AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Antoine Choplin (588)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Nord-Est

Et voilà l’un de mes nouveaux coups de cœur de 2021.



Ils sont quatre : Garri, le plus expérimenté, Jamarr, Saul, le poète qui ne dit rien, et Emmett, le plus jeune.

Ils quittent le camp – on ne sait pas où se trouve – pour un ailleurs meilleur, au Nord Est.

Mais il va falloir passer au travers des montagnes, et on ne sait pas comment ça va se passer – ce sera assurément périlleux.



Ils vont croiser Ruslan, qui cherche des « pétroglyphes » - ces pierres comportant un dessin symbolique gravé et qu’on peut qualifier d’art rupestre – mais Ruslan est mauvaise posture : emprisonné dans les marais, il a la chance de croiser les 4 hommes, qui vont le tirer d’affaire. En échange, il les guidera vers son village.



Là-bas, ils vont faire la connaissance de la belle Tayna, qui va leur emboiter le pas et les suivre dans la traversée de la montagne. Là-haut, les éléments (la pluie, l’orage, la foudre) leur dicteront leur loi – mais on n’en dira pas plus pour laisser le plaisir aux futurs lecteurs de suivre leurs aventures.

Qu’est-ce qui poussent ces hommes à marcher, sans presque s’arrêter, dans une nature qu’on découvre sous la plume de l’auteur, sans savoir dans quel pays cette aventure se situe ?



L’écriture d’Antoine Choplin, qu’on connaissait déjà avec l’excellent « Héron de Guernica », ou « Radeau » ou encore « Léger fracas du monde » (un titre superbe), se confirme : on suit l’ambiance au travers de ces petits dialogues ponctués de la description des gestes des quatre hommes et on visualise très vite la scène.



On pense à l’écriture de Hubert Mingarelli, trop tôt disparu, dont j’avais chroniqué en son temps « Un repas en hiver », ou encore « L’homme qui avait soif », avec cette écriture découpée comme en plan serré cinématographique.



Mais c’est aussi le regard que porte Antoine Choplin qui est si attachant : les personnages sont crus, avec leurs caractéristiques : on pourra dépeindre Emmett comme un jeune un peu fou, Jamarr comme renfrogné, et on imagine Garri en chef de bande, un peu plus âgé et plus posé, quant à Saul, même s’il ne parle pas, ses mots de poète parlent pour lui.



A la fin du récit, le groupe va toucher au but. Ce passage évoque irrésistiblement ces pays dévastés par la guerre, dont on voit des images dans les journaux télévisés, et dont on imagine la détresse de ceux qui les ont habités. Il ne reste presque plus rien, au Nord Est, mis à part une petite tour et un vieux manège à chevaux de bois.



Pourra-t-on les reconstruire ? Y a-t-il un avenir pour le petit groupe d’hommes et de femme qui ont traversé ces montagnes pour un monde meilleur ? Antoine Choplin nous laissera imaginer leur futur.



Dans un dernier regard, on se tourne vers Garri qui, « le haut du dos à l’abandon contre son sac, bras repliés derrière la nuque » observe le ciel pur. Comme avec une caméra qui s’efface, on quitte le petit groupe sur la pointe des pieds, avec une émotion de les avoir accompagné tout au long de la traversée – une émotion qui perdure après avoir refermé la dernière page.



Commenter  J’apprécie          4114
Le héron de Guernica

Je ne sais pas comment trouver les mots pour qu'ils soient justes et fidèles à ce roman. Le cœur du Héron de Guernica est certainement la question du témoignage possible ou non de ce qu'on ressent,de ce qui n'est pas visible mais qui envahit par sa force. Et ceci tout particulièrement face à l'horreur comme l' a été le massacre de Guernica. Antoine Choplin, en mettant côte à côte Basilio,jeune peintre amateur qui va vivre cette scène,et Pablo Picasso le jour où il dévoile au public sa fameuse toile, interroge sur la place de l'Art et sa légitimité à témoigner. Son écriture est d'une sobriété et d'une pudeur qui impose le respect et procure une émotion contenue mais intense. Comme dans un morceau de musique on écoute dans ce texte les silences tout autant que les notes et c'est alors que se manifeste toute sa beauté . Certaines scènes sont d'une puissance cinématographique,Comme cette image de bicyclette qui agonise, seule à bouger encore parmi les décombres de la place après les bombardements. Vraiment un très beau texte.
Commenter  J’apprécie          416
Une forêt d'arbres creux

1941: Bedrich est emprisonné avec sa famille au camp de Terezin ( République Tchèque) où il oeuvre comme dessinateur architecte. Soumis à un travail de commande le jour pour construire le ghetto, résistant la nuit par des dessins personnels en illustrant la vie de cette citadelle militaire concentrationnaire.



