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EAN : 9782081494800
288 pages
Flammarion (28/08/2019)
  Existe en édition audio
3.68/5   2092 notes
Résumé :
Lorenzino, Lorenzetta, Renzo, Renzino: Musset module à l'infini les surnoms et les masques pour désigner Lorenzo de Médicis, androgyne à l'aspect maladif qui nourrit en secret un projet terrible. Lorenzaccio, cousin et favori du duc Alexandre, est un modèle de débauche qui a pourtant ses entrées chez ceux qui la déplorent. Il sait que son acte, désespéré mais nécessaire sur le plan privé, sera récupéré par le flux, transformé en geste public dérisoire sur le plan un... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (116) Voir plus Ajouter une critique
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sur 2092 notes
J'ai déjà entendu parler de Lorenzaccio comme du " Shakespeare français ", un héros tragico-romantique à la Othello mâtiné d'Hamlet. Ouais… bah… euh… sans vouloir nécessairement être blessante ni cassante ni quoi que ce soit en ante vis-à-vis de Musset, je trouve qu'il s'en faut de beaucoup pour considérer cette pièce à l'égal des productions du maître anglais.

D'abord j'ai commencé par m'ennuyer pendant un acte et demi et n'ai senti les minces frémissements de quelque chose que vers la fin de l'acte II. Mais je ne peux pas dire que le drame s'est envolé pour autant, mes pieds sont restés bien sagement en contact du sol et mes paupières, quant à elles, ont eu bien du mal à ne pas se fracasser l'une contre l'autre avant la descente du rideau.

Alors c'est vrai, Alfred de Musset nous offre la possibilité de revenir sur un épisode historique authentique de la Renaissance florentine, à savoir l'assassinat d'Alexandre de Médicis en 1537 par son cousin Lorenzo de Médicis, surnommé d'une bonne dizaine de façons durant la pièce, sobriquets parmi lesquels on compte Lorenzaccio, déformation du prénom qui dénote, en italien, une nuance de mépris et de mauvais genre.

L'attention de Musset fut attirée par sa muse, George Sand, sur cet épisode historique avant qu'il ne lui découvre d'étonnantes similitudes avec ce qui venait de se passer en France peu de temps avant, c'est-à-dire la révolution de 1830, fortement instiguée par des républicains mais qui n'aboutit finalement qu'au remplacement d'un Bourbon par un autre Bourbon, exactement comme un Médicis fut remplacé par un autre Médicis, résultat très décevant pour les fervents partisans de la République. Donc, okay pour tout ça, mais hormis cela, les similitudes entre les deux événements sont plus que discutables et il faut un vrai effort de dramaturgie à l'auteur pour les rendre tant soit peu palpables… et encore.

Quant à l'intérêt purement scénique, dramatique, lyrique ou quoi que ce soit en ique, il y a selon moi un hic. Le texte me laisse indifférente, aucun personnage vis-à-vis duquel je puisse développer une quelconque empathie (je ne parle même pas de sympathie et quoique Musset ait mis aussi beaucoup de lui-même dans son personnage de Lorenzo), des dialogues assez artificiels, notamment lorsqu'il s'agit de personnages des classes populaires, une démultiplication de personnages qui n'apporte, d'après moi, rien de bien précis ni de très bon.

