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EAN : 9782330006594
96 pages
Actes Sud (16/05/2012)
3.82/5   203 notes
Résumé :
Réveillé en pleine nuit par un coup de téléphone de Jeanne, qui lui apprend le décès de Vladimir, Mathias part à Moscou pour escorter le corps de son ami jusqu'à son village natal, au-delà de Novossibirsk.

Dans le Transsibérien, il s'adresse au faux frère couché dans sa boîte, évoque le trio fiévreux que tous deux ont formé avec Jeanne, et l'emprise des stupéfiants autant que le dépit amoureux qu'il a cru fuir en retournant seul à Paris. >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (41) Voir plus Ajouter une critique
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C'est avec cette belle couverture, un peu d'Alcool et beaucoup de nostalgie que j'ai goûté à l'Esprit d'hiver, tandis que la météo, chez moi, est coincée à quinze degrés sous une pluie diluvienne... Avec Mathias, j'ai quitté Paris en direction de la Russie, pour remonter dans le transsibérien : Il y accompagne, dans un dernier voyage, son ami Vladimir qui vient de mourir.
« Moi qui hais les voyages me voilà servi, des heures et des heures devant moi, seul avec Vladimir qui ne parle pas, seul avec les souvenir, l'alcool et la nostalgie, voilà tout ce qui reste, comme disait Tchekhov ».


Dans ce train, ses pensées se dénouent et l'obsèdent, se déversent, insistent là où elles blessent. C'est leur dernière chance de se révéler, d'exister avant le grand oubli. Au gré des souvenirs qui s'égrainent, nous apprendrons comment il aimait Jeanne, comme elle a quitté Paris pour ses études à Moscou, comment elle a rencontré Vladimir. Comment elle le lui a présenté. Comme ils se sont aimé, tous les trois. Un vrai trio.
« des poupées russes, comme nous trois, trois matriochki entrées l'une dans l'autre se sont séparées, j'étais la plus petite, j'étais la plus petite, Vladimir, je profitais de votre chaleur à tous les deux, j'oubliais mon vide intérieur dans cette cavité amie ».


Un trio, vraiment ? Alors pourquoi as-tu quitté Moscou, Mathias ? Etait-ce pour elle, pour lui, pour toi ? Que fuyais-tu vraiment ? Pourquoi tous ces cachets, dans ta valise ? Et au fait, de quoi est mort Vladimir ?
De ses souvenirs bercés de nostalgie, floutés de larmes et de vapeurs d'alcool, émerge la vérité. D'abord niée, puis honteusement camouflée, finalement trop intense ; d'une effrayante limpidité.
Un monologue de 90 pages qui s'adresse autant à son ami qu'à lui-même.


Si la mise en route m'a semblé un peu maladroite, c'est un récit effet boule de neige qui nous entraîne, de plus en plus irrésistiblement, vers le long fleuve intranquille d'un Amour qui semble impossible.
« Maintenant je préfère me laisser aller à la drogue douce du souvenir, bercé par les errances de ce train qui danse comme un ours sur ses traverses ».


Un voyage parsemé de jolies phrases, de références littéraires et historiques. A lire pour l'ambiance et ce léger mystère à percer, même si 90 pages, peut-être, ne suffiront pas pour nous marquer longtemps.
« J'ai su que je n'arriverais jamais à écrire comme cela, je n'étais pas assez fou, ou pas assez ivre, ou pas assez drogué, alors j'ai cherché dans tout cela, dans la folie, dans l'alcool, dans les stupéfiants, plus tard dans la Russie qui est une drogue et un alcool j'ai cherché la violence qui manquait à mes mots……………. »
Seule la suite de cette citation vous aiguillera vers la bonne voie. Sera-ce un terminus ?
« Tu n'es pas mort encore, tu n'es pas encore seul », lui répète Jeanne.


Avec au bout du compte, cette question qui demeure : « Qu'est-ce qu'on cherche dans les déplacements, que veut-on dans les voyages »…?
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« L'alcool et la nostalgie, voilà tout ce qui reste. »

Jeanne et Mathias, le narrateur : deux amis parisiens. Elle est partie vivre à Moscou, il l'y a rejointe quelques mois plus tard. Elle lui a présenté Vladimir. Ensemble, ils ont formé un trio d'amants, une femme pour deux hommes. Ensemble, ils ont sombré dans l'héroïne, dans la vodka, dans la débauche. Ils se sont aimés, déchirés, séparés. Mathias est rentré en France, Jeanne et Vladimir sont restés à Moscou.