Instantanés du quotidien d'un camp de travail, petits moments fugaces où toutes les composantes de l'âme humaine se révèlent dans la beauté ou la laideur. Aucun mot prononcé, seul le langage des corps est décrit. C'est un livre au silence assourdissant, pour dire la peine, la peur, la rébellion, la colère, mais aussi le bonheur des petites choses précieuses comme un rayon de soleil, un crayon qui dessine, des notes de musique, une promenade en famille dans le ghetto, l'imagination qui libère...



Le talent d'Antoine Choplin est sans pareil. Il est capable de créer un livre infiniment attachant dans un contexte de noirceur pesante, où toute violence est suggérée, où la poésie des mots et des descriptions fait merveille en dépit des faits relatés. La métaphore des arbres martyrisés est magnifique pour évoquer des êtres en souffrance. Et, comme dans le Héron de Guernica, il pose la question de savoir rendre la réalité du monde à travers un art pictural.



Que j'aime Monsieur Choplin !
Commenter  J’apprécie          413
La nuit tombée

Après Le Héron de Guernica, Antoine Choplin nous revient avec un court texte saisissant qui se lit d’une traite. Quel plaisir de retrouver sa belle plume délicate !



Gouri, écrivain public habitant à Kiev, retourne dans la région qu’il a désertée deux ans auparavant. A moto, traînant une remorque, il traverse des paysages désertiques, des villages peu habités. Nous apprenons que Gouri veut retourner dans "la zone", celle qu’il a quittée après "les événements", afin de récupérer, dans son ancien appartement, un objet particulier pour sa fille malade. Le lecteur comprend à demi-mot : Tchernobyl, la catastrophe. C’est aussi l’occasion de retrouver les amis, ceux qui sont restés malgré la menace radioactive, et de se souvenir, autour de grandes tournées de Vodka, des fantômes du passé et de l’avenir qui se dessine pour ceux qui ont survécu.



Antoine Choplin, avec une économie de mot, témoigne de la gravité de l’évènement sans jamais le nommer, de l’horreur des vies anéanties et de l’absurdité de la nécessité "d’enterrer la terre", un travail patriotique effectué par des ouvriers condamnés à l’avance. Mais l’auteur n’oublie ni l’amitié indéfectible entre les personnages, ni la beauté de la campagne ukrainienne sous l’éclat de la lune, à la nuit tombée. Chaque mot est pesé, l’émotion affleure à chaque page, l’empathie pour les personnages inexorable. Un roman sombre mais, comme toujours, empli de poésie et d’humanité. Un beau roman alliant pudeur, retenue, force et intensité, du grand Choplin !
Commenter  J’apprécie          400
La nuit tombée

«La lumière est douce, tamisée par les bois de bouleaux et de résineux qui encadrent la route. Un semblant de voile, moins qu’une brume, paraît ainsi jeté sur le paysage, et on peut en distinguer le grain dans l’air. Il est plus de quatre heures, il ne tardera pas à faire froid.»



Gouri devenu écrivain public à Kiev où il vit avec Teresa sa femme et leur fille Ksenia, s’achemine vers la zone interdite autour de la centrale de Tchernobyl au volant de sa moto à laquelle est accrochée une remorque. Il veut retourner à Pripiat, là où il vivait avec sa famille avant la catastrophe.

Il s’arrête en soirée, chez Eva et Iakov à Chevtchenko, village contaminé et déserté proche de la zone interdite. Deux ans se sont écoulés depuis son départ. «On dirait que rien n’a changé ici» Et pourtant ici règne le silence, les maisons sont abandonnées et d’étranges phénomènes ont lieu mais il est vrai que les rares habitants qui continuent à y vivre le font dans un climat d’irréalité. Les souvenirs d’un temps révolus remontent et la vie se poursuit malgré les risques. Ils ne peuvent pas se faire à l’idée que leur monde soit devenu interdit. Ceux qui ont été contraints au départ ont du mal à l’admettre.



