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Critiques de Jón Kalman Stefánsson (1123)
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Ton absence n'est que ténèbres

Il y avait très longtemps qu’un roman ne m’avait pas autant ébranlée que celui-ci! Je pense être passée par tous les sentiments au travers des pages de ce livre. Terminé depuis près de 10 jours, j’ai préféré le laisser décanter avant de m’atteler à l’écriture de ma chronique. Les jours passant, je ne trouve pourtant que peu de mots pour exprimer mon ressenti. Un sentiment de nostalgie m’étreint encore à chaque fois que je repense à lui.



« Ton absence n’est que ténèbres » est tout simplement magistral! Ce qui pourrait s’apparenter à une saga familiale islandaise, somme toute banale, est en fait bien plus que cela. Jón Kalman Stefánsson, son auteur, démontre par cette histoire la puissance des mots et celle des émotions qui peuvent être transcrites et transmises par l’écriture.



Comment résumer un tel bouquin? Invraisemblable pour moi, tant les faits sont importants, même les plus infimes détails. Brosser une saga de 120 ans sur 5 générations avec tant de précisions et d’adresse est mirifique et inoubliable.



Comptant plus de 600 pages, le lecteur pourrait craindre de se lasser ou de s’ennuyer mais pas un seul moment, il ne risque de ressentir ces sensations, tant le style et le récit vont l’envoûter très rapidement, une fois les premières feuilles tournées.



Pour ceux qui aiment retenir et réécrire l’une ou l’autre phrase des livres qu’ils lisent, je vous mets au défi de le faire avec celui-ci. Impossible, tant les citations sont belles mais ô combien multiples.



Je tiens à saluer l’excellent travail de traduction de Eric Boury qui a su si bien transmettre la qualité de l’oeuvre originelle.



Par ces quelques mots, vous aurez compris que c’est littéralement l’un de mes tout grands coups de coeur de cette année. Si vous avez la chance de pouvoir vous y plonger, je peux vous garantir que vous n’en sortirez pas indemne, tant il vous hantera profusément.
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Ásta

« Si tant est que ça l'ait été un jour, il n'est désormais plus possible de raconter l'histoire d'une personne de manière linéaire, ou comme on dit, du berceau à la tombe. Personne ne vit comme ça. Dès que notre premier souvenir s'ancre dans notre conscience, nous cessons de percevoir le monde et de penser linéairement, nous vivons tout autant dans les événements passés que dans le présent ».





Manifestement, le narrateur nous a donc baladés l'espace d'une vie en se jouant du périmètre de l'âge. S'il commence bien par la conception de Asta, il continue par la chute de son père des années plus tard sur le trottoir, chute entrainant une cohorte de souvenirs de tout acabit et de toute époque, et puis il nous emmène dans les fjords de l'Ouest de l'Islande pour les 15 ans d'Asta, nous fait faire un bond dans le futur pour que nous assistions à l'âge mûr d'Asta, nous fait revenir à ses tentatives de suicide, ensuite à Vienne où une Asta libérée mais déchirée nous apparait bien cynique, et ainsi de suite jusqu'à un événement tragique dont je ne dirai rien – un de plus, de toute façon-.

Un leitmotiv : les lettres qu'Asta écrit à son amour qui l'a quittée en lui lançant une phrase terrible : « Je suis absolument certain que tu iras loin avec ta chatte ».





J'ai adoré ce va-et-vient entre les différentes époques, j'ai adoré repérer aux indices dont le narrateur parsème son texte les états d'âme d'Asta et par là, son âge ainsi que la situation et les états d'âme des autres membres de sa famille. A vrai dire, sa vie n'a pas été un long fleuve tranquille, et elle a de qui tenir. Sa mère Helga est une forte personnalité, un sale caractère, mais belle à damner tous les saints, encore plus belle qu'Elisabeth Taylor. Asta lui ressemble, énormément, par son mal-être et son désir d'aimer et d'être aimée. Mais pas caractérielle comme sa mère, non.





J'ai adoré suivre la vie d'Asta au gré des rencontres des personnes qui ont façonné sa vie et sa façon d'être, au gré du malheur, des quelques moments heureux, de l'espoir, et souvent du désespoir.

C'est une occasion pour le narrateur (on ne saura jamais qui il est vraiment) pour donner sa propre vision des choses, et de distiller des pensées si profondes, si humaines que j'aurais dû les noter au fur et à mesure. C'est qu'il y en a tellement!





Vraiment, je recommande ce livre si chaleureux malgré ses coups du sort, si intimiste malgré la vie mouvementée de ses personnages.

Asta, aux « commissures des lèvres comme calquées sur des larmes », m'a attachée à la vie, à l'amour, à la nature si revêche d'Islande, m'a retenue aux portes de la mort, m'a fait apprécier davantage la philosophie et la poésie. Car après tout, c'est ce qu'il nous reste, au seuil de la vieillesse, non ? En tout cas, c'est ce que le narrateur nous envoie comme message...

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La tristesse des anges

Voilà trois semaines que le Gamin est installé dans le confort douillet de la maison de Kolbeinn et Helga. Il aide à la buvette, va faire les courses et le, soir, il fait la lecture pour le vieux capitaine aveugle. Mais il n'en a pas encore fini avec le froid et la neige. Jens, le postier, doit livrer le courrier dans les fjords du Nord, ''là où l'Islande prend fin pour laisser place à l'éternel hiver''. Une partie de la route se fait par voie de mer et Jens n'a pas le pied marin. Il lui faut un compagnon qui sache mener une barque et ce sera la mission du gamin. Le géant taiseux et le freluquet amoureux des mots partent donc aux confins du pays, dans la solitude des grands espaces blancs...



Roman du froid et de la neige, cette ''tristesse des anges'' qui brouille le paysage, dissimule les crevasses mortelles, transit les hommes jusqu'à la moelle, peut tuer aussi sûrement qu'une arme, ce deuxième tome de la trilogie de Jon Kalman Stefanson est tout aussi poétique que le premier. On y retrouve le Gamin, toujours en deuil de son ami Bàrður, toujours réticent à profiter de sa nouvelle vie quand tous ses proches ne sont plus de ce monde. Pourtant, la chaleur, la poésie, les livres, l'éveil des sens grâce à la belle Ragnheiður, font désormais partie de son quotidien si différent de la rude vie de pêcheur qu'il a laissée derrière lui. Quand il doit à nouveau se frotter à l'hostilité des éléments, il le fait en pleine conscience, certain de pouvoir traverser le pire grâce au pouvoir des mots qui emplissent sa tête et son âme. Le chemin est semé d'embûches et le Gamin s'interroge sur le sens de la vie dans cette contrée si peu faite pour l'homme. Pourtant, dans cet éternel hiver qui laisse si peu de place à la lumière, une lueur d'espoir persiste. Des hommes et des femmes y vivent, y élèvent des enfants, y rêvent de printemps. Porté par les poèmes qu'il se récite sans fin, stimulé par la chaleur humaine qui existe sous la glace, le Gamin suit sa route pour relier les humains par des lettres, des journaux, des traces du monde.

