imposer son souvenir à l'autre. L'impossibilité d'une relation durable entre les deux personnages semble faire écho à cette dimension. En dépit d'échanges de réflexion, les deux personnages restent étrangers l'un à l'autre.



Un des meilleurs romans de Yoko Ogawa, qui fait montre d'une réelle maitrise stylistique. Un livre qui nous questionne et nous attire de manière intrigante, en nous plongeant dans un univers subtil et incertain sous des apparences d'immobilité et de lenteur.
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La Formule préférée du professeur

Oh! que ce livre est beau! Au-delà d'un huis-clos qui aurait pu être étouffant, Yoko Ogawa réussit un tour de force : nous "poser" dans un coin de la pièce un peu vieillote, sentant le renfermé, d'un pavillon fragile au bout d'un jardin. Un ancien professeur de mathématiques y vit, doté, après un accident, d'une mémoire de seulement quatre-vingt minutes. Vous pouvez imaginer ce que cela représente et peut avoir de pénible. Une aide-ménagère, avec délicatesse et subtilité, parviendra à créer une véritable communication allant au-delà de ce handicap. Tout simplement parce que le respect et l'empathie ouvrent des portes, malgré la différence. Son fils fera partie de cette aventure qui les liera tous les trois à jamais jusqu'à la disparition naturelle du vieil homme. Nous suivons cette amitié indemme de laideur et faite de transmissions qui pèseront sur l'avenir de l'enfant. Son ciment principal est les mathématiques auxquelles la plume de Yoko Ogawa attribue une poésie que j'ai rarement rencontrée. C'est avec une machine à calculer en main que j'ai poursuivi ma lecture, étonnant la réfractaire aux chiffres que je suis. Voilà qu'elle a réussi avec cette histoire à me les faire appréhender autrement ou du moins à en apercevoir la beauté que je croyais uniquement littéraire et artistique. Il y dans ce livre des mots de tendresse, des sourires et tellement de rêves qui en découlent... Oh! que ce livre est beau!



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Les paupières

Les paupières est un recueil de huit nouvelles dans lesquels les personnages ou les situations glissent subtilement dans l’étrange et le fantastique.

Une femme offre des quantités de légumes qu’elle cultive sur un terrain qui, après vérification, n’existe pas, pendant un cours de cuisine deux plombiers s’activent pour déboucher un évier, sans que cela ne gêne le moins du monde la cuisinière, un nageur de dos crawlé perd l’usage de son bras gauche qui se dessèche peu à peu, une femme collectionne les odeurs qu’elle conserve dans des petits flacons de verre marron.

Autant de personnages qui semblent ordinaires mais qui en viennent à côtoyer des situations inhabituelles. Yoko Ogawa crée des ambiances étranges avec ces personnages improbables, que jamais elle ne juge. Elle ne fait que décrire les bizarreries, les situations surréalistes, toujours avec calme et poesie même quand les phénomènes sont extrêmes comme découper les paupières d’un hamster

Des nouvelles bien écrites, assez poétiques mais pas très marquantes, aussitôt lues, je les ai aussitôt oubliées...
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Petits oiseaux

Un petit dernier pour la route, l'année 2020 s'achèvera donc par un chant d'oiseau, je ne pouvais rêver mieux. Quelle douceur et délicatesse que ce roman. Tout aussi fragile qu'un petit oiseau. Une très belle histoire de ces deux frères dont l'un ayant un handicap, ils vivront en harmonie dans leur monde sans se soucier de cette différence. Le cadet s'accommodera et accompagnera son aîné tout le long de sa vie, partageant leur amour pour les oiseaux.

Que dire de plus, c'est simple, original loin des romans habituels, tout est mesuré, justement dosé, ni trop peu ni trop trop. L'art de la littérature japonaise. Une plume limpide, et tendre.

Très belle lecture pour clore cette année si particulière.

Comment allons être mangé en l'an de grâce 2021 ? Heureusement nous avons les livres pour nous évader, nous redonner un peu d'espoir d'un monde meilleur.

Et pourquoi pas écouter le chant des oiseaux, c'est si beau et apaisant.