Désespoir ou élégance ? Gouri se pose la question et la pose à ceux qui l’écoutent réunis autour de lui chez Iakov, lui qui a composé un poème par jour depuis la catastrophe..... «Quelques mots chaque jour, oui un poème si on veut, comme un petit crachat de ma salive à moi dans le grand feu. Et ce sera comme ça tous les jours que Dieu me donnera.» :



« La bête n’a pas d’odeur


Et ses griffes muettes zèbrent l’inconnu de nos ventres


D’entre ses mâchoires de guivre


Jaillissent des hurlements


Des venins de silence


Qui s’élancent vers les étoiles


Et ouvrent des plaies dans le noir des nuits


Nous voilà pareils à la ramure des arbres


Dignes et ne bruissant qu’à peine


Transpercés pourtant de mille épées


A la secrète incandescence.»



Un texte intense qui touche car même au milieu d’un monde contaminé, ce petit groupe d’hommes et de femmes reste digne et maintient la vie qui continue à palpiter comme cette bougie tremblotante à la fenêtre de la chambre de Iakov qui accueille Gouri au retour de son expédition à Priapat. Un texte plein d’humanité, à la beauté fragile et tragique.

Commenter  J’apprécie          400
Une forêt d'arbres creux

« On n’a jamais rapporté le cas d’une forêt d’arbres creux, n’est-ce pas ? »



À l’arrivée au camp de Terezin, ville-ghetto en république tchèque, le regard de Bedrich s’arrête sur les deux ormes à l’entrée du camp. Puis sur les poteaux et les babelés, posés comme une cicatrice, une portée de silence assourdissant.



Bedrich est dessinateur.



Mais le soir, les hommes et les femmes contraints de dessiner des plans pour le ghetto, crayonnent la vérité, avec les ombres, les silences, et parfois un rayon de soleil, une note de musique, un poème.



Ils sont comme ces deux ormes. Ils ne sont pas creux. Ils portent en eux l’élan d’un espoir, d’une vérité, d’une richesse. Ils sont faits de lignes brisées par les barbelés, les ordres, la cruauté. Ils se courbent sous le poids de la noirceur. Mais leurs coups de crayon s’élancent en secret, dans le désordre du silence, vers les cieux, pour faire entendre la vérité, pour vivre encore, même décharnés. Leur imagination les porte au loin.



Un livre comme un coup de crayon sombre avec quelques touches de lumière. Un tableau qui suggère, une mélodie qui effleure. L’invisible se révèle dans le creux des silences.



Commenter  J’apprécie          390
Le héron de Guernica

Antoine Choplin fait une nouvelle fois vibrer le souffle de l'Histoire avec intensité et humanité - Guernica bombardée !



Dans "La nuit tombée", déjà, il m'avait touchée avec ses mots qui sont d'une force de vie qui vous laisse pantois, après la fureur des hommes.



Ici, il arrive, après les bombardements, la population sous la mitraille, les destructions, la peur, le sang , la mort ; à faire une parenthèse avec l'art.



Le pinceau de Basilio, sa sensibilité, son oeil de peintre, nous fait ressentir" le frémissement invisible de la vie ."



(p.54)

D'abord, la question de cette immobilité.

C'est curieux comme de ces poses qu' aime prendre le héron, de ces postures qu'il sait rendre parfaitement inertes, émane pourtant une sorte de palpitation. Même à vingt ou trente mètres, on le perçoit, le frémissement invisible, le battement profond qui cogne aux parois de ce corps figé.



Le souffle court Basilio, commence à peindre.



Toute la beauté de la nature, le silence qui entoure le héron blessé, il sublime l'oiseau, sa posture étrange alors "qu'il ramène devant lui comme pour se draper, son aile affalée et teintée de rouge".



(p.147)

Il a franchi le seuil de la toile, Basilio. le voilà dans le tableau à son tour. Dans ces conditions, bien sûr, le héron a cessé de se donner en spectacle. Sa facture de chair épaisse et palpitante, soudain évidente aux sens de Basilio, lui a fait quitter le monde des images. Il se tient là, presque à portée de bras tendu ; lui et Basilio partagent ce même endroit du monde".



Bien sûr il y a la guerre

Bien sûr il y a les pluies de bombes

Bien sûr il y a des vies brisées

la destruction, la peur, le sang, la mort .....