Bref, il en ressort une pièce que je trouve loin d'être al dente et qui ne m'a pas procuré de plaisir particulier mais plutôt de l'ennui. J'aime franchement mieux certaines autres de ses pièces qui m'avaient amusset. Ceci dit, si je compte dans ma critique le nombre de paragraphes où j'ai médit : six. Que penser d'un tel avis sur le Médicis ? sans doute pas grand-chose.
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Il y avait longtemps que je n'avais pas réouvert Lorenzaccio. À quoi bon, pensais-je, puisque j'en ai évidemment retenu l'essentiel? "Tu me demandes pourquoi je tue Alexandre? [...] Songes-tu que ce meurtre, c'est tout ce qui reste de ma vertu?"Mais bon, en remettant le nez dans le bouquin, je n'ai pu m'empêcher de le relire, et, bien sûr, il est encore meilleur que les morceaux choisis qui hantent nos mémoires.
J'aime les mises en abyme. Déjà que les anneaux aux oreilles des vaches qui rient me font toucher du doigt les délices de l'infini, alors, forcément une pièce qui met en scène un homme qui joue, et fait vaciller mes représentations, quoi de plus jouissif?
Les films de Christopher Nolan, eux, me fatiguent: deux heures d'efforts pour comprendre un scénario alambiqué, dont la seule révélation est que le héros ne porte pas sa bague (ça valait la peine). La pièce De Musset, malgré ses intrigues multiples et sa foultitude de personnages est, elle, on ne peut plus simple. Elle n'en invite pas moins au vertige. Lorenzo va tuer Alexandre. parce qu'Alexandre est un tyran. de même qu'un agent double doit parfois tuer un innocent pour ne pas griller sa couverture, Lorenzo devient l'âme damnée de son cousin et l'innocent qu'il assassine, c'est lui-même, le jeune homme autrefois vertueux qui s'ébat désormais avec volupté dans le vice.
Oui, enfin ça, c'est ce que Lorenzo clame à qui veut l'entendre, et donc surtout à lui-même. Tu parles, Alfred! Lorenzo de Médicis pouvait attendre tranquillement qu'on l'appelle au trône mais atteint du même mal qu'Emma Bovary (la vraie vie, médiocre, forcément médiocre doit être refusée; l'idéal étant inaccessible, reste le sacrifice de soi, l'héroïsme facile du suicide), Lorenzo renonce à briguer le pouvoir et pour ne pas avoir à se découvrir dirigeant sans envergure se fait tueur de tyran. Ou plus exactement aspirant-tueur. Parce que ça aurait pu durer longtemps. Lorenzaccio s'entraîne au combat la nuit et fait des mots d'esprit le jour en cherchant quelles femmes présenter à un cousin dont il partage à l'évidence la couche. Pour qu'il se décide à passer à l'action, il faudra que les Strozzi menacent de faire la révolution et que la propre tante de Lorenzo soit poursuivie par le Duc. Alors là, du coup, il lui faut demander à Strozzi de rester tranquille (c'est qu'il serait capable de réussir, l'animal, et adieu la gloire pour Lorenzo) et passer à l'acte. Il tue Alexandre sans honneur (c'était bien la peine de s'entraîner au duel) après l'avoir dépouillé de sa cotte de maille, ce qu'il aurait pu faire bien avant (il avait juste besoin de trouver un peintre pour y parvenir et je ne suis pas persuadée que trouver un peintre dans la Florence du XVI° siècle fût de la dernière difficulté). Il le tue sans la moindre visée politique, en sachant pertinemment qu'un assassinat dont la suite est aussi peu préparée sera vain. "C'est bien plus beau lorsque c'est inutile.", qu'y disait, l'autre. Si on veut. Lorenzaccio agit précisément pour que rien ne change, pour discréditer l'action, pour justifier son propre refus de la politique; il met sa vertu dans son vice pour ne pas être obligé de la mettre à l'épreuve de la réalité: mieux vaut la perversion que la médiocrité.
Quand s'achève la pièce, Alexandre est mort après avoir dessiné autour du doigt de Lorenzo qu'il a mordu une bague sanglante: il a scellé le sort de son meurtrier qui finira précipité dans la lagune avec toutes les illusions des républicains. Pour faire bonne mesure, Musset y noie aussi la littérature. Un marchand tente de prouver qu'Alexandre est mort à 26 ans, le 6 du mois, à 6 heures, de 6 blessures, en 1536, après 6 ans de règne. Rien de plus faux, bien sûr que ces 6 six qui auraient contribué à la mort d'un Médicis. À quoi riment ces fadaises longuement expliquées par un personnage secondaire, sinon qu'à la faillite de la politique Musset ajoute l'inanité de la littérature, qui va chercher l'histoire pour lui donner un sens? Sens ridicule, jeu intellectuel, vue de l'esprit, illusion qui réjouit les âmes simples promptes à faire leur miel d'une histoire bien construite sans s'indigner de sa vacuité.
Lorenzo aimait trop les livres, comme Emma. Et Musset nous offre le poison délicieux de sa pièce, faisant de nous tous des lecteurs impropres à l'action qui croient que l'analyse les fera sortir de leur tour d'ivoire alors qu'elle ne les sauvera pas davantage de l'illusion que le meurtre d'Alexandre n'a garanti la république florentine.
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Lorenzaccio où le défi que lance un français au grand dramaturge Shakespeare.

Parmi les grands drames romantiques du XIXe siècle ; Hernani, Chatterton, personnellement je me penche du côté de Lorenzaccio.

