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Natalia Zaremba-Huzsvai (Traducteur)Charles Zaremba (Traducteur)
EAN : 9782742756834
126 pages
Actes Sud (10/10/2005)
3.68/5   62 notes
Résumé :


Nous sommes à Budapest, en 1999. L'écrivain B., qui s'était suicidé peu après les bouleversements de 1989, ne cesse de hanter l'esprit de ses amis. Surtout celui de Keseru, éditeur qui cherche désespérément à publier les œuvres posthumes de l'auteur admiré sans jamais y parvenir, tant l'économie de marché a pris le dessus.

En dernier recours, Keseru essaie de mettre la main sur le roman que, selon sa conviction, B. a dû écrire sur s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
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Leçons de Ténèbres scripturales

Imre Kertész est un écrivain du "clair-obscur" ; un "être sans destin" qui fit du témoignage la clef de voûte de son existence ; un juif hongrois déporté en 1944 à Auschwitz, à l'âge de 15 ans, et rescapé de cette horreur sans nom en 1945, lorsqu'il fut libéré du camp de Buchenwald.

Dans "Liquidation", le personnage principal (l'écrivain B.) se suicide et il semble que par ce biais, ce soit Kertész lui-même qui se "tue" par procuration sur le papier, comme pour s'extraire d'une existence impossible à porter. Dans une Hongrie désabusée par tous les conflits passés, ce livre retrace une longue (en)quête métaphysique que vont mener les amis de l'écrivain disparu : sorte de fantôme dont la mémoire plane ainsi qu'un nuage noir dans un ciel trop bleu et dont la "liquidation" hante chacun de ses proches jusqu'au vertige. Ils trouveront chez ce dernier divers documents, dont un manuscrit inachevé. Mais la clef de l'énigme, à savoir la raison de ce suicide, leur demeurera introuvable, à la manière de la "lettre volée" d'Edgar Allan Poe. Parfois, ce qui nous aveugle le plus est là, sous nos yeux. Et quand cela est de l'ordre de l'incompréhensible et de l'insoutenable, nos paupières sont cousues. Avec ce livre, l'auteur de "Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pas" nous dit des choses essentielles sur la condition humaine, sur ce si difficile labeur qu'est bien souvent "le métier de vivre".

S'aventurer dans l'oeuvre d'Imre Kertész, c'est sentir ce qu'on prenait pour de la terre ferme se dérober sous ses pas ; c'est glisser dans un puits noir où flottent çà et là quelques rares lumières. C'est se frotter à des "leçons de Ténèbres" scripturales dont on ne ressort pas indemne — et qui vous marquent l'âme au fer rouge.

Et finalement, n'est-ce pas là que réside la grandeur d'une oeuvre, en ce sens qu'elle creuse et remue la terre noire de notre âme pour mieux éclaircir nos propres failles ?