Et là aussi, l'auteur, sait en parler de façon magistrale avec tellement d'humanité.



- Il interroge sur les tragédies de la guerre et la nécessité de l'art pour en témoigner -



Bref,

Une très belle lecture qu'HundredDreams m'avait recommandé, et l'en remercie encore.











Commenter  J’apprécie          380
Partie italienne

Partie Italienne a été une jolie découverte, tant pour la plume d’Antoine Choplin que pour l’histoire en elle-même.



Le prologue et l’épilogue raconte une seule et même scène, une performance artistique, et le récit qui s’intercale entre les deux nous raconte la genèse de cette performance au cours d’un voyage de l’artiste à Rome.



Le titre fait référence au jeu d’échecs qui sont au centre de l’intrigue. C’est le vecteur de rencontres pour le héros en vacances en Italie, mais il y a aussi des descriptions de parties (c’est assez obscur pour une non initiée comme moi) et des parallèles sont régulièrement établis entre les échecs et la vie, l'art, l’amour, etc.



Car Partie Italienne, c'est aussi une belle histoire d'amour qui démarre comme une aventure de vacances toute en légèreté...



J'ai beaucoup aimé la plume d’Antoine Choplin, très évocatrice : il nous entraîne sans peine dans les déambulations de son personnage dans les rues de Rome aussi bien que dans les méandres d’une partie d’échecs.

Cela me donne bien envie de jeter un œil sur le reste de sa biographie.

Commenter  J’apprécie          380
La nuit tombée



Gouri traverse la campagne ukrainienne à moto, en route pour une mission personnelle à Pripiat, en zone interdite. Juste avant la Zone, il s’arrête à Chevtchenko chez ses amis Vera et Iakov, le temps d’un repas, d’une discussion autour des événements de 1985. Iakov et leurs amis Stepan, Pavel (et tant d’autres!), ont « accompli leur devoir de citoyens », participant à nettoyer la zone de la centrale de Tchernobyl, et ils en portent les stigmates.

Gouri, le poète, témoigne à sa façon pour ceux qui ont été évacués et ceux qui sont restés, les villages, la campagne et les forêts contaminés :



« La bête n’a pas d’odeur

Et ses griffes muettes zèbrent l’inconnu de nos ventres

D’entre ses mâchoires de guivre

Jaillissent des hurlements

Des venins de silence

Qui s’élancent vers les étoiles

Et ouvrent des plaies dans le noir des nuits

Nous voilà pareils à la ramure des arbres

Dignes et ne bruissant qu’à peine

Transpercés pourtant de mille épées

A la secrète incandescence. »



Récit tout en finesse, de l’auteur du Héron de Guernica, à la fois sobre et bouleversant, ode à la dignité, à l’humanité et à l’amitié.

Commenter  J’apprécie          380
Une forêt d'arbres creux

Nous sommes en 1941 à Terezin, un camp ghetto où étaient enfermés ingénieurs, architectes, scientifiques, tous les juifs susceptibles d’être utiles aux nazis.

Quand Bedrich y arrive avec sa femme et leur bébé, il est affecté à l’atelier de dessin, une pièce calme qui pourrait apparaître comme un havre de paix hors de l’horreur du camp, si les détenus n’étaient obligés de dessiner l’enceinte du four crématoire.

Pour s’évader mentalement de cet enfer, mais aussi pour témoigner, ces hommes se retrouvent le soir pour dessiner leur quotidien avec le secret espoir de remettre leurs croquis à la Croix Rouge pour que le monde entier connaisse l’horreur qui abrite ses murs.



« Ce dont ils parlent, c’est d’un colis qu’ils voudraient remettre clandestinement aux délégués de la Croix-Rouge au moment de leur venue. Trente œuvres soigneusement sélectionnées pour leur force de témoignage de la réalité du ghetto et qui feront savoir ce qu’ils vivent pour de bon à Terezin. »



En 120 pages, avec une économie de détails, qui rend le récit infiniment pudique, Antoine Choplin déploie toute la délicatesse de sa plume pour raconter cette histoire tirée d’un fait historique.

Un roman grandiose par sa simplicité.

Commenter  J’apprécie          370
L'incendie

L'enterrement d'un père à Belgrade fait revenir un homme d'Argentine, revoir un ami, retrouver des lieux de conflit.