Mais voilà que l'ami est mort, et Mathias rejoint Moscou – et Jeanne – pour accompagner la dépouille de Vladimir jusqu'à son village natal, en Sibérie. Un voyage au long cours, à bord du Transsibérien, en tête à tête solitaire avec le corps de l'ami décédé, deux mille huit cent quatorze kilomètres depuis Moscou – soit une centaine de jours de cheval, à l'époque de Tolstoï ou de Pasternak.

Des heures et des heures seul dans ce train, avec l'ami qui désormais se tait, avec les souvenirs, avec les grands auteurs qui peuplent de leurs présences les immensités russes – Axionov, Tchekhov, Gogol, Dostoievski… -, avec le fantôme des amours mortes, des amitiés perdues, des blessures et des complicités, avec la tendresse et les regrets, avec l'ombre des années noires de l'histoire de la Russie. Avec l'alcool. Et la nostalgie.

Dans ce très court roman autobiographique (?), adaptation d'une fiction radiophonique conçue dans le cadre de l'Année France-Russie de France Culture, Mathias Enard nous convie, dans le huis-clos de ce voyage transsibérien, à un moment d'intimité poétique, mélancolique et bouleversant. Comme toujours avec Mathias Enard, l'écriture est superbe et le texte est profond, intelligent, sensible et percutant.

Un petit roman (pour ce qui est du nombre de pages) que je ne connaissais pas, et un grand livre d'un grand écrivain, que je vous recommande.

[Challenge MULTI-DEFIS 2019]
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Dans ce beau texte bouleversant, «L'alcool et la nostalgie», Mathias Enard rejoint les voix de poètes et écrivains russes et celle de la prose du Transsibérien de Blaise Cendrars ; il en atteint les accents, pour nous chanter la ballade de Mathias, Jeanne et Volodia-Vladimir dans un adieu à l'ami, dont Jeanne lui a appris la mort au téléphone. le voyage de Mathias est un voyage halluciné où la douleur ne peut s'apaiser en la noyant dans la drogue ou dans l'alcool. Les souvenirs remontent et obsèdent.
Se «laissant aller à la drogue douce du souvenir, bercé par les errances de ce train qui danse comme un ours sur ses traverses p39», Mathias, va accompagner la dépouille de son ami Volodia-Vladimir, par le transsibérien jusqu'à Novossibirsk, pour qu'il repose dans le village où il était né. 
Tous les trois avaient vécu une relation passionnée entre Moscou et Pétersbourg, dont Mathias revit les moments fous et douloureux où amour, amitié, jalousie se mêlent. 
«...nous étions des poupées russes nous trois. Emboîtées pour toujours les unes dans les autres...»
Le cercle de sang enlacé à celui de cendre sur la couverture (mon interprétation n'engage que moi) m'a fait songer à Essenine qui laissa dans la chambre d'hôtel où il s'est suicidé un poème écrit avec son propre sang :


"Au revoir, mon ami, au revoir,

Mon tendre ami que je garde en mon coeur.

Cette séparation prédestinée

Est promesse d'un revoir prochain.

Au revoir, mon ami, sans geste, sans mot,

Ne sois ni triste, ni chagrin.

Mourir en cette vie n'est pas nouveau,

Mais vivre, bien sûr n'est pas plus nouveau.

et cet autre extrait toujours de Essenine, « L'Homme noir» qui ressemble tant à Volodia et à la Russie que nous fait partager Mathias dans le roulement chaotique du train : 


Mon ami, mon ami,

Je suis malade à en crever.

Mais cette douleur d'où me vient-elle ?

Est-ce le vent qui siffle

Sur les champs déserts, désolés,

Ou bien, comme les bois en septembre,

C'est l'alcool qui effeuille ma cervelle…

Ce petit livret, écrit sur commande, à l'occasion du voyage d'écrivains dans le transsibérien organisé par France- Culture pour l'année France Russie, emporte par son intensité. Une réussite.
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L'alcool et la nostalgie, c'est 87 pages de voyage en train qui se lisent d'une traite tel un shot de vodka jeté au fond de la gorge d'un cosaque.