Alfred de Musset a repris avec quelques variantes un événement réel pour le transformer en un mythe. C'est une pièce où Musset a exprimé toute sa déception et sa rage envers la société. Vivre sous-estimé et détesté de tout le monde et en même temps essayer de leur rendre une grande faveur pour les sauver tous. Mais cela s'accomplit sans motif apparent du côté de Lorenzo. Il ne le fait pas pour se mettre en valeur devant eux.

Lorenzaccio me fait penser à trois personnages célèbres (car dans la pièce, il fait un jeu double, et par conséquent, le lecteur les voit tous les deux alors que les personnages n'en voient qu'un seul côté et lui Lorenzo, il garde un côté assez différent dans certaines situations clandestines) :

- le premier personnage est celui qu'on retrouve dans le film "L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford". Lorenzo est comme Robert Ford, il essaie de tuer un "grand" de sa "société". Mais même s'il le fait, il reste un couard. C'est l'opinion des personnages et c'est le côté que leur montre Lorenzo, un débauché pusillanime.

- le deuxième est celui de Jean-Baptiste Grenouille, une âme grandiose et maltraité par la société mais qui accomplit une tâche que nul autre n'a pu entamer. Ils meurent de la même manière à peu près. (c'est là la vrai personnalité de Lorenzo; courageux et studieux).

- La troisième, on la constate en tant que lecteur voyant les deux situations. Il nous fait penser à ces super-héros à double facettes (d'ailleurs Lorenzaccio a une cape!) qui se montre lâche ou corrompu à dessein, mais qui sauve la société.

Lorenzaccio est aussi une pièce où l'art n'est pas oublié (avec le personnage du peintre) ni le comique dans le dernier acte (je crois) avec une scène de deux enfants se chamaillant.

C'est une intrigue comme je les aime.

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Lorenzo. Renzo pour les intimes. Lorenzino ou encore Renzino, diminutif affectueux. A moins que ce ne soit Renzinaccio. Mais surtout Lorenzaccio à la consonance péjorative.

Ahh Lorenzo ! " Laisse-moi t'appeler Brutus ! Si je suis un rêveur, laisse-moi ce rêve-là. [...] Mon Brutus ! Mon grand Lorenzo ! La liberté est dans le ciel ! Je la sens, je la respire."

Rien qu'à l'évocation de tous ces surnoms, on comprend bien que ce personnage là est très ambivalent.
A la fois, pernicieux et fieffé roué...lâche mais calculateur... mais aussi doux patriote et sublime sauveur de la République de Florence en danger.

Il est un véritable héros auquel on s'attache inévitablement. On sourit à ses farces, on rit à ses piques, on s'extasie de ses monologues romantiques.

Mais, voilà, la pièce est longue , très longue. La mettre en scène s'avère une véritable gageure. La page de présentation nous dit : " Lorenzaccio est un objet rare dans l'histoire du théâtre : une de ces pièces inconnues de leur époque, car proprement injouable au temps de leur écriture, mais que la postérité transforme en chefs-d'oeuvre".

C'est une belle pièce, certes, mais sa multitude de personnages et ses nombreuses longueurs peuvent effectivement la rendre imbuvable.

Pour ma part, il m'a fallu m'y reprendre à deux fois, pour en apprécier le nectar.
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Mais comment ce livre a-t-il pu atterrir entre mes mains ?
C'est grâce à Marc , le héros de j'irai tuer pour vous de Henri Loevenbruck.
Marc s'est construit avec ce livre et comme Marc m'a semblé quelqu'un de bien , je me suis lancé.
A Florence au début du XVI ème siècle, la ville sombre dans la décadence et le despotisme .Symbole de ces errements, Lorenzo , ami du Duc Alexandre pour qui il "rabat " des femmes. Mais Lorenzo est bien plus complexe que les apparences ne le laissent paraitre .