Une correspondance timide s'établit ensuite, qui reprend une vieille amitié de jeunes combattants, exhume la peur enfouie et les difficiles souvenirs des guerres de Yougoslavie.

Les lettres s'allongent, introspectives, laissant entrevoir un drame suggéré à demi mots. Une maison, trois soldats, une femme...

Honte et culpabilité libèrent la parole pour mettre un point d'orgue à une exaction dont ils portent le poids.



Refermant ce roman épistolaire écrit à quatre mains par deux auteurs à l'univers littéraire assez proche dans le ton minimaliste, une question s'impose: quel personnage correspond à quel auteur?

Le style est si fluide et équilibré que je n'ai pas de réponse. Ce doit être le reflet d'une complicité en amitié et en écriture car c'est une réussite.



Tragédie de la guerre, histoire d'amitié: tout est dit avec pudeur en moins de cent pages.

Toujours impeccables, chers auteurs!

Et toujours le plaisir en mains des Editions de La Fosse au Ours à la jaquette épurée.
Commenter  J’apprécie          370
Partiellement nuageux

J’ai fait ici la très belle rencontre d’Antoine Choplin et du Chili. Je sors de cette lecture totalement captive et émue par la simplicité et la spontanéité des personnages aux prises avec les fantômes de la dictature de Pinochet. Cela faisait si longtemps que je n’avais pas lu d’ouvrage se rapportant au Chili depuis les romans d’Isabel Allende avec la Maison aux esprits. J’ai été touchée par la brièveté de ce beau texte qui entrelace la naissance d’une délicate histoire d’amour individuelle avec l’histoire politique du Chili.



C’est un flirt amoureux qui s’invite et s’esquive car il n’ose pas encore se libérer totalement du passé. Le musée de la mémoire de Santiago qu’Ernesto et Ema fréquentent tous les deux tient une place importante dans leur histoire personnelle. J’ai aimé suivre leurs pas en même temps qu’ils font connaissance au gré de leurs promenades. Comme Ernesto et Ema j’ai voyagé, j’ai vu et ressenti l’intensité d’une pérégrination qui prend la forme d’un pardon et d’une réconciliation.



Ce texte a la beauté résistante d’une fleur des tropiques sous le climat des culpabilités et de l’inavouable. Il m’a touchée par sa sincérité.

Les moments paisibles dans le cadre presque idyllique de Valparaiso et de la Sebastiana, lieu d’hommage au poète assassiné Pablo Neruda, contrastent avec le climat plus rude du sud-Chili. C’est dans ces montagnes que vit Ernesto avec son ami Diego, paysan Mapuche et sculpteur des totems de l’immense cimetière marin de tous les disparus du Pacifique.



J’ai été totalement conquise par l’écriture lumineuse d’Antoine Choplin cristallisant la fragilité d’un éphémère qui peut s’échapper à tout moment. Le texte est poétique, doux et vaporeux mais immensément fort et puissant à l’image des totems de l’Ile aux morts.

Tout simplement un chef d’œuvre de concision et de beauté.



Commenter  J’apprécie          367
La nuit tombée

C'est un livre d'une rare douceur, d'une rare pudeur, empli de tendresse et qui donne espoir en l'humain... Paradoxal oui, puisqu'il traite d'un sujet violent, Tchernobyl...Enfin de ce qui reste après la tragédie , de ce monde blessé à jamais, de ces femmes et hommes qui ont survécu ou essaient de survivre. Antoine Choplin, avec des mots simples, des phrases courtes, décrit le quotidien, les gestes les plus doux. Je retiens particulièrement la beauté de cet homme profondément meurtri dans son corps, qui veut laisser à celle qu'il aime un écrit, c'est tout simplement poignant et magnifique.
Commenter  J’apprécie          360
Le héron de Guernica

La naïveté recèle parfois la faculté insoupçonnée de résister à l’adversité, suscitant une tendresse et un attachement particuliers qu’Antoine Choplin a su retranscrire dans Le héron de Guernica.



Avril 1937. Sous une apparente sérénité qui ignore la barbarie à venir, on marche dans les pas de Basilio jeune homme que l’on devine simple d’esprit, à travers les marais et les roseaux qui entourent Guernica. Avec ses pinceaux, il s’évertue à donner vie à un héron cendré qui l’obsède avant d’être appelé à témoigner de la mort qui va frapper son village martyr.