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La piscine

Eau trouble

La narratrice, Aya, est une jeune adolescente. A la sortie des cours, elle va à la piscine admirer Jun qui s'exerce au plongeon. La jeune fille vit dans un orphelinat , que dirige son père, pasteur et sa mère, une femme toujours pendue au téléphone. Jun est un des rares orphelins de son âge. La plupart sont des petits dont Rié, dix-sept mois. Aya en a parfois la garde et prend plaisir à feindre de l'abandonner...

Le récit est troublant. Il raconte sans moralisme aucun les contradictions et la violence silencieuse d'une adolescente mal aimée qui se sent abandonnée par sa famille. Aya est jalouse des petits orphelins au point de leur faire du mal. D'un autre côté, elle aspire à la pureté représentée par Jun, le garçon parfait, toujours bienveillant, toujours propre dont le corps musclé baigne dans la douceur maternelle de la piscine. L'écriture est calme, posée, impassible, en opposition aux tourments de la jeune fille. Les descriptions des lieux et des objets sont en revanche particulièrement évocateurs de ses troubles.

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La petite pièce hexagonale

Avec ce court récit de 112 pages, Yôko Ogawa nous fait l'éloge de la solitude, de ces moments où elle apparaît comme nécessaire pour mieux se libérer de ses angoisses, de ses peurs car tous autant que nous sommes nous faisons tout pour y échapper.



Dans ce récit l'auteure ne cultive pas le "beau", "l'esthète" comme à son habitude mais plutôt l'art du détail, de la minutie, frôlant même parfois le ridicule dans la description de ses personnages... Mais après tout la beauté aussi subjective soit-elle n'est-elle pas faite de petits défauts et d'imperfections ?



La narratrice qui est aussi le personnage principal de ce récit est une jeune femme dont nous ne savons presque rien si ce n'est qu'elle travaille comme secrétaire médicale, qu'elle sort d'une relation de deux ans, sans grand intérêt à ses yeux, avec le dénommé Michio et qu'elle a des problèmes de lombalgie auxquels elle tente de remédier en subissant des massages et des étirements (dignes des pires tortures ceci dit en passant) et en pratiquant la natation à la piscine de son club de sport où elle fait la rencontre de l'énigmatique Midori.



Hasard d'une rencontre qui vire à l'obsession et va permettre à la narratrice de découvrir l'étrange petite pièce à raconter que Midori et son fils Yuzuru montent et démontent au gré de leurs voyages.

Mais dans quel but ? Et quelle est donc l'utilité de cette petite pièce hexagonale dans laquelle finit par entrer la narratrice comme poussée par une force mystérieuse et où seul subsiste l'écho de sa voix ?



J'ai énormément apprécié la lecture de ce récit, j'y ai même retrouvé un peu de "Murakami". Yôko Ogawa titille notre curiosité avec sa petite pièce à raconter qui bien qu'étant un élément réel, un objet tangible, nous apparaît comme étant complètement irrationnelle et c'est ce qui a le mérite de nous tenir en haleine jusqu'à la dernière page. Elle a aussi indéniablement ce talent d'écriture pour distiller une atmosphère floue et ambigüe sans avoir recours à des effets relevant du fanstastique et finalement libre à chacun de l'interpréter à sa façon.



Vous vous en doutez, je me suis imaginé entrant dans la petite pièce à raconter.

Qu'aurais-je fait ? Me serais-je parlé à moi-même ? Sûrement... Car peut-être est-il plus facile de se parler en son cœur quand on est seul(e) face à sa conscience car l'on s'oblige d'une certaine manière à affronter ses petits démons intérieurs et que dans un certain sens la solitude amène inéluctablement à la réflexion.



Je remercie chaleureusement Tretrizoustan sans qui la lecture de ce récit n'aurait pu être possible.

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Les tendres plaintes

Trompée et méprisée par son mari, Ruriko décide de quitter Tokyo sans prévenir pour se réfugier dans le chalet familial, inoccupé depuis plusieurs années.

Là où il n'y a que des arbres, de l'eau et le ciel, elle va tenter de retrouver un sens à sa vie.

Pour ce faire, elle se plonge dans son travail de calligraphe et retranscrit la biographie d'une vieille dame anglaise.

Au fil de ses promenades, elle fait la connaissance de Nitta, facteur d'instruments, qui occupe une maison à peine distante de la sienne, un peu plus haut dans la colline.

Ancien pianiste, il met toute son ardeur et son talent dans la fabrcation de clavecins.