Ma connaissance du théâtre ne me permet pas de faire de comparaisons alors je vais juste me fier à mon ressenti de lecteur . Cependant, mais sans assurance, il y aurait un petit côté shakespearien la dessous que je ne serais pas surpris.
La pièce m'a semblé un brin complexe avec beaucoup de personnages et j'avoue m'être parfois senti un peu déboussolé.
Pour autant, on prend plaisir à découvrir les travers de la société florentine. Mais ce sont surtout ces tirades enflammées qui m'interpellent. ça ne rigolait pas à l'époque .Il y a des choses avec lesquelles il ne faut pas plaisanter . Là où l'encre coule aujourd'hui, on peut penser que les épées auraient fait des gerbes sanguinolentes jadis.
Ah l'honneur , la patrie.... Société où les femmes ne sont que chairs et où les vestes se retournent avec fulgurance.
Lecture cependant agréable, permettant de poser un pied dans un domaine littéraire qui m'est étranger.
Merci Marc .
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Citations et extraits (142) Voir plus Ajouter une citation
LE DUC - Qu'elle se fasse attendre encore un quart d'heure, et je m'en vais. Il fait un froid de tous les diables.
LORENZO - Patience, Altesse, patience.
LE DUC - Elle devait sortir de chez sa mère à minuit; il est minuit, et elle ne vient pourtant pas.
LORENZO - Si elle ne vient pas, dites que je suis un sot, et que la vieille mère est une honnête femme.
LE DUC - Entrailles du pape! avec tout cela je suis volé d'un millier de ducats.
LORENZO - Nous n'avons avancé que moitié. Je réponds de la petite. Deux grands yeux languissants, cela ne trompe pas. Quoi de plus curieux pour le connaisseur que la débauche à la mamelle? Voir dans une enfant de quinze ans la rouée à venir; étudier, ensemencer, infiltrer paternellement le filon mystérieux du vice dans un conseil d'ami, dans une caresse au menton - tout dire et ne rien dire, selon le caractère des parents - habituer doucement l'imagination qui se développe à donner des corps à ses fantômes, à toucher ce qui l'effraie, à mépriser ce qui la protège! Cela va plus vite qu'on ne pense; le vrai mérite est de frapper juste. Et quel trésor que celle-ci! tout ce qui peut faire passer une nuit délicieuse à Votre Altesse! Tant de pudeur! Une jeune chatte qui veut bien des confitures, mais qui ne veut pas se salir la patte. Proprette comme une Flamande! La médiocrité bourgeoise en personne. D'ailleurs, fille de bonnes gens, à qui leur peu de fortune n'a pas permis une éducation solide; point de fond dans les principes, rien qu'un léger vernis; mais quel flot violent d'un fleuve magnifique sous cette couche de glace fragile qui craque à chaque pas! Jamais arbuste en fleur n'a promis de fruits plus rares, jamais je n'ai humé dans une atmosphère enfantine plus exquise odeur de courtisanerie.
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Le premier banni - C'est toi, Maffio! Par quel hasard es-tu ici?
Maffio - Je suis des vôtres. Vous saurez que le duc a enlevé ma soeur; j'ai tiré l'épée; une espèce de tigre avec des membres de fer s'est jeté à mon cou et m'a désarmé; après quoi j'ai reçu l'ordre de sortir de la ville et une bourse pleine de ducats.
Le second banni - Et ta soeur, où est-elle?
Maffio - On me l'a montrée ce soir sortant du spectacle dans une robe comme n'en a pas l'impératrice; que Dieu lui pardonne! Une vieille l'accompagnait, qui a laissé trois de ses dents à la sortie. Jamais je n'ai donné de ma vie un coup de poing qui m'ait fait ce plaisir-là.
Le troisième banni - Qu'ils crèvent tous dans leur fange crapuleuse, et nous mourrons contents.
Le quatrième - Philippe Strozzi nous écrira à Venise; quelque jour nous serons tout étonnés de trouver une armée à nos ordres.
Le troisième - Que Philippe vive longtemps! Tant qu'il y aura un cheveu sur sa tête, la liberté de l'Italie n'est pas morte. (Une partie du groupe se détache; tous les bannis s'embrassent.)
Une voix - A des temps meilleurs!
Une autre - A des temps meilleurs! (Deux bannis montent sur la plate-forme d'où l'on découvre la ville.)
Le premier - Adieu, Florence, peste de l'Italie! Adieu, mère stérile, qui n'a plus de lait pour tes enfants!
Le second - Adieu, Florence la bâtarde, spectre hideux de l'antique Florence. Adieu, fange sans nom!
Tous les bannis - Adieu, Florence! Maudites soient les mamelles de tes femmes! Maudits soient tes sanglots! Maudites les prières de tes églises, le pain de tes blés, l'air de tes rues! Malédiction sur la dernière goutte de ton sang corrompu!
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LORENZO : Tel que tu me vois, Philippe, j'ai été honnête. J'ai cru à la vertu, à la grandeur humaine, comme un martyr croit à son Dieu. […] Quand j'ai commencé à jouer mon rôle de Brutus moderne, je marchais dans mes habits neufs de la grande confrérie du vice comme un enfant de dix ans dans l'armure d'un géant de la Fable. Je croyais que la corruption était un stigmate, et que les monstres seuls le portaient au front. J'avais commencé à dire tout haut que mes vingt années de vertu étaient un masque étouffant ; ô Philippe ! j'entrai alors dans la vie, et je vis qu'à mon approche tout le monde en faisait autant que moi ; tous les masques tombaient devant mon regard ; l'humanité souleva sa robe et me montra, comme à un adepte digne d'elle, sa monstrueuse nudité. J'ai vu les hommes tels qu'ils sont.