S’il manifeste de l’agacement à ne pouvoir restituer la grâce de la beauté dans sa peinture, l'œil de l'artiste est saisissant pour capter le chaos et toute la laideur du monde. Une roue de bicyclette qui tourne dans le vide, une course folle de taurillons en proie aux flammes… l'auteur dessine une tragédie à l'encre indélébile, une de celles qui frappent le lecteur de plein fouet même si elle est connue. Il y a une violence inouïe mais il y a aussi un récit habilement revêtu d'une réflexion sur la perception de la réalité en matière artistique qui exige paradoxalement un exercice d’interprétation. Evoquer plutôt que simplement observer le réel pour frapper l’esprit et mieux appréhender le vrai. Le tableau de Picasso permet d'en prendre pleinement conscience.





Antoine Choplin a le talent pour capturer une beauté évidente, épurée, sublimée par une écriture pleine de non-dits, réduite à sa quintessence et faisant certainement écho au parler vrai des villageois basques. Avec cette retenue de mots, de sentiments, on est enclin à prêter une certaine poésie au silence, une véritable sensibilité à l’auteur pour peindre une douceur harmonieuse dans le chaos.

Au-delà de ce style minimaliste, A. Choplin parvient à attirer l’attention du lecteur sur le pouvoir de suggestion de l’art et le regard singulier que porte l’artiste sur le monde qui nous entoure. Un esprit décalé, parfois à rebrousse-poil des évènements mais qui laisse éclore une sensibilité pleine de sagacité.

Commenter  J’apprécie          360
Quelques jours dans la vie de Tomas Kusar

Antoine Choplin aime explorer l’histoire du XXe siècle en s’attachant à des personnages simples et humbles dont la petite histoire rejoint la grande.

L’intrigue de son dernier roman suit le parcours de Tomas Kusar , modeste employé des chemins de fer à Trutnov dans la Tchécoslovaquie des années 70.

A l’occasion du bal des cheminots, une troupe venue de Prague tente de donner une représentation théâtrale. C’est là que Tomas rencontre Václav Havel. Cette rencontre va changer sa vie.

Presque tranquillement, Antoine Choplin évoque le processus de ce que l’on appelé la « révolution de velours », jusqu’à la victoire de Vaclav Havel.



Le style est toujours aussi impeccable, sans fioritures inutiles ni dialogues excessifs. Choplin utilise l’ellipse, les flash-back, les phrases courtes. Sa marque de fabrique est de savoir parler des choses graves avec une délicatesse redoutable

Ici, c’est la puissance de l’art théâtral qui est à l’œuvre, doublée de la solidité d’une amitié qui va permettre à Tomas d’ouvrir sa conscience politique.

Antoine Choplin signe un profond et superbe roman sur la richesse des relations humaines, l'évolution des individus au fil de la vie ainsi que sur l’histoire récente de la Tchécoslovaquie.



Une belle lecture.

Commenter  J’apprécie          352
Le héron de Guernica

Comment insuffler la vie à un personnage de tableau, comment peindre un héron sur une toile et éviter l'impression d'animal empaillé ? C'est l'obsession de Basilio, jeune homme de Guernica, qui peint des hérons mais n'accepte pas d’être considéré comme un peintre. Guernica est une petite ville tranquille, les gens semblent tous se connaître. L'auteur prend le temps de nous amener au café, au bal, au marché... Il nous fait suivre Basilio dans les marais pour ses rencontres avec les hérons ; sa timidité lorsqu’il veut vendre son cochon au marché et son amour, timide également pour Celestina. Nous sommes pris par cette sérénité, cette douceur ambiante, à peine troublée par l'arrivée d'un semblant de troupe républicaine qui vient camper aux abords de la ville et qui nous rappelle que l'Espagne est en guerre.

Alors bien sur, on connaît l'histoire de Guernica, ne serait-ce que par le tableau de Picasso mais quand les Messerschmitt lâchent leurs bombes incendiaires sur la ville, on ne peut s’empêcher d'être surpris par la violence de l'assaut. La "dolce vita" de la première partie du roman nous avait fait oublié que cette deuxième partie était inéluctable, qu'elle arriverait à un moment ou à un autre.

La force du roman réside dans la capacité d’Antoine Choplin à nous montrer le calme de cette ville avant le déluge de feu, mieux nous faire voir l'atrocité, le cheval calciné, la course des hommes et des femmes affolés, les taurillons meuglant en proie aux flammes... et ce héron à l'aile brisée, la plus réussie des peintures de Basilio.