Hommage aux mots, à la littérature et aux traditions littéraires islandaises, La tristesse des anges glace le sang autant qu'elle réjouit le cœur. Il y a de la poésie, de la beauté, de la neige, du froid et aussi tellement d'humanité dans ces pages que l'on peine à quitter ces terres islandaises, surtout que le doute persiste sur le sort du Gamin et de Jens que la tempête malmène plus que de raison. De la grande littérature !
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La tristesse des anges

Je croyais avoir fait connaissance avec la rudesse sauvage et énigmatique de l'Islande, à travers les enquêtes d'Erlendur.



Je me trompais. Ce fut le choc .



Je suis entrée dans un avril de glace, avec Jens, le postier, littéralement collé à son cheval par le gel. Et j'ai découvert un univers hors du temps, au coeur d'une nature souvent hostile. J'ai avancé en sa compagnie jusqu'à la maison-réconfort d'Helga, une buvette-hôtel ou les voyageurs fourbus font une halte.



J'y ai découvert des personnages rendus mutiques par l'environnement , repliés sur eux-mêmes, sur leur cécité terrible quand on est passionné de livres, comme Kolbeinn.



Et puis le" gamin" s'est présenté à moi, en mal d'affection, éloigné qu'il est d'Andrea, sa mère, dont il attend les lettres avec impatience. Un gamin attachant, habité par les rêves, le désir qui s'éveille dans son corps adolescent, les espoirs juvéniles et les révoltes aussi.



Et surtout j'ai pénétré à pas feutrés, floconneux, dans l'univers de l'auteur, plus encore poète que romancier ( je n'ai pas suivi l'ordre de cette trilogie, c'est le premier que je lis) . Presque chaque phrase est un bijou. A travers la beauté envoûtante de ses descriptions, j'ai senti sur mon visage les épées de la neige, faussement enveloppante et veloutée, en fait mortuaire et coupante.



J'ai alors parcouru des kilomètres et des kilomètres vers les Fjords du Nord, pour une tournée à haut risque. J'ai trouvé le parcours un peu long mais je me suis accrochée, hypnotisée par le vertige des phrases, le vent et les tourbillons de neige.



L'arrivée a été terrible, angoissante, mais ô combien sublime dans sa désolation.

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Ton absence n'est que ténèbres

Le récit commence dans une église, avec un homme qui a perdu la mémoire : il n’a plus de repère, tout le monde semble bien le connaître alors qu’il ne reconnaît personne. Sur une tombe, au cimetière, une inscription l’intrigue : « ton absence n’est que ténèbres ». Il rencontre une femme, Soley, qui a semble-t-il compté dans sa vie et en la suivant, l’histoire va se tisser…



Le narrateur, notre homme, essaie d’écrire sur des feuilles volantes, tout ce qu’il peut glaner, ça et là, pour sortir des ténèbres de sa mémoire, ce qui nous entraîne dans des rencontres étranges qui s’étalent sur plusieurs générations, des personnages dont on va faire la connaissance au rythme que nous impose l’auteur, quitte à nous perdre au passage.



Tout d’abord, fin XIXe avec la rencontre entre Petur, pasteur marié et Gudridur qui vient d’écrire un article sur le ver de terre indispensable à l’équilibre du sol va faire chavirer leur vie à tous les deux : Petur a plongé dans une sombre mélancolie quand Eva, sa fille, est décédée : il l’avait emmenée avec lui en forêt sous la pluie et elle n’avait pas pu se remettre du « refroidissement » d’où la culpabilité du pasteur. Il écrit sa souffrance sous forme de lettres à Hölderlin…



Petur écrit à un poète allemand enterré depuis plusieurs décennies, un poète qui était déjà mort à sa naissance



On revisite un peu l’histoire et la géographie, de l’Islande, les dures conditions de vie dans les fermes, les femmes qui ne se plaignent pas, les pêcheurs qui partent durant des mois, l’argent difficile à gagner, l’alcool, l’exil au Canada de certains.



J’ai eu un peu de mal à entrer dans l’histoire, car il y a énormément de personnages, de noms à mémoriser, trouver des points de repères pour assimiler, les prénoms masculins, et les noms féminins (je n’ai pas de problèmes avec les patronymes, mais les prénoms c’est plus compliqué) : Jon,Petur, Hulda, Gudridur Eirikur, Pall, Halldor, Skuli, et pardon d’avance à ceux que j’oublie.



En fait, j’ai décidé de me laisser porter par la réflexion de Jon Kalman Stefansson, sans chercher à mémoriser à tout prix et ensuite la magie a opéré comme avec ses précédents romans.



L’auteur nous livre une réflexion sur le temps qui passe, la mémoire individuelle et collective, les secrets de famille et les dégâts qu’ils engendrent, la répétition des scenarii de vie… Jon Kalman Stefansson aborde aussi avec brio, le passé, comment il nous aide à nous construire, et son poids sur le présent, les relations de cause à effet, le destin et tout simplement, la vie, la mort, la place qu’occupent les défunts dans nos vies…



Est-ce l’existence qui façonne le destin ou le destin qui façonne l’existence : Dieu a-t-il créé le monde ou est-ce le monde qui a inventé Dieu ?



Certains n’ont pas eu vraiment le choix, comme Pal qui a fait des études supérieures, une thèse sur Kierkegaard et doit retourner à la ferme. J’ai appris au passage que Kierkegaard signifiait cimetière !



Soren Kierkegaard. D’ailleurs, Kierkegaard signifie cimetière… quel fardeau ! Un nom empli de morts, de croix, de défunts. Ce n’est pas étonnant qu’il ait parfois été un peu éteint.



La manière de raconter, avec des allers et retours sans cesse entre présent et passé, qui m’avait un peu désorientée dans ses précédents romans, ne pas gênée, au contraire, cela permettait d’assimiler tous les messages de l’auteur. L’écriture est belle, pleine d’images et la magie de l’Islande a parfaitement fonctionné cette fois-ci encore.



Autre effet de style : Jon Kalman Stefansson se répète souvent dans sa narration, les mêmes phrases reviennent, à la virgule près, comme si la répétition venait au secours de la mémoire défaillante



Le texte est, d’autre part, ponctué de phrases de chansons de Bob Dylan, Léonard Cohen les Beatles, Elvis Presley Ella Fitzgerald, en passant par Bach et Satie par exemple et l’auteur nous propose à la fin d’une compilation dont je vais m’inspirer pour une play-list.



Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m’ont permis de découvrir ce roman et de retrouver la plume de son auteur, ce qui est toujours un plaisir.



#Tonabsencenestqueténèbres #NetGalleyFrance !


Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Lumière d'été, puis vient la nuit

Introduire le village sur lequel l'auteur s'apprête à parler au long de trois cents pages presque en s'excusant, le présenter comme étant plutôt banal, sans aucune extravagance si ce n'est l'absence de cimetière ou d'église, si ce n'est peut-être aussi les quelques centenaires rigolards ou la recrudescence d'octogénaires qui le composent, il fallait oser. On pourra toujours y déceler une marque de confiance en soi, une assurance tout risque dans son propre talent de conteur. Toujours est-il, introduction par défaut d'intérêt réel ou simple ruse narrative, l'accroche est bel et bien là, originale et culottée. Jon Kalman Stefansson nous la joue à l'envers et ça fonctionne déjà, on a envie de savoir, et surtout de faire connaissance avec la population du village. Le faisceau narratif qu'il dirige alors sur huit habitants pour autant de chapitres se révèlera à la fois caustique et pittoresque, lyrique et poétique.