Il est secondé, dans ce travail, par Kaoru, jeune apprentie et musicienne.

A leur contact, Ruriko se sent transportée dans un univers où l'harmonie et la puissance libératrice de la musique forment une bulle de douceur qui l'enchante.

Au contact de ce couple étrange, unis par une mystérieuse et évanescente complicité, elle se trouble et ses sentiments se cristalisent tels le son du clavecin.



Un récit d'une grande intensité, frémissant de sensualité, vibrant d'amour au rythme de la nature et des tendres plaintes de J.C. Rameau.

On retrouve ici toute la délicatesse teintée de pudeur de la culture japonaise, symbolisée par les arts délicats de la calligraphie et de la musique.

Il émane de ce roman une merveilleuse sérénité dans laquelle se diluent blessures et désenchantements.

Cinq étoiles sans hésiter !!

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Le musée du silence

Un jeune muséographe arrive dans un manoir retiré, habité par une vieille dame et par sa fille.

C'est dans cet angoissant décor qu'il se trouve chargé de créer un musée dans lequel seront exposés des objets issus des défunts du village.

Chacun d'entre eux a été collecté alors que son propriétaire venait de rendre son dernier souffle.

Il faut entrer complètement dans cette histoire, où le silence est omniprésent, pour ressentir pleinement toute la mélancolie qui s'en dégage.

Chemin faisant, l'impression s'amplifie que l'on ne sortira pas de cet anxieux tableau, comme ne sortent pas de leur silence les prédicateurs du proche monastère.

On retrouve bien ici les composantes de l'univers de Yoko Ogawa, mais je n'ai pas retrouvé ici la sérénité que l'on ressent dans ses autres romans, comme cristallisations secrètes.

Un beau roman, très profond et plein de sens, mais à ne pas lire au cœur de l'hiver...
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L'annulaire

Dans le silence lourd du laboratoire de spécimen que gère Mr. Deshimaru, une jeune fille, la narratrice, vaque à ses occupations. Elle est chargée d’accueillir les clients qui souhaitent conserver leur bien le plus précieux : une mélodie, un champignon, la cicatrice d’une brûlure, une mémoire.

Révélations, secrets, sensualité du geste, il est bien étrange ce taxidermiste qui un soir invite son employée dans une salle de bain désaffectée pour lui offrir des chaussures si parfaites qu’on jurerait qu’elles ont été faites sur mesure, et qui plus tard la déshabille.

« J’ai fini par me retrouver nue. Il ne me restait plus que mes escarpins en cuir noir… Ensuite nous nous sommes aimés au fond de la baignoire ».

Ce texte est envoûtant et je me suis laissée très rapidement entraîner dans cette histoire lourde de non-dits.

L’écriture minutieuse exerce au fil des pages une étrange fascination.

Encore une belle découverte dans l’univers de Yoko Ogawa.

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Les abeilles

La narratrice, dont la vie lui apparaît morne alors qu'elle devrait bientôt rejoindre son mari émigré en Suède pour son travail, reprend contact avec son jeune cousin qui cherche un logement étudiant à Tôkyô. Elle se remémore qu'elle fut logée six ans auparavant dans une résidence étudiante, et en contacte le directeur, qui est handicapé. Rendez-vous est pris pour la rencontre, bien que le directeur lui tienne un étrange discours sur le délabrement en cours du bâtiment, qui ferait l'objet d'une « déstructuration particulière ».