© Thibault Marconnet
le 13 juillet 2013
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Rédiger la chronique pour ce livre est le truc le plus difficile depuis que je suis inscrite sur Babelio ! Je commencerai par son auteur. Imre Kertesz. Quelle langue et quelle écriture ! et quelles constructions que sont ses ouvrages !
Par chance j'ai commencé par lire Etre sans destin, puis sur les conseils très avisés d'un babéliaute, j'ai lu Dossier K.
Enthousiaste, j'ai donc pris tous les romans de Imre et les ai classés par ordre d'écriture qui sera donc mon ordre de lecture. J'en suis, je n'en suis qu'... à Liquidation.
L'entrée en lecture de ce relatif petit livre m'a été difficile, j'ai dû m'y reprendre en 3 ou 4 fois... Puis, j'ai tenu bon (pourquoi, aucune raison apparente, juste le besoin d'aller vers une lecture que je savais difficile).
Je n'en suis pas ressortie, ce qui veut dire que j'ai lu cet ouvrage sans discontinuer donc en une journée (une demi puis le lendemain une demi). Je pense que c'est cette concentration qui rend la lecture compréhensible et donc possible.
Imre est loin du roman, encore plus loin du récit, il déconstruit (on a du roman, du théâtre etc...), on est plus proche d'une réflexion philosophique, sur la relation à l'autre, sur la mémoire, sur la transmission, et sur la survie (ou pas) après Auschwitz. La survie après la non-vie, après la négation de la vie et de l'humain est présente à chaque page, mais Imre y ajoute le sens de l'écriture, le sens d'écrire tout simplement.
Le livre est admirablement construit, l'écriture et la langue sont d'une qualité remarquables, le lecteur n'est pas pris pour un passant d'une galerie commerciale. Imre fait des références littéraires qui personnellement m'ont émue : Thomas Bernhard; Je n'ai pas fini de lire son oeuvre, 5 titres m'attendent encore sur ma grande table, et j'ai hâte.
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L'oeuvre d'Imre Kertész est particulièrement enthousiasmante, d'une part parce que l'auteur possède un formidable talent littéraire, d'autre part parce que sa vie fut constamment troublée par les événements qui marquèrent la seconde moitié du vingtième siècle. Dans "Liquidation" Imre Kertész inscrit son récit dans la période post-communiste des années 1990. Une décennie mélangeant l'espoir, l'attente et surtout la désillusion. Omniprésente, elle devient une sorte d'obsession chez les différents personnages : l'écrivain B ou Bé, qui s'est suicidé après la chute du rideau de fer, plongeant ses proches dans la perplexité et l'incompréhension, l'éditeur Keserü qui, dix ans plus tard, cherche à retrouver le dernier manuscrit du roman de Bé, ou encore Judit, femme de Bé puis maîtresse de Keserü, portant le fardeau de la judéité depuis Auschwitz.
On retrouve dans ce court roman les grands thèmes de l'oeuvre de Kertész : ses rapports problématiques avec l'identité juive depuis son expérience terrible des camps de la mort, la confrontation entre la volonté d'une affirmation individuelle et le carcan politique et social des régimes totalitaires, et, enfin, l'enjeu de la fiction littéraire face au réel. Ce dernier point est, à mon avis, la question centrale de ce roman. Imre Kertész réussit magistralement à instaurer le doute chez son lecteur quand la fiction devient réalité, puis que cette réalité s'avère fiction. Si bien que l'on ne sait plus si c'est une réalité fictive ou une fiction réalisée. On touche ici à l'essence même de la littérature. Merci monsieur Kertész !
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« Liquidation ». Imre Kertész (127 pages, Actes Sud).