Il y a le directeur de l'Atelier de tricot qui subitement se met à rêver en latin, il ne lui en faudra pas plus pour poursuivre sa destinée vers la maîtrise de l'idiome et tout plaquer pour scruter les étoiles.

Il y a Jonas le frêle adolescent rougissant au moindre frémissement féminin, hypersensible connecté au monde des oiseaux.

Il y a David fils de l'Astronome, en proie à la vie des fantômes au sein de l'Entrepôt.

Il y a aussi Kjartan son collègue à l'Entrepôt, réfractaire aux idées sur l'au-delà, plus ancré dans la terre et l'appel de sa chair.

Et il y a tous les autres, que le focus soit porté sur eux ou pas. Car le lecteur ne tient pas entre les mains un chapelet de destinées égrenées sur le tempo régulier d'un recueil de nouvelles, ça serait sans compter sur la maîtrise constructive de l'auteur. Celui-ci déroule au contraire une prose inspirée et libre sans paraître digressive, encline à suivre le fil d'une anecdote, d'une rencontre ou d'un événement pour façonner peu à peu une galerie de personnages et tisser l'écheveau d'une communauté de quatre cents âmes.

L'être humain reste ainsi placé au centre, comme toujours avec cet auteur. Non seulement de son village mais aussi d'un univers incommensurable parsemé d'astres, de présences spectrales ou de trous noirs, où le cosmos et l'au-delà ne manquent pas de le remettre à sa juste place métaphysique, en quête d'un sens qui lui échappe, « […] c'est la quête qui nous enseigne les mots pour décrire le scintillement des étoiles, le silence des poissons, les sourires et les tristesses, les apocalypses et la lumière d'été. » L'humain paraît à la fois grand ou envahissant, on ne parle que de lui et de ses tracasseries quotidiennes, son caractère et sa vie, mais il est aussi infinitésimal, replacé dans le contexte abyssal de l'univers et du mystère de la vie. Une question de point de vue. Il ressort aussi de ce roman une teinte de dérision et d'ironie, le rire rivalisant parfois avec le lyrisme, « […] un rire sincère est un étrange mélange de volupté et d'oubli de soi, nous nous désagrégeons en lui, nous tourbillonnons en surplomb du personnage que nous incarnons au quotidien, il fait de nous des êtres humains. »

Écrit en 2005 et publié maintenant en France, il m'a semblé plus mordant que ses précédents traduits en français. En tout les cas reconnaissable, les aficionados ne manqueront pas de replonger avec délice dans le style singulier de cet auteur, envoutant et aérien, en relation étroite avec le travail remarquable de son passeur, Eric Boury.
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D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds

Masse critique spéciale.

Remerciements à BABELIO et à l’Editeur GALLIMARD



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SAVOIR ECHANGER ET PARTAGER



Tout d’abord, je n’avais jamais lu cet auteur qui a reçu sur BABELIO, notamment, de nombreuses critiques élogieuses.

Aussi, j’ai été ravie de découvrir son livre qui, à mon humble avis, doit être lu au calme et de façon quasi continue ce qui n’a pas été mon cas (lecture dans le métro) afin de ne pas se perdre dans cette histoire de famille sur trois générations.

L’auteur est un poète et est agréable à lire mais beaucoup de digressions empêchent une parfaite compréhension de l’histoire ainsi que le suivi des personnages.

Une seconde lecture me serait-elle nécessaire ? Probablement.

Une suite est absolument souhaitable tant la fin m’a laissé sur ma « faim ».

En définitive, belle découverte.

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Le cœur de l'homme

Après un hiver qui n’en finissait pas, le printemps pointe timidement le bout de son nez. Timidement, car ici, en Islande, il n’est que le prolongement de l’hiver avec une légère amélioration. Mais cela suffit à la nature pour s’éveiller, aux hommes pour sortir de leurs tanières.

Le bonheur devrait être dans le cœur des hommes.

Mais, même en été on peut connaître des tempêtes. La neige a fondu, mais elle laisse une terre boueuse où l’on patauge.



Le gamin est à l’abri dans la maison des femmes qui l’ont recueilli. On l’appelle « le gamin », il ne porte apparemment pas de nom. Qui est-il vraiment et quel est son but dans la vie ? Un messager ?

Il écrit des lettres pour changer le monde, pour changer un destin. Ceux qui les reçoivent osent changer de cap, car ses mots sont si limpides et si puissants, qu’ils leur apportent la lumière, une étincelle d’espoir, une possibilité de bonheur.

Il vit comme une étoile qui scintille et, dans cette maison, entourée de personnages exceptionnels, étranges pour leur communauté, il apaise les souffrances.



Comment vivre dans ce pays, lorsqu’on est différent, qu’on n’a que les mots comme outils, l’émerveillement et la connaissance comme but, alors que pour être un homme, tout le monde le sait ici, il faut être viril, costaud, oublier la tendresse, ne pas s’attarder sur les faiblesses, les douleurs, les deuils. Un pays où les hommes sont écrasés de labeur par quelques hommes puissants, que l’argent et le pouvoir ont rendu démoniaques. Un pays où les femmes sont soumises et s’accommodent de leurs vies en oubliant leurs rêves.



Que valent la poésie et la musique dans ce monde où les rêves peuvent être assassins, où la délicatesse et la fragilité n’ont pas leur place?



Et pourtant, le gamin court, il vole. Il ne laissera pas le malheur le poursuivre, il laissera ses rêves le guider, ne se laissera pas façonner par la communauté, piégé par la coutume et les préjugés.



Une histoire bouleversante, avec des phrases grandioses, des mots qui nous dépassent, qui nous transpercent. Des mots, des notes de musique face à la cruauté, la cupidité, la violence, l’égoïsme et les préjugés, pour que l’homme n’oublie pas le bonheur de vivre, de respirer, de regarder, de s’émouvoir. Pour ne pas vivre comme un idiot en oubliant d’être soi, en oubliant ses rêves, en imitant son voisin.



« Le pire est de ne pas savoir vivre, de connaître toutes les notes, mais de ne pas saisir la mélodie. »

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Lumière d'été, puis vient la nuit

Veiller dans l’encre de la nuit



Une nuit, un homme se met à rêver dans une langue morte, et c’est alors une vie nouvelle qui s’ouvre devant lui, ainsi que pour une communauté de quatre cents âmes. Les rigueurs du climat, la solitude, l’ennui et le vide du ciel invitent aux rapprochements charnels, au désespoir, aux gueules de bois, au commerce entre les vivants et les morts (lesquels ne dorment parfois que d’un œil), aux manifestations fantômales, aux adultères, aux projets fous et à la magie de toutes ces petites vies qui veillent dans l’encre de la nuit — comme autant de bougies que le souffle du vent glacial ne parvient pas à éteindre tout à fait.



Avec son talent de conteur, teinté d’humour et de grande mélancolie, l’écrivain islandais tisse une toile faite de sexe cru et sans fard, d’espoirs déçus ou exaucés, de manteaux de neige, de larmes en forme de poissons, de poissons comme autant de larmes innombrables, d’ampoules qui explosent étrangement, de rochers qui font obstacle au bonheur et de désirs plus affamés que loups en plein hiver.