Le rendez-vous sur place est conclusif pour la signature du contrat, l'engagement de l'étudiant étant simplement de « promettre de mener une vie d'étudiant heureux au sein de cette résidence ». le lecteur découvre un directeur en piteux état : il est amputé des deux bras et d'une jambe, sa jambe gauche manquante étant remplacée par une prothèse. Mais lorsque la narratrice cherche quelques jours après à rendre visite à son cousin, il n'est pas là. Et cela se reproduit les fois suivantes, avec toujours une explication du directeur. Celui-ci effectue sous ses yeux les gestes du quotidien, en autonomie, ce qui l'oblige depuis des années à des contorsions quasi-permanentes pour caler les objets entre le menton et la clavicule, qui ont provoqué au fil des années une grave déviation de sa colonne vertébrale (on imagine un Stephen Hawking…). Cela ne l'empêche pas de cultiver comme il peut le jardin, où quelques abeilles viennent butiner les tulipes. Il tient par ailleurs un discours louangeur sur les beaux corps parfaits, à l'opposé du sien, notamment celui du cousin, insistance qui en deviendrait suspecte et met mal à l'aise tant la narratrice que le lecteur. D'autant que la résidence, vide de locataires à part le cousin, a vu le précédent se volatiliser sans que sa trace n'ait jamais été retrouvée. On commence à se demander ce qu'il a pu advenir du cousin…Au fil de ses visites, la narratrice semble de plus en plus indifférente aux lettres pragmatiques de son mari qui lui demande de préparer son départ (à peine parcourues, elles sont remisées au tiroir), tandis que l'état du directeur se dégrade : il se décharne, et perd en autonomie. La narratrice lui rend visite régulièrement et satisfait son dernier plaisir, lui mettre en bouche des cuillères de bons gâteaux. Mais il y a toujours quelques abeilles autour, qui vont s'arrimer sur une tache sombre au coin du plafond de la pièce, tache qui s'agrandit…un jour des gouttes sombres et poisseuses en tombent…Et le cousin qui n'est décidément jamais là…De quoi commencer pour la narratrice à perdre son sang-froid, alors que le directeur plonge dans un profond sommeil qui est peut-être définitif…



Un fois de plus, Ogawa Yôkô sait installer les ingrédients pour créer une atmosphère d'étrangeté. Les sens de la narratrice, et du lecteur, sont concentrés sur des petits détails de l'environnement, qui, grossis comme à travers une loupe, prennent une importance particulière, créant là une sorte de malaise, de vague inquiétude, comme aurait dit Akutagawa. L'esprit s'emballe, ne peut s'empêcher d'échafauder des scénarii horrifiques, en cherchant une cohérence, une logique, peut-être bien bâties sur du sable. Il va au plus complexe et improbable, alors que, peut-être, tout est rationnel. Pourtant, le doute n'est pas totalement levé non plus…

L'atmosphère est oppressante, l'évolution psychologique des personnages est traitée magistralement. le directeur dégage quelque chose de malsain, d'inquiétant, physiquement et dans son comportement. A-t-il des choses à cacher ? La narratrice n'est pas elle-même dès le départ très bien dans sa peau, et sans doute perméable à une certaine rêverie et fragilité psychologique qui peuvent la rendre manipulable...Et puis il y a ces abeilles qui tournent autour de ce mystère, dont elles sont finalement l'élément central.



En conclusion, encore une remarquable novella de cette grande dame de la littérature nippone contemporaine.

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La Marche de Mina

Entre langueur et enthousiasme, d'une écriture limpide et sensible teintée par la nostalgie de l'enfance, Yôkô Ogawa nous propose un récit chronologique de la vie quotidienne d'une famille japonaise pas ordinaire.



Plus de 20 ans après, Tomoko se souvient de l'année 1972 durant laquelle elle vécut chez sa tante. Âgée alors de 12 ans, dans un cadre dont le luxe lui était inconnu et entourée d'une famille gentiment insolite, elle noua une grande amitié avec sa cousine Mina.



Sans être caricaturaux, les personnages sont particuliers. Chacun d'eux est pourvu de qualités et de failles. Chacun élargit la perception du monde de l'adolescente, en lui ouvrant les portes sur de nouvelles possibilités ou de nouvelles zones d'ombre. Chacun possède une originalité qui suscite la tendresse et l'admiration de Tomoko.

Même l'animal domestique est surprenant!



Dans un univers protégé mais ouvert sur le monde extérieur, les joies et les tracas se succèdent dans une ambiance spéciale, empreinte de rêve, de douceur de vivre et d'innocence. Malgré leurs différences, les membres de la famille se protègent l'un l'autre. Ils constituent un groupe soudé, habité par une même curiosité culturelle.



Comme Tomoko, je me suis attachée à cette maison peuplée de personnes formidables et imparfaites, petit îlot de chaleur domestique, où les rêves et les sentiments s'épanouissent.

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La mer

Yoko Ogawa alterne la publication de romans et de nouvelles (très courant au Japon, et je trouve se format adapté pour les trajets en métro).