Mathias ramène la dépouille de son ami Vladimir dans son village natal, à 2814 kms de Moscou, aux confins de la Sibérie.
Voyage halluciné où les souvenirs affluent comme autant d'étapes douloureuses que n'apaisent plus ni drogue, ni alcool.
Nostalgie d'un temps révolu, celui de l'amitié, des périples fous à travers la Russie émaillés d'agapes et de pauses littéraires, de l'amour aussi.
Jeanne, Vladimir, Mathias...poupées russes emboitées pour toujours les unes dans les autres, triangle amoureux aux parfums d'opium et de vodka, amitié trouble où chacun se perdra dans l'illusion et la passion inaboutie.
Seul face aux grandes étendues de la taïga qui lui renvoient l'image de sa finitude, il prend conscience du vide qui l'habite dans un sublime monologue intérieur.

Un récit touchant, troublant sur lequel plâne l'âme de la grande Russie, celle de ses écrivains intemporels au coeur mélancolique.
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Quand le téléphone réveille Mathias au milieu de la nuit, que Jeanne ne dit qu'un mot Volodia.... le monde de Mathias s'effondre. Il accompagnera Vladimir jusqu'à sa dernière demeure un petit village au coeur de la Sibérie bien au-delà de Novossibirsk.
Le Transsibérien, trois jours et trois nuits de voyage. Mathias, Jeanne et Vladimir, trois poupées gigognes incapables de survivre si elles sont séparées. Vladimir, Jeanne et Mathias partageant alcool, drogue allant jusqu'au bout de leurs rêves ou essayant du moins. Jeanne, Vladimir et Mathias, un trio inséparable. Qu' y aura t'il au bout du chemin? Mathias reviendra t'il ? Peuvent ils survivre à la séparation d'avec l'Ami?
Un voyage psychédélique bercé par l'alcool et les drogues licites ou non. Un récit éblouissant, une écriture que je découvre avec émerveillement à chaque lecture.
Un récit très court mais inoubliable à mes yeux.
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critiques presse (2)
Actualitte
28 mai 2019
Ce très court récit d'un très long voyage est tellement rempli d'Histoire, de poésie, de culture qu'il se lit comme se boit une eau de source pour étancher une grande soif.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Lexpress
22 juin 2011
Traversé par des fantômes et des éclairs, par l'histoire et la littérature, le texte lyrique et musical de Mathias Enard frappe par son envoûtant mélange de mélancolie et d'énergie. A boire cul sec, avec ou sans vodka à portée de main.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (32) Voir plus Ajouter une citation
Je voulais écrire une nouvelle pour Jeanne, un texte qui parlerait d'elle, une belle histoire où elle serait belle et je n'y arrivais pas. J'avais toujours sa phrase dans la tête, toujours, elle me disait " ton problème, c'est que  tu écris pour boire, et pas l'inverse ", peut-être avait-elle raison, je voulais un nom d'écrivain, un destin d'écrivain, une vie d'aventures, de plaisir et de liberté sans avoir réellement envie de me coltiner l'écriture, le travail, accroché à un rêve d'enfant. Et un jour alors que je venais de parler à Jeanne depuis une cabine téléphonique, dans cette tristesse que seul novembre sait fabriquer, novembre et Paris, j'ai aperçu un livre du coin de l'œil dans le bac d'un bouquiniste du quai Voltaire ; il s'appelait tout simplement En Russie, et était signé Olivier Rolin. J'avais trois pièces dans ma poche, je l'ai acheté, en pensant que c'était un heureux présage, tomber sur ce livre juste après avoir parlé à Jeanne. J'ignorais tout de cet auteur dont le nom avait quelque chose de familier, simple et proche. Je suis rentré chez moi à pieds, avec dans la tête la voix de Jeanne, sa belle voix, et à peine arrivé je me suis mis à lire, ce voyage était magnifique, la Russie de ce Rolin était captivante, pleine de beaux alcools et de nostalgie. À la fin du livre il y avait l'histoire d'un insecte vert appelé cétoine, dont je n'avais jamais entendu parler, qui est très fréquent dans les plaines russes, d'après l'auteur ; le voyage finissait sur ces mots : "les pages des livres sont des pétales que ronge le scarabée vert de l'oubli."