Jón Kalman Stefánsson entrouvre les fjords, et nous invite à pénétrer les cœurs de ces hommes et femmes qui peinent à comprendre ce qui les pousse encore à vivre. Peut-être simplement pour le goût d’un baiser dans la bouche, pour une robe de velours noir, pour une chevelure couleur d’incendie, pour des corps qui s’enlacent, pour des seins lourds et des érections dures comme l’acier, pour des étés qui se consument aussi vite qu’une allumette, pour une langue que plus personne ne parle, pour les traits slaves d’un visage, pour les yeux profonds d’une femme qui ensorcellent le cœur de l’homme, pour les rêves qui peuplent le sommeil de leurs fantastiques couleurs, pareilles à celles des aurores boréales — et que l’on aimerait attraper avec des filets de pêcheur pour qu’ils ne finissent pas perdus tout au fond de l’eau.



Fragiles sont nos existences, qui pourtant demandent à aller jusqu’au bout de notre dernier souffle, jusqu’au dernier mot des histoires que nous nous racontons sans cesse pour ne pas perdre pied — et jusqu’à l’épuisement de la lumière qui nous habite.



Après tout, les étoiles mortes depuis des millions d’années n’en continuent pas moins de briller à nos yeux, avec la même ardeur infatigable qu’au premier soir.



© Thibault Marconnet

le 9 janvier 2021
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À la mesure de l'univers

Ari a pris une chambre à l'hôtel de l'aéroport de Keflavik, dans les prochains jours il rendra visite à Jacob, son père, dont les jours sont comptés. Je retrouve le narrateur que j'avais quitté, en août 2015, après ma lecture de D'ailleurs les poissons n'ont pas de pieds, j'ignorais alors que c'était le premier tome d'un diptyque. Comme dans le premier livre, le narrateur n'arrête pas de me balader entre aujourd'hui, les années soixante, les années quatre-vingt et le temps jadis ; je renoue aussi avec tous les personnages de cette saga familiale.

Cette fois encore, j'ai été sous le charme de la prose poétique de Jón Kalman Stefánsson.
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Entre ciel et terre

« Certains poèmes nous conduisent en des lieux que nuls mots n'atteignent, nulle pensée, ils vous guident jusqu'à l'essence même, la vie s'immobilise l'espace d'un instant et devient belle, limpide de regrets ou de bonheur. Il est des poèmes qui changent votre journée, votre nuit, votre vie. Il en est qui vous mènent à l'oubli, vous oubliez votre tristesse, votre désespoir, votre vareuse, le froid s'approche de vous : touché ! dit-il et vous voilà mort. »



C'est ce qui est arrivé à Bárður : à vouloir absolument retenir quelques vers d'un poème de Milton, il en a oublié sa vareuse. Pris par le froid islandais et la tempête, il n'a pas survécu et laisse derrière lui "le gamin". Ce dernier, qui a déjà perdu toute sa famille, commence un voyage difficile afin de rendre "Le paradis perdu" à Kolbeinn, vieux loup de mer aveugle à qui Bárður avait emprunté ce livre. Une fois sa mission accomplie, "le gamin" n'aura plus qu'à rejoindre sa famille et Bárður, dans l'au-delà...



Jón Kalman Stefánsson nous entraîne en Islande, au XIXe siècle. Il neige, il fait terriblement froid, l'eau est glaciale, le vent est violent. Mais Bárður et le gamin, comme tous les pêcheurs, vivent avec au quotidien. La pêche à la morue est leur gagne-pain, ils se doivent de défier ces éléments qui ne leur facilitent pas la tâche et qui sont souvent contre eux.



Ces éléments d'ailleurs ne jouent pas qu'un rôle majeur, ils sont un personnage à part entière, voire même le personnage principal. Ce sont eux qui mènent la danse, l'ensemble des protagonistes dépendant d'eux, devant composer avec eux. Les montagnes qui forment une barrière d'un côté, la mer glaciale de l'autre, les violences du vent et les colères du ciel emprisonnent les protagonistes autant que les lecteurs. Nous sommes comme pris au piège dans cette atmosphère polaire, mordante, et on aime ça...



Grâce à une plume poétique, lyrique, enchanteresse, j'ai participé à la quête initiatique du gamin avec délectation. Je l'ai accompagné et ne l'ai pas lâché un instant. J'ai compris ses tourments, ses doutes, ses interrogations sur la vie et la mort. J'ai rencontré des gens atypiques : pêcheurs, femmes de pêcheurs, filles de pêcheurs, veuves de pêcheurs, vieux loups de mer, aubergiste (au féminin), commerçant(e)s, etc. J'en ai appris beaucoup sur leur vie au quotidien, rythmée par le chant de la mer.



Et si je déplore la conjugaison au présent (pas du tout adaptée aux événements, qui se déroulent par ailleurs dans le passé), ainsi que le non-respect des règles typographiques des dialogues (alors ça, par contre, ça m'agace énormément !), j'ai tout de même été transportée par les belles et longues phrases de l'auteur, poétiques, imagées, bercées par les humeurs du ciel et de la mer.



C'est à la fin de ma lecture, en allant farfouiller dans la biographie et la bibliographie de l'auteur, que je me suis rendu compte que "Entre ciel et terre" était le premier volume d'une trilogie. Je retrouverai donc le gamin avec plaisir dans "La tristesse des anges", bientôt j'espère...

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Ton absence n'est que ténèbres

Je ressors déboussolée de cette lecture, j’ai perdu les notions de temps et d’espace, je suis un peu ivre, pas étonnant avec toutes ces vapeurs d’alcool, j’ai de la musique et des paroles de chansons dans la tête, avec une légère migraine mais des étoiles pleins les yeux, un étrange sentiment de plénitude (peut-être l’alcool) et je suis passée par tous les sentiments agréables ou désagréables du bonheur au malheur en passant par l’envie, le désir, la trahison, le mensonge, la culpabilité, l'ivresse, le pardon, la nostalgie. Mais de quoi parle ce roman ? D’amour bien sûr ! Avec des destins qui se suivent, se croisent ou se transmettent. C’est beau, prenant, avec en fond les paysages grandioses des fjords islandais. Ici le bonheur a des définitions différentes selon l’âge ou la personnalité des habitants de ce bout du monde.



Un homme se réveille dans une église, amnésique. Il est en compagnie d’un pasteur, chauffeur de car, habillé différemment selon les occasions, ouvrant des bouteilles d’alcool (un peu trop) et faisant des crêpes, qui le suivra dans toute l’histoire, un peu comme ces petits diables qu’on se traîne sur l’épaule gauche, vous voyez ce que je veux dire ? Bref, l’homme se réveille, ne se souvient de rien et rencontre des gens qui le connaissent. C’est le début de cette incroyable histoire.



L’auteur a une imagination fertile et, comme tout artiste génial, manie son art avec brio. Les mots dansent, magiques, à travers les destins. Une pensée émue pour le traducteur Éric Boury, quel boulot !



Un livre qui mériterait d’être conté, l’hiver, au coin du feu, pendant une veillée. Ah, je ne suis pas à la bonne époque ?




Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
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Entre ciel et terre

Jón Kalman Stefánsson est un auteur islandais que j'ai découvert il y a quelques années avec « D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds ». Mais malheureusement, cette rencontre a été un rendez-vous manqué, je n'ai pas réussi à entrer dans le récit et je l'ai abandonné au bout de quelques pages seulement.



Après plusieurs critiques élogieuses de « Entre ciel et Terre », en particulier celles de HordeDuContrevent et Pancrace que je vous invite à lire, j'ai voulu retenter une nouvelle rencontre, et je dois dire que cette fois-ci, la magie a opéré dès les premières lignes.

Que dire de ce récit qui m'a accompagnée pendant ces quelques jours ? C'est beau, subtil, sombre, profond.



*

Ce titre, magnifique, intemporel, introspectif, évoque ce qu'il y a entre ces deux immensités, le ciel de plomb et la terre noire : des forces contraires qui s'opposent et s'harmonisent en un jeu de contrastes de sons, d'odeurs, de couleurs tranchées, d'éclairage, de sensations.

Montagnes et mer, vent et glace, lumière et obscurité.

L'horizon et le vide, le sac et le ressac, le flux et le reflux.

La vie et la mort, le bien et le mal, le paradis et l'enfer.

Le calme et la tempête, le bruit et le silence, l'amour et le deuil, la poésie et la tragédie.



« La mer est d'un bleu froid et jamais calme, un monstre gigantesque qui inspire, nous porte la plupart du temps, mais parfois se dérobe et alors, nous sombrons : l'histoire de l'homme n'est pas si complexe que cela. »



*

« Entre ciel et terre », le premier livre d'une trilogie, se déroule en Islande, à la fin du XIXe siècle, dans une petite communauté de pêcheurs.

Entre prose et poésie, l'auteur rend compte de l'atmosphère austère et silencieuse de ces lieux perdus dans les fjords, des croyances de l'époque, de la vie épuisante et risquée de ces hommes, de leur loyauté, de leur courage, de leur ténacité malgré leur impuissance face à une mer si peu fiable.



« S'éloigner de la côte peut être douloureux, on a l'impression d'avancer vers la solitude. »



Nous suivons deux hommes, un jeune garçon qui n'a pas de nom et Bárður, amoureux de poésie. Les deux amis s'engagent sur un bateau de pêcheurs pour subvenir à leurs besoins. Bravant l'océan et ses dangers, ils s'élancent sur des "cercueils ouverts ", affrontant la mer d'Islande pour pêcher la morue.

Et puis le drame survient lorsque, par une journée de mars, la tempête, monstrueuse, terrifiante, destructrice, se lève et frappe le canot de toute sa puissance meurtrière.

C'est bien connu que la mer donne et reprend.



« … les vagues enflent autour d'eux, la terre a depuis longtemps disparu, de même que la ligne d'horizon, il n'existe plus rien au monde que ces six hommes sur une coquille de noix, occupés à tirer des profondeurs glacées des poissons et des rêves. »



*

Jón Kalman Stefánsson décrit avec beaucoup de pudeur et de profondeur, le quotidien de ces hommes et de ces femmes de pêcheurs.



« Les sanglots naissent quand les mots ne sont plus que des pierres inutiles. »



Petit à petit, on apprend à connaître quelques pêcheurs et leurs proches. Ballottés dans cet univers âpre et brutal qui parfois se déchaîne, on ressent leur désespoir, leurs sentiments d'isolement, leur peur d'affronter la mer, leur courage, leur inconscience parfois dictée par la nécessité de survivre. Mais ce récit sombre est aussi illuminé par des trouées de lumière dans le ciel d'ardoise qui rendent la vie moins terne et monotone.



« Il est peu de choses aussi belles que la mer par une magnifique journée ou par une nuit limpide, quand elle rêve et que le clair de lune est la somme de ses rêves. Pourtant, la mer n'a nulle beauté et nous la haïssons plus que tout quand elle élève ses vagues à des dizaines de mètres au-dessus de la barque, au moment où la déferlante la submerge et nous noie comme de misérables chiots, peu importe à quel point nous agitons nos bras, implorons Dieu et Jésus-Christ, elle nous noie comme de misérables chiots. »



*

Quelques beaux personnages émergent de ce décor où la mer est souveraine.

On ne peut qu'apprécier ce jeune garçon tout juste sorti de l'adolescence, déjà meurtri par toutes les pertes qu'il a subies dans sa courte vie. Sans nom, il nous reste plus ou moins inconnu, mais déjà on s'attache à lui, percevant sa solidité sous sa fragilité apparente.

J'ai également aimé Bárður qui puise sa force tranquille et sa détermination dans l'amour de la littérature, des livres et de la poésie. Les mots deviennent alors des balises qui l'aident à traverser les moments difficiles, à apaiser ses angoisses, à reconsidérer le monde qui l'entoure et tourner son regard vers un horizon ensoleillé.



« Les rêves nous libèrent parfois des amarres de la vie. »



Mais, le reflux des vagues nous amène d'autres histoires qui prennent le pas sur celles des deux personnages principaux : les voix de Guðrún, Guðjón, GeirÞrúður, Brynjólfur, Ragnheiður, Þorvaldur, … sont comme des lignes de pêche jetés à l'eau. Elles se mêlent et s'entremêlent : amitiés, amours, deuil, regrets, combats, espoir, rêves.

De toutes ces vies solitaires et humbles, se dégage une profonde humanité qui m'a touchée.



« le coeur est un muscle qui pompe le sang, il est le domaine de la souffrance, de la solitude, de la joie, il est le seul muscle capable de nous ôter le sommeil. »



*

L'Islande… extrême, contrastée, majestueuse, féérique, une destination qui me fait rêver. Des paysages à couper le souffle.

Mes mots, seuls, ne suffiront pas à exprimer mes émotions de lectrice à la lecture de ce texte poétique teintée de perfection et de rudesse. J'ai voyagé au milieu des embruns, j'ai été ballotté par la puissance dévastatrice des vagues, j'ai rencontré des hommes courageux et fiers, j'ai rêvé, j'ai espéré, j'ai cru.



La plume de Jón Kalman Stefánsson, poétique, métaphorique, apaisante et enivrante est comme une caresse. L'auteur a su capturer le mystère insaisissable de ces paysages aux multiples visages : la beauté changeante et insondable de la mer, les variations de lumière, l'éclat sauvage des paysages accidentés, le spectacle majestueux de ces montagnes noires comme le charbon, écorchées, qui plongent dans la mer.



« … dehors la pénombre de la nuit les attend, qui monte du fond de la mer jusqu'au ciel où elle allume les étoiles. La mer respire lourdement, elle est sombre et muette, et quand elle se tait, chaque chose fait silence, jusqu'à la montagne en surplomb où le blanc et le noir alternent. »



Mais ces descriptions font aussi appel à d'autres sens, car on ressent pleinement l'odeur iodée du large, le hurlement du vent, l'humidité glacée de la brume, le froid mordant de la tempête.



*

L'écriture magnifique de l'auteur enveloppe le lecteur d'une douceur infinie que chacun s'appropriera à sa façon.