Cette écrivaine met en place une atmosphère très particulière. Dans un style simple, limpide, avec des paragraphes courts, elle installe un univers qui peu à peu dévoile des fêlures, des perversions, obsessions, tocs. Ses personnages donnent souvent l'impression de subir une situation et les dénouements de ses histoires sont souvent surprenants. Elle observe tout avec tendresse ce qui donne lieu à des scènes d'une sensualité très surprenante !



Souvent ses personnages exercent des professions étranges ou l'exercent de manière étrange, mais tout ça est raconté avec un tel naturel, avec une telle transparence, sans métaphore surprenante ou image exubérante que l'on se laisse prendre par les obsessions de chacun d'entre eux.



Ici, on croisera une grand-mère qui perd un peu la tête, une veuve au coeur malade, une petite fille muette, une guide agréé qui n'est jamais sorti de sa ville.



Un très bon recueil de nouvelles, sept au total. J'ai particulière aimé « le camion des poussins », « la mer » et « la guide ».



4/5



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Parfum de glace

Je lisais à ma vitesse normale. Et puis...



Page 160 "Quand on essaie de reconnaître des odeurs, on se perd dans le vaste monde du passé que chacun porte en soi."



Je lis cette petite phrase et je bloque. Je mémorise. Page 160. C'est là le nœud pour moi. Je continue la lecture. Ca se confirme. Je referme ce roman, et c'est l'évidence. Chacun porte son passé en soi. Nos pores transpirent ce passé qu'on le veuille ou non, nos actes ne font qu'absorber ce surplus de sudation et le montrer aux autres par une goutte qui descend le long du dos et marque la chemise d'une auréole foncée. Les autres ne verront que le changement de couleur de la chemise alors que vous, vous savez que c'est tellement plus cette odeur de transpiration. C'est votre vie qui s'écoule. Vos amours vos regrets, vos envies, vos victoires mais aussi vos échecs. Tout n'est que compte et décompte. Jusqu'au moment parfait où tout est en ordre. L'ordre des choses. D'aucuns diraient, c'est dans l'ordre des choses.Tout est rangé, non pas fonctionnellement mais rangé par goût de l'ordre, un ordonnancement qui est beau. C'est beau comme un sigle mathématique, comme l'infini, celui qui contient les trois lettres de fin aussi. Je vous ai laissé mes odeurs (mes mémoires en quelque sorte) comme je les ai senties, ressenties. Pour vous aider je les ai transcrites en mots. Vous les trouverez et vous vous trouverez à ce moment-là. Ce n'est pas des cachoteries, c'est juste ma manière de voir l'infini qui est devant et que vous sentirez plus que vous ne le verrez. N'hésitez pas à plonger dans le gouffre de mes émanations, une grotte où vous flairerez le chemin que j'ai suivi jusqu'à maintenant et qui était fait de pirouettes et de sauts, certes, mais qui était moi. Je vous laisse une trace de glace, je le sais que c'est froid et douloureux au toucher, alors préférez cet arôme qui pénètre le passé, sans jugement. Toute fragrance porte en elle mes rêves et mes amours, perdus, éperdus, mais jamais vous ne pénétrerez mon infini si vous ne laissez pas cette exhalaison vous charmez par le souvenir qui lui perdurera.
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Hôtel Iris

Mari, dix-sept ans, dominée par sa mère, est réceptionniste à Hôtel Iris le petit hôtel familial dans une station balnéaire, perdue au find fond de l' archipel. Quand, à l'occasion d'une altercation entre une prostituée et un vieil homme, elle entend la voix calme et apaisante de ce dernier, elle est irrésistiblement attirée. S'engage alors une relation faite d'échanges de lettres, de gestes respectueux qui alternent avec des moments de soumission, de domination perverse et d'expériences de douleurs recherchées et subies avec celui qu'elle appelle le traducteur.



Il y a bien longtemps que je n'avais pas été aussi dérangée à la lecture d'un récit de Yôko Ogawa, c'était le musée du silence...Avec Hôtel Iris c'est une jeu étrange et dérangeant qu'engage la jeune Mari quand elle reconnaît en cet homme une force de domination à laquelle elle se soumet volontairement, peut-être pour échapper à celle imposée par sa mère. Avec un style extrêmement distanciée et clinique, Yôko Ogawa décrit tous les fantasmes interdits ou pervers que la jeune fille anticipe et ceux auxquels elle se soumet, plus soucieuse de respecter et d'accomplir les gestes, même les plus dégradants avec perfection pour satisfaire cet homme, que de se plaindre de sa violence, ce dernier alternant cruauté et prévenance.