  J'ai refermé doucement le petit volume, j'ai regardé mon stylo, mes carnets luxueux désespérément vides, mon verre, ma bouteille, mes étagères, l'appartement crasseux, la vaisselle s'accumulant dans l'évier ; j'ai pensé qu'il n'y avait pas beaucoup de choses qui soient réellement importantes dans la vie, ni les œuvres que l'on écrit, ni les livres qu'on lit, ni la destinée, tout cela finissait avalé par une minuscule bestiole comme une fleur fragile, c'était triste, triste et joyeux à la fois, alors j'ai attrapé le seul objet  de valeur que je possédais, mon seul trésor, l'édition originale du Panama signé de la main unique du grand Blaise Cendrars, trouvée par hasard dans une brocante de province, un peu rongée par l'humidité. J'ai pris le Panama sous mon bras sans réfléchir, bouleversé par la Russie, par Jeanne, par ce Rolin et son scarabée ; j'ai presque couru jusque chez un marchand luxueux de la rue de l'Odéon, et j'ai immédiatement vendu ce Panama pour la somme qu'on me proposait, sans rien négocier, sans aucune douleur, sans regret.
  Je l'ai vendu, je suis rentré chez moi, j'ai mis un peu d'ordre, j'ai bu un petit verre et je me suis effondré dans un sommeil joyeux, les doigts de Jeanne me caressaient doucement la poitrine, comme un insecte faramineux.
  Et quinze jours après, quinze jours après je m'envolais pour Moscou.
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Avant de dormir, je buvais du cognac portugais appelé Aldeia Velha, j'essayais d'écrire deux ou trois trucs qui ne venaient pas, alors je retournais fumer à la fenêtre en regardant scintiller Lisbonne. Jeanne dormait déjà depuis longtemps. Une de ses jambes était en dehors du drap,  en entier, jusqu'au haut de la cuisse, jusqu'à son tee-shirt trop court ; elle respirait doucement, le visage à moitié dissimulé par ses cheveux. De temps en temps une brise venue de l'océan envahissait la pièce et j'avais l'impression de la voir frissonner, il y avait une grande douceur dans ce moment. J'ai pensé que je l'aimais vraiment, que si cette phrase avait un sens c'était bien maintenant, dans cette ville qui n'était ni la mienne, ni la sienne, une ville rongée par la nostalgie. Je me suis souvenu de ce que Jeanne m'avait dit l'après-midi même, je ne sais plus pourquoi, les tsars buvaient du vin portugais, les tsars buvaient du vin des Açores, ils importaient à grands frais  du Vinho do Pico, dont elle avait vu une bouteille dans la vitrine, et pour elle, c'était comme voir un morceau du palais d'Hiver à Lisbonne, elle était soudain émerveillée. Maintenant elle dort, elle rêve sans doute de petits ours bruns ou d'une troïka dans la neige, j'ai pensé.
Je l'ai regardée dormir et frissonner dans l'air atlantique, je me suis dit qu'elle avait de la chance , que ma vie à moi était bien vide, et le lendemain on est repartis vers le nord.
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(...) et de retrouver une liberté qu'en réalité je n'avais jamais connue, à part dans les livres, dans les livres qui sont bien plus dangeureux pour un adolescent que les armes, puisqu'ils avaient creusé en moi des désirs impossibles à combler, Kerouac, Cendrars ou Conrad me donnaient envie d'un infini départ, d'amitiés à la vie à la mort au fil de la route et de substances interdites pour y amener, pour partager ces instants extraordinaires sur le chemin, pour brûler dans le monde, nous n'avions plus de révolution, il nous restait l'illusion du voyage, de l'écriture et de la drogue.
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Si je me souviens de Pétersbourg, c'est surtout pour une soirée, je suis sûr que Jeanne se la rappelle aussi, on a dîné dans une cantine et bu pas mal, puis on est rentré bras dessus bras dessous tous les trois dans le froid ; on a acheté deux bouteilles de vodka (je me souviens, Vladimir avait rempli de neige un sac en plastique pour les y refroidir le temps du trajet, on aurait dit qu'il plaçait délicatement deux poussins dans un nid de glace pour les transporter sans les réveiller) et on s'est mis à picoler en parlant de l'histoire de la Russie ...
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Kerouac, Cendrars ou Conrad me donnaient envie d’un infini départ, d’amitiés à la vie à la mort au fil de la route et de substances interdites pour nous y amener, pour partager ces instants extraordinaires sur le chemin, pour brûler dans le monde, nous n’avions plus de révolution, il nous restait l’illusion du voyage, de l’écriture et de la drogue
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Videos de Mathias Enard (107) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Mathias Enard
Grand entretien de clôture avec Mathias Enard - Modération par Zoé Sfez - dimanche 2 octobre 2022, 17h30-18h30 - Château du Val Fleury, Gif-sur-Yvette (Paris-Saclay) Festival Vo-Vf, traduire le monde (les traducteurs à l'honneur)
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