« Liquidation » est un livre assez complexe dans sa construction, et dont le fond comme réflexion philosophique m'a semblé très ardu. En 1999, un éditeur de Budapest cherche désespérément le roman qu'un de ses amis, écrivain aussi génial que marginal, a, selon lui, dû inévitablement écrire avant son suicide dix ans plus tôt, juste après la chute rideau de fer. Car pour l'éditeur, cet ultime roman a signé le sens de son acte radical ; l'écrivain, né à Auschwitz, ayant miraculeusement échappé alors à la mort n'a pu faire autrement que d'écrire cette sorte de testament de la désespérance, fruit du génocide et de la dictature stalinienne. Impossible pour moi de tenter de résumer le livre, d'autant que son architecture se déploie entre 1999, date où l'éditeur nous parle d'une pièce de théâtre écrite par l'auteur avant sa mort, dix ans plus tôt, et 1990, date où l'auteur s'est suicidé… Donc le texte balance entre des extraits de la pièce, l'enquête de l'éditeur auprès des femmes qu'a aimé l'auteur (dont on ne connait que l'initiale, B ou le diminutif, Bé). Dit comme cela, c'est très confus, et Imre Kertész fait tout pour brouiller les pistes entre souvenirs, réalités, supputations. Il y a des ruptures dans le texte qui passe sans prévenir d'une époque à une autre, d'un statut du texte à un autre, d'un locuteur à un autre…Et j'ai dû m'y reprendre à deux fois pour passer le cap des vingt premières pages, pour finalement adhérer à cette histoire sombre, bouleversante, avec une vraie intrigue, mais qui ne propose guère d'issue. En tous cas, c'était assez fort pour me donner envie de découvrir un autre texte de cet auteur.
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Je ne pense pas avoir tout compris dans ce roman. On y aborde des thèmes sensibles très liés à L Histoire, à la politique : Auschwitz, la guerre froide, le communisme et le mur de Berlin... Mais aussi de l'histoire personnel : l'amour, les femmes, le bonheur, l'écriture, la quête de soi...
L'écriture est intelligente. Je me suis un peu égarée parfois entre le présent et le rêvé, mais pas sûre que ce soit si important.
Les personnages sont beaux, énigmatiques. Les femmes surtout, à qui on laisse la parole.
Je sais que je n'ai pas dit grand chose sur ce livre, mais c'est vraiment de l'ordre de la sensation, de l'impression. Lisez-le, je ne pense pas que vous perdrez votre temps.
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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
C'’était une lettre d'adieu, la lettre d'adieu de Bé à Sara [...] : c'était ce que lui dictait sa conscience.
C'est fini, Sara. C'est fini. Je sais le mal que je te fais. Mais c'est fini, fini. Je suis peut-être sous l'effet de la morphine en écrivant ces lignes. Mais je suis conscient. Je n'ai jamais été aussi lucide. Je jette de la lumière, je suis mon propre flambeau.
Ne crois pas que je n'ai pas de regrets. Finis, nos longs après-midi qui se perdaient dans le crépuscule. Finies, nos caresses de l'autre monde" (c'est ainsi que nous les appelions tu te souviens?). Au lit comme une sœur avec son grand frère - non, plutôt comme deux sœurs douces et câlines. Fini, notre monde cette prison douillette - désormais je le vois bien- que nous haïssions tant. Pourtant cette haine nous maintenait en vie, je le sais désormais. L'obstination, l'obstination à survivre.
"Et l'amour?" demandes-tu. J'entends presque ta voix. "L'amour ne compte pas?"
Je ne sais pas, Sara. Tu as tout essayé. Je regrette.
Je dois disparaître avec tout ce que je porte en moi comme une peste, pour ainsi dire. Je porte en moi d'incroyables forces destructrices, on pourrait détruire le monde entier avec mon ressentiment, pour rester poli et ne pas dire vomissure.
Il y a longtemps que je ne désire plus rien que disparaitre. Mais ça ne marche pas tout seul. Il faut que j'y contribue activement...
J'ai donné naissance à une créature, à une vie fragile et délicate uniquement pour pouvoir la détruire. Tais ce que sçais. Je suis comme Dieu, cette canaille...
Je souhaite disparaitre. Je ne sais pas pourquoi il m'a fallu égrener cette longue vie, alors que j'aurais pu être tué à temps, avant de connaitre la vanité de l'ambition et de la lutte. Rien n'a eu de sens ; je n'ai rien su créer ; la seule chose que j'ai réussi dans la vie, c'est comprendre à quel point je suis étranger à ma propre vie. J'étais mort de mon vivant. Tu as serré dans tes bras un mort, et tu as essayé en vain de le ramener à la vie. Parfois je nous voyais de loin, je voyais tes tentatives inutiles et je parvenais à peine à étouffer le rire qui gonflait dans ma poitrine.Jje suis un homme mauvais, Sara.
Tu as été pour moi un grand soutien dans cet ignoble camp de concentration qu'on appelle la vie, Sara.