Après la lecture de ce roman, j’ai cherché une reproduction du Guernica de Picasso et, comme Basilio, je l’ai regardé, les yeux fermés.
Commenter  J’apprécie          350
Partie italienne

Gaspar, un artiste en vogue, éprouve le besoin de s'éloigner des nombreuses sollicitations parisiennes et de retrouver un calme .

Il s'installe sur une terrasse Campo de' Fiori à Rome, un échiquier préparé devant lui .

Y joue qui veut .

Une façon pour lui de rester connecté au monde environnant et à la fois de s'isoler :

" Les parois de la bulle que m'impose le jeu fabriquent une étanchéité mesurée et confortable , entre solitude et emprise sereine au monde qui m'entoure."

Marya, une belle hongroise s'assoit face à lui, pour une partie d’échecs qu'elle va aisément gagner. La conversation s'engage , rapidement elle devient intime comme deux inconnus peuvent le faire .

Marya est à la recherche de transcriptions de parties d'échecs de son grand-père ... Gaspar , lui, s'interroge sur le passé de l'homme dont la statue trône sur la place.

Une relation amoureuse se noue entre ces deux êtres, escapade italienne comme dans un film de Fellini .



Recherche mémorielle sur fond d'idylle , ce roman est visuel et sensuel mais à mon avis trop bref, il laisse à la fin un sentiment de frustration plutôt inhabituel pour moi avec Antoine Choplin .



Je remercie NetGalley et les Editions Buchet Chastel de leur confiance .

#Partieitalienne #NetGalleyFrance

Commenter  J’apprécie          3417
Partiellement nuageux

Ernesto Guttierez se rend au palais de la Moneda dont il fait plusieurs fois le tour en marchant d'un bon pas, attirant ainsi l'attention des gardes de sécurité. Astronome de son métier, Ernesto a fait un long voyage de Quidico jusqu'à Santiago pour honorer un rendez-vous pris un mois plus tôt : il a demandé à la Fondation le remplacement de la lame de Schmidt nécessaire pour que, avec Walter, son vieux télescope des années 50, il puisse observer Magellan et continuer ses travaux. Déception ! Non seulement la lentille n'est pas arrivée, mais le dossier est au point mort. Comme il lui reste pas mal de temps avant de reprendre l'autobus qui le ramènera chez lui, il se promène en ville, et ses pas le portent, sans qu'il en soit vraiment conscient, jusqu'au musée de la Mémoire. Pourtant, il estimait ne plus rien avoir à y faire depuis qu'il avait reconnu Paulina sur une des photos du mur des disparus…

***

Partiellement nuageux, un roman d'Antoine Choplin, rappelle des événements historiques, d'abord sans y toucher, si j'ose dire, avant de nous plonger au coeur des conséquences qu'ils ont eues sur les Chiliens, quelle que soit leur appartenance politique. Ainsi, les horreurs de la dictature de Pinochet resurgissent dans l'esprit du lecteur qui suit les pas d'Ernesto grâce à l'évocation de bâtiments : le palais de la Moneda, d'abord, et la mention de la porte par laquelle « on avait évacué le corps sans vie d'Allende » quarante ans plus tôt, puis le musée de la Mémoire où se trouve le fameux mur des disparus, empli de photos des victimes de la dictature, de celles que l'on n'a jamais retrouvées. Antoine Choplin suggère magnifiquement le trouble et la douleur qui envahissent Ernesto au souvenir de Paulina, devant ce mur qui l'attire et lui fait horreur en même temps. C'est devant ce mur qu'il voit Ema pour la première fois, bouleversée elle aussi par cette expérience. Ils vont se plaire, entamer une relation délicate, se perdre et se retrouver. On comprend vite qu'Ema aussi porte une douleur. Tous les deux sont avares de mots, prudents, marqués à vie. En plus des traumatismes toujours très présents, Antoine Choplin survole plusieurs des thèmes qui effleurent le quotidien des Chiliens : l'expropriation des Mapuches, les excès de l'industrie forestière, l'omniprésence de la police, etc.