Une relation perverse car acceptée et même recherchée mais qui peut laisser un malaise prégnant.

A déconseiller pour une première découverte de Yoko Ogawa, à mon sens.
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Instantanés d'Ambre

L’histoire commence dans une résidence de personnes âgées, la narratrice qui a des doigts déformés, a été autrefois accompagnatrice au piano, elle se lie d’amitié avec M. Amber dont l’œil gauche couleur ambre ne semble plus voir.



Ce roman est donc l’histoire de ce vieil homme qui n’a qu’un filet de voix, il ne produit qu’un semblant de murmure. Parler fort était une des interdictions de sa maman. L’autre interdiction était de ne jamais sortir à l’extérieur du mur de briques. Pendant près de sept ans, Ambre, sa sœur aînée Opale et son petit frère Agathe ont vécu enfermés dans la villa, sans téléphone, ni télévision, ni journaux, sans fréquenter l’école, avec pour seuls amis les insectes et les petits animaux du jardin. Seule l’aînée Opale garde des souvenirs du monde extérieur qu’elle a connu. Leur mère travaille comme assistante pour les curistes. Ils ne connaissent rien du monde en dehors de ce qu’ils lisent dans les encyclopédies.



C’est dans l’encyclopédie illustrée des sciences pour les enfants qu’ils ont choisi leur nouveau prénom, maman veut qu’ils oublient leur nom d’avant. Tout cela à cause d’un chien maléfique qui a emporté leur petite sœur. Ils ne s’éloignent jamais l’un de l’autre, on peut dire qu’à eux trois ils ne font qu’un. A eux trois ils partagent des secrets, ils s’inventent des jeux, les olympiades, le jeu des circonstances, celui des situations.



J’ai trouvé ce roman difficile à lire, le récit est rempli de métaphore, nous sommes plongés dans un monde de l’imaginaire auquel il ne m’a pas été toujours facile d’accéder. Une atmosphère particulière entre conte de fées et huis clos angoissant.



L’auteur avec son écriture poétique nous décrit le monde que les enfants se sont inventé et M.Amber Ambre, n’a vraiment existé que pendant les années où il est resté enfermé avec sa sœur et son frère dans cette villa entourée d’un mur de brique. Leur univers se résume à un âne, un chaton, un professeur qui vit dans l’oreille de la sœur, et surtout Joe le marchand ambulant, qui tel un prestidigitateur fait apparaître toutes sortes d’objets de ses sacoches et leur apporte la totalité du monde. Ambre qui dessine dans la marge des encyclopédies des instantanés, des silhouettes fragiles comme sa voix, des dessins minuscules, microscopiques où vient habiter sa petite sœur décédée.



Un roman très original, à lire doucement pour en comprendre toute la magie et ne pas sombrer dans l’ennui. L’univers de Yôko Ogawa est toujours étrange, baroque, beaucoup de choses sont suggérées, il faut accepter ces règles pour profiter pleinement de ce livre.







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Parfum de glace

Yôko Ogawa explore une nouvelle fois les chemins de la mémoire , du souvenir et de la mort .



Hiroyuki se suicide , il était parfumeur , un nez exceptionnel ...

Sa compagne, Ryoko, à qui il venait d'offrir un parfum de sa composition baptisé Source de Mémoire, désemparée par cette disparition tente de retracer le passé de cet homme qui lui a raconté si peu de choses sur lui ; elle fait donc la connaissance de sa mère et de son frère cadet et découvre bien des facettes inconnues de celui qu'elle a aimé : mathématicien de génie depuis son enfance qu'il a passé à courir les concours ,chapeauté par une mère possessive , patineur de talent ...



Tant de décalage par rapport à ce qu'elle croyait savoir de lui, l'intrigue et la jeune femme se rend à Prague, lieu  du revirement majeur dans la vie de Hiroyuki .



L'auteur nous fait voyager au Japon et à Prague, dans le présent et le passé, avec comme à son habitude et c'est ce qui fait tout le charme et le talent de ses livres entre réalité et onirisme , où les souvenirs tiennent une fois de plus une place majeure, chaque fois présentés d'une manière différente et parfaitement originale et celui ci ne déroge pas à la règle pour mon plus grand plaisir !

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