Acte III, Scène 3.
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PHILIPPE : Dix citoyens bannis dans ce quartier-ci seulement ! Le vieux Galeazzo et le petit Maffio bannis, sa soeur corrompue, devenue une fille publique en une nuit ! Pauvre petite ! Quand l'éducation des basses classes sera-t-elle assez forte pour empêcher les petites filles de rire lorsque leurs parents pleurent ! La corruption est-elle donc une loi de nature ? Ce qu'on appelle la vertu, est-ce donc l'habit du dimanche qu'on met pour aller à la messe ? Le reste de la semaine, on est à la croisée, et, tout en tricotant, on regarde les jeunes gens passer. Pauvre humanité ! quel nom portes-tu donc ? celui de ta race, ou celui de ton baptême ? Et nous autres, vieux rêveurs, quelle tache originelle avons-nous lavée sur la face humaine depuis quatre ou cinq mille ans que nous jaunissons avec nos livres ? Qu'il t'est facile à toi, dans le silence du cabinet, de tracer d'une main légère une ligne mince et pure comme un cheveu sur ce papier blanc ! qu'il t'est facile de bâtir des palais et des villes avec ce petit compas et un peu d'encre ! Mais l'architecte qui a dans son pupitre des milliers de plans admirables ne peut soulever de terre le premier pavé de son édifice, quand il vient se mettre à l'ouvrage avec son dos voûté et ses idées obstinées. Que le bonheur des hommes ne soit qu'un rêve, cela est pourtant dur ; que le mal soit irrévocable, éternel, impossible à changer... non ! Pourquoi le philosophe qui travaille pour tous regarde-t-il autour de lui ? voilà le tort. Le moindre insecte qui passe devant ses yeux lui cache le soleil. Allons-y donc plus hardiment ! la république, il nous faut ce mot-là. Et quand ce ne serait qu'un mot, c'est quelque chose, puisque les peuples se lèvent quand il traverse l'air... Ah ! bonjour, Léon. (Entre le prieur de Capoue)
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LE DUC : Quelle est donc cette belle femme qui arrange ces fleurs sur cette fenêtre ? Voilà longtemps que je la vois sans cesse en passant.
LORENZO : Où donc ?
LE DUC : Là-bas, en face, dans le palais.
LORENZO : Oh ! ce n’est rien.
LE DUC : Rien ? Appelles-tu rien ces bras-là ! Quelle Vénus, entrailles du diable !
LORENZO : C’est une voisine.
LE DUC : Je veux parler à cette voisine-là. Eh, parbleu ! si je ne me trompe, c’est Catherine Ginori.
LORENZO : Non.
LE DUC : Je la reconnais très bien ; c’est ta tante. Peste ! j’avais oublié cette figure-là. Amène-la donc souper.
LORENZO : Cela serait très difficile. C’est une vertu.
LE DUC : Allons donc ! Est-Ce qu’il y en a pour nous autres ?
LORENZO : Je lui demanderai, si vous voulez, mais je vous avertis que c’est une pédante ; elle parle latin.
LE DUC : Bon ! elle ne fait pas l’amour en latin. Viens donc par ici ; nous la verrons mieux de cette galerie.

Acte II, Scène 4.
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*RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE* : « La confession d'un enfant du siècle », _in_ _Oeuvres de Alfred de Musset,_ ornées de dessins de M. Bida, Paris, Charpentier, 1867, p. 432.
#AlfredDeMusset #LaConfessionDUnEnfantDuSiècle #LittératureFrançaise
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