Si l'auteur réussit à merveille à nous plonger dans ce décor clair-obscur où la mer occupe une position centrale, le destin des hommes émerge délicatement des flots, étayés par des digressions philosophiques.



« La mer vient inonder les rêves de ceux qui sommeillent au large, leur conscience s'emplit de poissons et de camarades qui les saluent tristement avec des nageoires en guise de mains. »



Au-delà de cet amour inconditionnel pour la mer, l'auteur nous fait ressentir toute l'étendue des émotions humaines.

Le silence des hommes n'en cache pas moins leurs peurs face à la violence de la nature, leur envie de rompre avec la solitude et de trouver une amitié profonde, l'amour.



"Rien n'est doux pour moi, sans toi."



*

Pour conclure, « Entre le ciel et la terre » est un roman contemplatif qui se lit davantage pour la beauté de la langue plutôt que pour l'intrigue. J'ai été captivée par l'écriture poétique de Jón Kalman Stefánsson dans laquelle prédomine la mer, miroir des émotions humaines. D'une beauté bouleversante, il nous convie à explorer le monde intérieur de ses personnages.

Ce roman sur la perte d'un être cher et le deuil est également un apprentissage de vie, une expérience qui n'épargne personne.

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Mon sous-marin jaune

Ça parlerait de quoi le dernier roman de Jon Kalman Stefansson ? Peut-être qu'il serait vain de chercher à le savoir, ça parlerait de tout et de rien, ça entremêlerait les époques et les strates, l'imagination et le réel, les lignes du temps s'y superposeraient entre vivants et défunts au dessous du cosmos, Johny Cash, le père et l'Éternel ou les Beatles, les sternes arctiques et les phoques, la mort d'une maman et l'arrivée d'une belle-mère. Ça parlerait en filigrane d'un merveilleux conteur à qui tout semblerait permis, sa baguette d'immunité de poète en défricheur de vie, allant de détails en digressions, de délocalisations en situations. Mieux que de la TNT pour tout exploser, le JKS agirait comme de la pure dynamite à narration, toute en festival poétique.

Ça parlerait surtout d'un livre de vies presque sans histoires mais qui serait l'histoire de la vie, un livre sous forme de littérature englobante adepte du grand tout et surtout de condition humaine, qui défocalise et débusque, titille les astres comme les aspérités d'une existence, une littérature envoûtante et débridée à l'affut de tant de choses surprenantes en ce monde, que « celui qui prétend le comprendre est soit un idiot soit un menteur».

Mais ça parlerait aussi d'une rengaine sous forme de rencontre en août 2022 de l'auteur avec Paul McCartney dans un parc londonien, avec la Trabant de son père en sous-marin et de son projet de redonner voix aux défunts et à sa mère, de sa jeunesse, de son copain Örn apostrophé par de vieux poètes de Mésopotamie, de tant de choses et encore d'autres, parfois drôles, même si la nostalgie est souvent là avec sa tristesse comme « une braise en nos coeurs ».

On croyait tout savoir de Jon Kalman Stafansson et ses méthodes de narration débridée, mais sans doute que l'on n'en savait rien ou pas grand chose tant la surprise et le plaisir à s'embarquer dans ce sous-marin jaune restent intacts, peut-être même qu'il nous livre ici son roman le plus personnel, traumatique et émouvant. Et magnifique.



« Et peut-être la littérature est-elle en fin de compte le lieu qui nous permet de nous rapprocher un peu plus de la compréhension de l'existence ou d'en appréhender quelques éléments, en grande partie parce qu'elle abolit toutes les limites. Ou plutôt parce qu'elle ignore les frontières que l'homme est bien le seul à comprendre, il les éparpille autour de lui et les souligne avec tant de force qu'on peut aller jusqu'à dire qu'elles sont le principe selon lequel se définissent son existence et son univers. 

Même si lesdites frontières n'ont d'existence qu'à l'intérieur de sa tête. »





Un grand merci à Babélio masse critique et aux Éditions Christian Bourgois !
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Ásta

Deuxième lecture pour cet auteur qui m'agrippe à chaque fois ! J'ai retrouvé cette trame déstabilisante, qui semble être la marque de fabrique de Jon Kalman Stefansson.



Une lecture addictive comme de ces rencontres que l'on espère vivement, que l'on vit intensément et que l'on garde longtemps en tête dans ses souvenirs et que l'on prend plaisir à se remémorer ...



Il faut lâcher prise avec ce livre qui peut paraitre parfois un peu exigeant, il ne se donne pas facilement . On passe d'époque en époque, on glisse d'un personnage à un autre dans les souvenirs de Sigvaldi qui victime d'un accident d'échelle vit sans doute ses dernières heures ...



On jongle entre passé, présent et futur tout ce qui construit les âmes et les corps des gens.



Astà est la fille de Sigvaldi et Helga et l'auteur va décrire dans son livre l'histoire entre ces deux là mais aussi les histoires d'amour d'Astà.



Astà c'est la fougue, c'est la beauté à l'état brut, c'est aussi la commissure de ses lèvres qui en ferra fondre plus d'un.



Car Astà va se définir par tous les hommes qui traverseront sa vie. Femme avant d'être mère, elle avancera dans la vie en trébuchant souvent mais en allant haut également... Les hommes papillonnent autour de cette étoile et s'y brûlent souvent.



Dans ce livre j'ai senti comme une inversion des responsabilités qui se distribuent entre hommes et femmes. Comme si l'auteur voulait nous montrer que les hommes et les femmes pouvaient assumer ou du moins essayer d'assumer des rôles différents que ceux prédéfinis dans notre société.



L'écriture de Jon Kalman Stefansson est lyrique et charnelle. On a de la poésie et du sexe aussi et tout ça se mélange avec une belle fantaisie lubrique. Je trouve ça bien délicieux.



Et l'amour la liberté sont au centre de tout. Ce livre porte bien son nom car Astà c'est l'amour à une lettre près.



De beaux portraits se dégagent de ce livre aussi bien féminins que masculins, ainsi que de magnifiques rencontres.



Mon seul petit regret est de ne pas en avoir su assez sur l'amour qui a rapproché puis éloigné Astà et Josef... Oui, monsieur l'écrivain, j'aurais vraiment aimé lire vos mots sur ces deux là !



Je suis sûre que votre texte aurait été beau sauvage et poétique et que je l'aurais aimé. En attendant, c'est ici le lecteur qui doit composer au gré des pages et aux travers des souvenirs subjectifs des deux protagonistes les lignes délicieuses de cet amour.



J'ai lu ce livre en temps et en heure avec le prêt sur la médiathèque numérique de la Loire mais j'ai aussi prolongé ce prêt pour revenir sur les nombreux marque pages envahissant mon livre numérique.



Un réel plaisir de lecture comme un coup de foudre

qui vous déstabilise mais vous fait allez plus loin, plus haut !



Merci Monsieur Stefansson, je vous retrouve très vite dans vos mots si délicieux car il me reste encore d'autres livres à découvrir, j'en suis ravie ♥
Lien : https://imagimots.blogspot.c..
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Ton absence n'est que ténèbres

Une saga foisonnante sur la généalogie des hôtes d'un fjord islandais ?

Un poème philosophique sur le lombric maître des destinées humaines ?

