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Critiques de Joyce Carol Oates (3263)
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Poursuite

Je ne connaissais par cette auteure (honte sur moi) et je n'ai donc aucun point de comparaison.

C'est une sorte de roman psychologique qui se déroule en plusieurs temps, avec une remontée dans le passé de la protagoniste (photo de couverture) pour expliquer le présent, par bribes.

Cette narration se fait à plusieurs voix, parfois bien distinctes parfois entremêlées, donnant une impression de chaos mental.

Celui-ci fait pendant au déséquilibre, aux fragilités exacerbées des personnages.

On est plongé dans une description assez intimiste, assez déstabilisante de l'univers des états-unis périphériques lorsque la situation des hommes et femmes est socialement sur le fil.

Un bon petit roman psychologique.
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Viol, une histoire d'amour

Titrer un roman "Viol" annonce d'emblée la lourdeur du contenu.

Mais ce n'est pas tout.

Faire suivre ce mot de l'expression "une histoire d'amour", vous avouerez qu'il faut être un peu pervers... ou sacrément culottée et talentueuse comme l'est Joyce Carol Oates.

Parce qu'après ce titre coup de poing, il faut que la suite soit à la hauteur.

Et elle l'est, vraiment !

D'emblée, Joyce Carol Oates m'accroche par une entrée en matière saisissante.

C'est sa marque de fabrique, je ne suis pas étonnée, mais là, c'est vraiment percutant et ça soulève le cœur.

Après une scène de viol particulièrement atroce, le lecteur peut se dit que, tout comme la victime, il a passé le plus difficile. La suite va n'être que compréhension, compassion, aide, gestes et paroles d'humanité. La suite, logiquement, va lui faire du bien, tout comme à la victime.

C'est bien mal connaître Joyce Carol Oates, c'est bien mal connaître la société qu'elle décrit.

Et c'est là que la lecture devient terrible.

Les rumeurs nauséabondes fleurissent dans la petite ville. Cette Tina un peu marginale n'a-t-elle pas eu ce qu'elle voulait ? "Elle le cherchait, cette garce. Habillée comme une pute." Tina, fatiguée, qui avait eu la malheureuse idée de traverser le parc pour gagner du temps. "Qui sait ce qui se passait dans ce parc en pleine nuit ?"

À partir de là, pour Tina, face à ses agresseurs, ce sera "sa parole contre la leur". Et la parole de Tina ne pèse pas bien lourd, elle ne fait pas partie de l'establishment, elle.

Dans un court récit dans lequel elle s'adresse à la fille de la victime, Joyce Carol Oates nous entraîne dans le calvaire de Tina et de l'enfant.

Il leur faut subir les ragots, les réflexions malveillantes. Voir les violeurs rouler sous leurs fenêtres, les provoquer en toute impunité. Elles ont peur, la petite fille particulièrement : elle a peur que les coupables reviennent finir leur travail de démolition. Elles doivent subir les horreurs déversées par la presse à sensation, prête à tout pour vendre du papier. Il leur faut subir également le procès, pendant lequel rien ne leur sera épargné. Tout revivre, faire face à un avocat de la défense particulièrement vicieux.

Stop ! Assez ! Cette inversion des rôles est insupportable. Tina et sa fille sont les victimes tout de même !

J'ai lu ce roman avec l'envie permanente d'arriver à la fin. Non parce qu'il ne me plaisait pas et que je voulais vite m'en débarrasser, mais parce que les souffrances de Tina et de sa fille étaient insoutenables et que j'avais envie qu'elles cessent le plus vite possible.

Joyce Carol Oates pousse là un grand cri de colère à la face de la société américaine.

Le viol se déroule le 4 juillet, jour de fête nationale, jour de barbecues entre voisins, jour de grandes réjouissances. Mais cette belle unité de façade cache des dessous nettement moins reluisants. Une société intolérante, qui n'aime pas cette victime pas assez comme il faut. Une société injuste, qui n'accepte pas que la justice fasse son travail, les agresseurs étant des fils de bonne famille.

Joyce Carol Oates dénonce. Avec force. Avec détermination. Avec talent.

Mais les travers qu'elle dénonce sont-ils exclusivement américains ?

La réponse est clairement non, et son livre a une portée universelle. Hélas !

Un court roman d'une intensité incroyable, qui m'a profondément remuée.

La quatrième de couverture parle d'une histoire "racontée avec une éblouissante violence" : c'est tout à fait ça.
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Maudits

« Grandiose » est le terme qui me vient spontanément à l’esprit quand je repense à « Maudits » de Joyce Carol Oates.

En effet, ce roman contient plusieurs romans et donc plusieurs niveaux de lecture (je me suis d’ailleurs sentie impressionnée, durant toute la lecture, à l’idée de rédiger une critique !).



Princeton, 1905. Une jeune femme, Annabel Slade, est enlevée au moment même de ses noces par Axson Mayte, un mystérieux inconnu (qui serait peut-être bien le diable en personne !). Cet incident tragique apparaît être le point d’orgue d’une série d’événements étranges qui se sont produits quelques semaines, jours, auparavant. Josiah Slade, le frère d’Annabel, part à sa recherche désespérément. La retrouvera-t-il ? Le récit de l’enlèvement et de la recherche de Josiah est narré par un historien de Princeton, en alternance avec le journal intime d’Adelaide Burr, l’une des dames de la bonne société de la ville.

En parallèle de cette histoire principale, sont également racontés l’affrontement farouche de Woodrow Wilson, le président de l’université, contre son administrateur, ainsi que la vie d’Upton Sinclair, un jeune écrivain socialiste qui tente de connaître le succès par l’écriture d’ouvrage promouvant le socialisme.