***

L'écriture d'Antoine Choplin est fine, subtile, précise et poétique. Ernesto, narrateur à la première personne, nous fait part avec pudeur des ses sentiments, nous fait partager la beauté des paysages, le réconfort qu'il trouve parfois dans le travail manuel, l'affection qu'il porte à Crabe, son chat… J'ai été particulièrement sensible à une métaphore que l'on retrouve plusieurs fois et dont toute la puissance ne s'est révélée pour moi qu'à la fin. Depuis la rive, Ernesto distingue l'île aux Morts, mais pas toujours, cela dépend en fait de la luminosité. Cette présence presque fantomatique de l'île rappelle le souvenir plus ou moins présent de Paulina qui tantôt habite Ernesto, tantôt s'estompe. Mais les totems que construit Diego, l'artiste mapuche, regarderont indéfiniment et sans siller l'île aux Morts, comme d'autres le mur des disparus. Un superbe roman dont je peine à rendre la délicatesse.

Commenter  J’apprécie          342
Partie italienne

Gaspar est un sculpteur renommé. Le jeune homme va décider se se rendre à Rome afin de se ressourcer quelques jours. Il y passe ses journées assis à une table de café à jouer aux échecs avec des inconnus. Lorsque Marya propose de jouer une partie contre lui, c’est une histoire pleine de tendresse qui débute entre eux, mais également l’occasion pour la jeune femme de partager son histoire familiale.



J’ai vraiment beaucoup aimé ce roman empli de douceur. En peu de pages, l’auteur m’a conquise avec un style poétique et tout en délicatesse. Je me suis laissée embarquer dans les rues de Rome auprès des personnages principaux.



Gaspar et Marya vont évoluer au fur et à mesure des pages, et j’ai été très touchée par la belle relation qui éclos de leur rencontre. L’auteur a su en faire des caractères très bien dépeints et tout en nuances.



C’est avec grand intérêt que j’ai suivi l’histoire familiale de la protagoniste. Elle va raconter les événements passés avec beaucoup d’authenticité et ainsi se livrer à Gaspar.



Mais ce roman, c’est également une immersion totale dans la ville de Rome. L’auteur nous promène ainsi au travers des rues et des monuments, et c’est très intéressant à suivre.



La plume de l’auteur m’a beaucoup plu. Avec un style poétique et tout en douceur, les pages ont défilé. Les chapitres sont courts et cela rythme l’histoire. En très peu de pages, l’auteur a pourtant réussit à instaurer une grande densité dans son intrigue.



Un court roman tout en douceur et délicatesse, dans lequel deux personnages vont se rencontrer et qui donne lieu à une histoire authentique et émouvante.
Lien : https://mavoixauchapitre.hom..
Commenter  J’apprécie          330
Partie italienne

Au pays de la Dolce Vita, Gaspar est venu chercher le calme et la sérénité avant sa prochaine expo. Chaque jour, il s’installe à la terrasse d’un café, face à un jeu d’échecs, attendant un adversaire à sa hauteur. Les parties s’enchaînent et les joueurs défilent sur la place de Campo de’Fiori, jusqu’au jour où Marya prend place et désarçonne le jeune français avec son jeu un brin désuet mais terriblement redoutable. Au fil des parties, les langues se délient et la complicité est immédiate, entraînant le couple sur des sentiers qu’il n’avait pas soupçonnés…



Avec “Partie italienne”, Antoine Choplin nous offre un roman tendre et doux qui dit avec une simplicité désarmante la magie d’une rencontre entre un homme et une femme à la terrasse d’un café romain, autour d’une partie d’échecs. De parties endiablées en mystères répétés, le jeu prend un tour inattendu et va nous propulser dans les affres de la grande Histoire, sous le IIIème Reich. L’on se laisse volontiers entraîner dans cette course au passé, un peu folle mais tout à fait exaltante!



C’était ma première lecture de cet auteur qui a pourtant déjà largement fait ses armes et j’ai trouvé l’écriture à la fois simple et juste, sans un mot de trop. Le texte coule avec une étonnante fluidité sur les pages et donne l’impression de lire un roman sans prétention, mais avec une jolie histoire d’amour. Un moment de lecture agréable en somme.



Lecture qui rentre dans le cadre du challenge Jeux en foli…ttéraire XII organisé par SabiSab28 et CallieTourneLesPages.
Commenter  J’apprécie          332




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Antoine Choplin (1501)Voir plus

Quiz Voir plus

Où sont-ils nés ?

Albert Camus est né .....

en Tunisie
en Algérie
au Maroc

12 questions
14 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}