Un opéra-rock dédié à la Camarde ?

Une ode au désir qui nous mène, nous démène, nous emmène ?

Une quête d'identité qui dessine le portrait en creux de l'écrivain, ce démiurge qui s'efface devant ses personnages, lutte contre l'oubli et a, seul, le pouvoir de voyager entre les galaxies et les draperies plissées du temps ?



Le stupéfiant livre de Jon Kalman Stefansson est tout cela à la fois.



Les quelque six cents pages de Ton absence n'est que tenebres sont une sorte de voyage au long cours dont on ne sort pas facilement une fois qu'on s'est immergé dans les vagues enveloppantes de ses phrases, qu'on s'est laissé prendre dans les fils ( croisés, suspendus, renoués) de ses histoires, qu'on s'est attaché à ses personnages aux noms imprononçables et à la personnalité marquante, unique, qu'on a tenté de reconstituer le puzzle d'une généalogie familiale étalée sur 120 années, où les thèmes se recoupent, se répètent, s'éclairent ou s'obscurcissent au gré des rencontres, des choix, des séparations, des tentations, des trahisons, des pulsions de désir, des abîmes de la mélancolie et des cimes de l'ivresse.



Je ne suis pas sortie indemne de cette odyssée-là. Guoriour (j'oublie quelques accents..) chevauche éternellement Ljuf la douce, et son sourire spécial. déchire de désir les deux hommes qui l'aiment. Un doux géant oscille au bout d'une corde tandis qu'un philosophe appelé cimetière en danois tente de le retenir dans ce bas monde. Un pasteur amoureux écrit à un poète allemand mort, un musicien tire au fusil sur des camions pour s'assurer de son existence, depuis que son père lui a menti et que sa mère morte lui a demandé un verre d'eau, tandis qu'une belle syrienne aux yeux noirs l'attache sur une chaise pour le faire jouir...



Autant d'images fortes, de récits inoubliables qu'un narrateur amnésique coud ensemble comme les pièces d'un patchwork, guidé par un chauffeur de bus mi-pasteur, mi-démon, qui le pilote entre les mondes creusés par l'oubli, lui intimant l'ordre d'écrire...



Et il écrit. Sans savoir ni qui il est, ni ce qu'il cherche, ni où il va, tandis qu'à nos yeux éblouis se dessine et s'éclaire une histoire vaste, profonde et cohérente, parfois énigmatique et mystérieuse, parfois absurde et sombre, parfois enivrante et joyeuse.



Comme la vie même.
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Ásta

J’ai eu du mal à entrer dans ce roman, car l’auteur fait des allers et retours sans arrêt entre les époques, Ásta vient de naître, quelques pages plus loin, elle est adolescente dans les fjords de l’Ouest où elle a été envoyée un été, après avoir casser le nez d’un camarade de classe, puis on la retrouve adulte, perdue, et ça continue encore et encore…



J’ai compris que l’auteur faisait raconter l’histoire d’Ásta par son père, Sigvali qui est tombé d’une échelle, donc les images lui reviennent forcément dans le désordre, un peu comme si toute sa vie défilait aux portes de la mort. Donc, je me suis accrochée…



Comment parler d’Ásta ? tout d’abord en expliquant pourquoi ses parents ont choisi de lui attribuer ce prénom : il s’agit en fait d’un hommage à un personnage de roman de Halldor Laxness ! et l’amour est au centre de ce roman :



« En retirant la dernière lettre du prénom, il reste le mot àst qui signifie amour en islandais. »



L’histoire de cette famille est belle, l’auteur pose notamment une question : hérite-t-on de la « folie » de sa mère, ou n’est-ce qu’une répétition du scénario : on abandonne alors qu’on a été abandonné. Et en poussant plus loin la réflexion : peut-on envisager même l’idée d’être aimée après un abandon ?



Et Ásta fuit tout ce qui pourrait l’aider, tous ceux qui l’aiment vraiment pour tomber sur des êtres négatifs. On la suit à Vienne où elle part faire des études, abandonnant sa fille à ses parents. Elle fuit l’amour, elle fuit dans l’alcool, laisse partir son amour de jeunesse, Josef, comme si le bonheur ne pouvait que s’abimer, sans se donner une chance d’y avoir droit.



Jón Kalman Stefánsson évoque aussi et de fort belle manière, le passage de l’adolescence à l’âge adulte : se fait-il en douceur ou un évènement peut-il qui faire basculer brutalement dans le monde des grands, devenir mature avant l’heure ?



On retient l’omniprésence de l’alcool dans ce roman : le père de Sigvali avait des phases d’imprégnation massive, « il était beaucoup moins drôle quand il sombrait dans le trou noir de l’alcool. Ses beuveries duraient en général deux à trois semaines, et aucune puissance terrestre ni céleste ne semblait pourvoir l’arrêter. »



Outre l’alcoolisation massive, on note aussi au passage l’importance de la sexualité : une première scène torride entre Helga et Sigvali, bien sûr, mais parfois on a droit à des scènes de sexe toutes les trois ou quatre pages et cela finit par devenir lassant.



La littérature est omniprésente dans ce roman, Jón Kalman Stefánsson rend hommage aux écrivains de son pays, surtout aux poètes, un des personnages, le frère de Sigvali, est un écrivain, ou du moins tente d’écrire, car l’inspiration n’est pas au rendez-vous, alors il choisit d’écrire une autobiographie, cela lui permet de parler de lui !



« L’écriture libère des choses en moi. Ça te semblera peut-être étrange, mais quand j’écris, je deviens plus grand que l’homme que je suis. Oui, je me transforme en une corde sensible qui tremble entre le visible et l’invisible. »



L’Islande est un pays qui me fascine car tout prend un aspect gigantesque dans ce pays… on retrouve la magie des grands espaces, des éléments déchaînés, la précarité, la vie qui s’apparente parfois à une simple survie et, outre les poèmes, l’auteur évoque comme pour adoucir la rigueur, la musique; on croise notamment Nina Simone ou les nocturnes de Chopin selon l’humeur… sans oublier les prénoms islandais compliqués me font rêver : Sigvali, Helga et Sigrid, Sesselja, Gudmundur…



J’ai aimé l’histoire de cette famille mais le mode de narration choisi par l’auteur m’a dérangée, parfois même irritée et je ne suis pas sûre qu’elle apporte quelque chose de plus au roman.




Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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La tristesse des anges

"La tristesse des anges" fait suite à "Entre ciel et terre". Nous retrouvons Le Gamin là où nous l'avions laissé, auprès de Geirþrúður, de Helga et du capitaine Kolbeinn. Voilà trois semaines qu'il est hébergé à l'auberge contre quelques menus services. Alors que le printemps se fait attendre, Jens le Postier arrive enfin, en plein milieu d'une tempête de neige. À peine remis de son périple (et à peine réchauffé), il doit repartir vers le Nord. Parce qu'il est un habitué de la mer, Le Gamin est désigné pour l'accompagner. C'est une longue épopée qui les attend, dans laquelle ils devront faire face au vent violent, à la neige ténébreuse, au froid, à la fatigue, à la faim, à la soif...