Ne me plains pas, j'ai eu une vie parfaite. En son genre. IL suffisait de le découvrir, et cette découverte a été ma vie. Mais maintenant c'est fini. Le prétexte de ma vie a disparu, l'état de survivant a disparu. Dorénavant il me faudrait vivre comme un adulte, comme un homme. Je n'en ai pas envie. Je n'ai pas envie de sortir de la prison, de l'espace infini où se dissout et s'éparpille mon inutile...
Allons étais-je sur le point de dire : tragédie?!
Ridicule.
J'ai aimé la verdure inépuisable des plantes, j'ai aimé l'eau, j'ai aimé nager; et avant de la rencontrer elle, je croyais aimer les femmes.
J'ai vécu tout ce qui m'a été donné de vivre.
J'ai failli être tué, j'ai failli tuer ou plutôt...je me prépare justement à tuer.
Tu m'as vu me pencher sur une montagne de papiers. Tais ce que sais. L'homme de lettres va te questionner. J'ai essayé de formuler le...
Peu importe ça n'a pas marché il n'y a rien, rien. Je ne lui ai rien laissé. Il n'y a rien à dire.
Je ne veux pas dresser ma tente au milieu du bazar littéraire, je ne veux pas étaler ma camelote, vile marchandise à ne pas mettre entre les mains des gens. Mais je ne voudrais pas non plus qu'ils la saisissent, la soupèsent, et le reposent. J'ai accompli ma tâche et elle n'appartient à personne.
Je commence à me sentir tout drôle. C'est si bien d'avoir déjà sauté le pas... si bien de tout reposer. Je n'ai plus rien à voir avec cet amas de choses pénibles et immondes qui sont moi...
Merci pour tout... Merci pour le songe...
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Je crois en l’écriture. En rien d’autre, seulement en l’écriture. L’homme vit comme un ver mais écrit comme un dieu. Autrefois, on connaissait ce mystère oublié de nos jours : le monde se compose de tessons qui s’éparpillent, c’est un obscur chaos incohérent que seule l’écriture peut maintenir. Si tu as une idée du monde, si tu n’as pas oublié tout ce qui s’est passé, alors sache que c’est l’écriture qui a créé pour toi le simple fait que tu as un monde et qu’elle continue à le faire, elle est la toile d’araignée invisible qui relie nos vies, le logos.
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Mais je n'aurais pas cru que ce livre m'entraînerait dans ma funeste carrière.Quand je l'eus terminé, il s'endormit en moi comme tous les autres, enfoui sous les couches douces et épaisses de mes lectures successives.
Des quantités de livres dorment ainsi en moi, des bons et des mauvais, de tout genre. Des phrases, des mots, des alinéas et des vers qui, pareils à des locataires remuants, reviennent brusquement à la vie, errent solitaires ou entament dans ma tête de bruyants bavardages que je suis incapable de faire taire.
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Nous vivons à l'heure de la catastrophe, chaque homme est porteur de la catastrophe, c'est pourquoi il faut un art de vivre particulier, si on veut survivre, dit-il. L'homme de la catastrophe n'a pas de destin, pas de qualités, pas de caractère. Son environnement social effroyable - l'Etat, la dictature, appelle cela comme tu veux - l'attire avec la force d'un tourbillon vertigineux jusqu'à ce qu'il cesse de résister et que le chaos jaillisse en lui comme un geyser brûlant - et que le chaos devienne son élément naturel.
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Je crains d’être incapable de venir à bout de la suite – hypothétique, présente ou passée. Il me manque quelque chose, le témoignage d’un regard éternellement immobile, pour ainsi dire. En effet, j’ai remarqué que chez les véritables écrivains […] ce regard enregistre de manière impartiale et incorruptible tous les événements, même les plus éprouvants du point de vue physique ou moral, tandis que leur autre personnalité, la quotidienne pour ainsi dire, fusionne totalement avec ces événements exactement comme n’importe qui d’autre. J’ose affirmer que le talent d’un écrivain n’est autre – du moins en partie – que ce regard immobile, cette distance qu’on peut ensuite faire parler. C’est un demi-pas, une distance d’un demi-pas.
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« Être sans destin », de Imre Kertész, c'est à lire en poche chez Babel.
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