C'est un véritable plaisir que d'avoir retrouvé la jolie plume de Jón Kalman Stefánsson : une plume tout en poésie, envoûtante, quelque peu lancinante, un peu hors du temps. Elle nous entraîne dans de grands espaces enneigés, nous isole, nous coupe du monde, au même titre que les protagonistes. Nous voyons du blanc partout, nous controns les vents violents, nous avons extrêmement froid, faim, soif. Nous luttons contre cet environnement hostile, non plus pour mener à bien notre mission, mais tout simplement pour rester en vie. Tout est extrêmement bien dépeint : la tempête incessante, les montagnes, le ressac de la Mer Glaciale que l'on entend au loin, les silences entre les flocons de neige, le blanc qui englobe tout à perte de vue. C'est à la fois beau et terrifiant, d'autant qu'on s'y croit réellement.



Le duo que forment Le Gamin et Jens est lui aussi adroitement brossé. C'est d'abord timidement que nous assistons à la relation qui s'installe entre eux. Tout les oppose : leur âge, leur condition physique, leur personnalité. Pendant que Le Gamin se demande encore s'il a le droit de vivre alors que tous ceux qu'il aime sont morts, pendant qu'il se pose beaucoup de questions et qu'il en pose beaucoup autour de lui, Jens quant à lui a besoin du silence pour avancer, réfléchir, marcher, vivre. Tous deux devront s'habituer à l'autre, au silence de l'un, au besoin de parler de l'autre. Leurs relations seront ponctuées tour à tour de colère, de mutisme autant que de confidence, de soutien autant que de renoncement. Mais le lien se crée, tout doucement, et s'il est fragile au début, on le voit se fortifier au fil de leur avancée. Cette relation complexe nous permet de les apprivoiser, de nous attacher à l'un comme à l'autre.



Mais je n'ai pu apprécier tout ça dans son entièreté. Comme avec "Entre ciel et terre", bien qu'en pire ici, mon plus gros problème se situe au niveau de la mise en forme, et plus précisément de l'absence de typographie dans les dialogues. Ils sont ici mélangés au reste de la narration, et sont bien plus nombreux que dans le tome précédent. Il arrive quelquefois qu'ils soient annoncés comme dans une pièce de théâtre (avec le nom du personnage indiqué avant la réplique), notamment lors de longues conversations impliquant plusieurs protagonistes, mais c'est assez rare. Le plus souvent, les personnages se donnent la réplique dans un même paragraphe, on passe sans cesse d'une phrase à l'autre en changeant à chaque fois de personnages, et ce n'est pas toujours évident. Parfois même, on a deux personnages qui se répondent dans une seule même phrase... C'est brouillon, totalement désordonné, et c'est aussi très fatiguant. Je ne comprendrais jamais en quoi c'est si compliqué d'utiliser des guillemets et des tirets...



Un très beau roman tout de même, grâce à sa belle et périlleuse intrigue, grâce à la magnifique plume de l'auteur (et de son traducteur), et dans lequel la (non)fin ne peut que me motiver à ouvrir rapidement "Le cœur de l'homme", dernier tome de la trilogie.

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D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds

Ex-poète reconverti en éditeur, ex-mari de Þóra qu'il a humiliée et trahie, Ari revient en Islande après deux années passées à Copenhague. le coeur lesté de regrets, il rentre au pays pour son père qui serait au plus mal. La perspective de revoir Keflavík, ce coin de l'île sinistrée par le départ des américains et les quotas de pêche, fait remonter les souvenirs de son histoire familiale. Lui revient en mémoire sa jeunesse dans l'ombre de son cousin Ásmundur, tant admiré, son travail dans le hareng, les filles qu'il convoitait, mais aussi ses relations difficiles avec son père, sa mère trop tôt disparue et trop vite remplacée ou la passion qui unissait son grand-père Oddur, le meilleur capitaine de pêche du fjord et sa grand-mère Margrét, qui alternait euphorie et dépression. Sa famille, ses amis, des hommes et des femmes, poètes et rudes à la tâche, qui peuplaient cette terre perdue, la ‘'plus noire de l'Islande'', devenue la plus grise depuis qu'on les a privés de leur seul moyen d'existence. Qu'espère-t-il en revenant ? Un rapprochement avec son père ? Une réconciliation avec Þóra ? L'idée, peut-être, d'être chez lui, au bon endroit, au bon moment…





Où l'on retrouve toute la poésie de Jón Kalman Stefánsson qui sait si bien décrire les paysages âpres de l'Islande et l'âme de ses habitants. Dans les pas d'un narrateur qui restera inconnu jusqu'à la fin, il nous emmène dans la région de Suðurnes, au sud-ouest de l'île. Y cohabitent les vestiges d'un passé glorieux et les tentatives désespérées des autorités locales pour faire revivre ce territoire oublié de tous. Entre terre et mer, passé et présent, l'auteur raconte une chronique familiale universelle : le temps qui passe, les choix, bons ou mauvais, les décisions que l'on prend, mûrement réfléchies ou sur un coup de tête, les pertes que l'on subit, les héros, les moutons noirs, les femmes et le mal qu'on leur fait, les mille et une façons de faire face aux poids de l'existence…

Poétique et sensuelle, tendre et humble, l'écriture de Jón Kalman Stefánsson est un enchantement sans cesse renouvelé. Il sait si bien décrire les hommes et les femmes d'Islande, dévoilant leur âme, leur lumière, leur part d'ombres. Pour l'apprécier, il faut savoir lâcher prise, accepter de ne pas tout comprendre, se perdre dans l'espace-temps, voguer avec lui sur la mer déchaînée ou arpenter la terre volcanique d'Islande, se laisser guider par cet orfèvre des mots, cet explorateur des profondeurs de la condition humaine. Un très grand auteur.

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Ásta

Après Ton absence n’est que ténèbres, qui m’avait intriguée, déstabilisée et laissée interrogative, ce roman conclut sans doute la partenariat unilatéral qui me reliait à cet auteur !



La déstructuration temporelle est poussée à l’extrême et même si le linéaire n’est pas indispensable pour se repérer, dans le cas présent, il m’aura désorientée jusqu’à la fin. On navigue entre les lettres qu’Ásta écrit depuis Vienne, les propos brumeux que tient son père qui vient de tomber d’une échelle, les souvenirs d’enfance d’Ásta et l’évocation de la vie déjantée de sa mère !

C’est le style Stefànssson, sa signature et il s’en explique :



« Il est impossible de raconter une histoire sans se garer, sans emprunter des chemins incertain, sans avancer et reculer, non seulement une seule fois, mais au moins trois – car nous vivons en même temps à toutes les époques. »





Sans compter les (trop) nombreuses scènes de sexe, pas spécialement lyriques et inutiles pour faire passer un message.



Perdue par la construction, agacée par la lubricité des personnages, j’aurais bien usé d’une accélération temporelle pour avancer dans le récit et en finir. Il est hautement probable que je ne persévérerai pas dans la découverte de cet auteur, ou alors il faudra des arguments massue pour me convaincre. Et c’est dommage car malgré tout, le roman réfléchit sur le sens de la vie, la course au bonheur, le destin. C’est vraiment la question de la forme qui m’empêche d’accéder à ces messages.





496 pages Grasset 29 Août 2018




Lien : https://kittylamouette.blogs..
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