Joyce Carol Oates signe donc avec « Maudits » un roman foisonnant, dense, érudit. S’il s’ouvre avec l’histoire d’Annabel Slade, via laquelle l’auteur s’est amusée à utiliser tous les codes du roman gothique, il emprunte également, pour les autres histoires, ceux du roman historique et socialiste, qui lui permettent de critiquer le rigorisme moral de cette société universitaire et aisée de l’époque, ainsi que son racisme et sa misogynie profondément enracinés.



Ces différentes histoires ont leur propre rythme, très rapide pour le roman gothique, plus lent pour le roman historico-socialiste, ce qui crée à mon sens un petit déséquilibre. En effet, si je me suis passionnée pour la séduction, l’enlèvement et la détention d’Annabel, ainsi que pour les conséquences de celui sur son entourage proche (son frère Josiah, sa meilleure amie Wilhelmina Burr ou encore son jeune cousin), j’ai été moins passionnée par les thèses socialistes d’Upton Sinclair.



Il n’empêche néanmoins que cet ouvrage, par la complexité de sa narration, ses différents niveaux de lecture, l’imagination débridée de l’auteur, est un chef d’œuvre de la littérature américaine. Un grand bravo à la maestria de Joyce Carol Oates.

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Les Chutes

C’était ma première rencontre avec Joyce Carol Oates et je suis sortie de ma lecture complètement charmée par son écriture.

Pourtant je partais avec de gros aprioris. J’ai toujours tendance à me méfier des auteurs prolifiques.

Je ne savais donc pas trop à quoi m’attendre, je craignais un peu le roman à l’eau de rose au vu de la 4ème de couverture mais pas du tout. J’ai été agréablement surprise et surtout conquise !



Les Chutes m’ont complètement transportée à une autre époque et dans un autre lieu. Pendant les deux jours qui m’ont été nécessaires pour le lire, j’étais là-bas à NiagaraFalls et j’ai vécu ces trois décennies avec Ariah et sa famille.

Les descriptions de Joyce Carol Oates sont si minutieuses, si détaillées qu’on est totalement happé et qu’on plonge sans retenue dans les Chutes.

Non seulement le décor et l’atmosphère sont brillamment travaillés mais également les personnages. J’ai rarement lu un roman qui approfondisse aussi bien la psychologie des protagonistes. J’avais presque l’impression de les avoir toujours connus, de faire partie de la famille.

Joyce Carol Oates nous fait entrer dans la tête de ses personnages, nous révèle toutes leurs pensées, leurs craintes, la fusion est parfois totale. L’auteur varie les points de vue, change de narrateur, on passe de la troisième à la première personne. On a vraiment la sensation de tout savoir, de pénétrer totalement leurs esprits.



Le personnage central du roman Ariah m’a, au début, beaucoup touchée. Le récit de la nuit de noces est absolument poignant. Joyce Carol Oates nous décrit cette nuit du point de vue d’Ariah puis de son mari. C’est dur, très dur, l’auteur ne nous épargne rien.

Par la suite, on apprend à la connaître de mieux en mieux et j’ai fini par la trouver franchement antipathique. J’ai souvent eu du mal à comprendre certaines de ses réactions.

Son deuxième mariage apporte également son lot de surprises et de moments durs. Ariah les aborde à sa façon mais reste pour moi un mystère. Essayer de comprendre Ariah, c’est comme d’essayer de nager une fois tombé dans les chutes. Elle est à leur image, indomptable, elle suit sa route et contourne les obstacles.

J’ai trouvé ses enfants beaucoup plus sympathiques.



A travers l’histoire de cette famille, Joyce Carol Oates nous raconte une partie de l’histoire des Etats-Unis, à une époque où la mafia, la corruption et les industriels sans scrupules avaient tout pouvoir. Elle nous brosse le portrait de la société américaine des années 50-60 et 70, les mentalités et les mœurs de l’époque. A plusieurs reprises, elle nous montre la lutte de certains contre les mentalités dominantes : Ariah et Dirk contre leurs familles respectives, Dirk et la population des quartiers pauvres contre l’élite de la ville …

La dimension dramatique de ce roman est très forte et se ressent énormément, certains passages sont marquants et bouleversent le lecteur.



Tout le roman est sous-tendu par un thème omniprésent mais sous différentes formes : la fuite, fuir une vie dont on ne veut pas. L’auteur en explore divers moyens : fuir tout simplement en partant, fuir en s’isolant du monde auquel on veut échapper, fuir en mettant fin à ses jours. Chaque personnage du roman est confronté à un moment ou à un autre à une de ces variantes. La fuite se répète donc et passé le fameux point de non-retour comme pour le fleuve, il n’y a plus d’échappatoire possible et il faut accepter son destin.

Beaucoup de questions sont soulevées dans ce roman, beaucoup de mystères subsistent.



C’est un grand roman très riche, très complet, très fin et j’enrage de ne pas savoir mieux exprimer mon enthousiasme car ce roman a été un vrai coup de cœur pour moi et je vous conseille de vous laisser, vous aussi, emporter et fasciner par les Chutes.


Lien : http://booksandfruits.over-b..
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La nuit. Le sommeil. La mort. Les étoiles.

La nuit traverse ma vie. Elle illumine mes pages. Lorsque le sommeil n’a pas frappé à la porte de mon pub, je pense à la mort, je regarde les étoiles. Les pages de ma vie ne sont guère grandes et imagées, alors je me tourne vers d’autres pages, celles de Whitey, sexagénaire, blanc et respectable, deux mots qui vont bien ensemble. Père de 5 enfants, et surtout ancien maire de la petite bourgade de Hammond, État de New-York. Là-bas, il ne fait pas nuit, c’est bien au petit matin, au bord d’une petite route, que sa route s’arrête. Devant lui, deux policiers semblent admonester brutalement un jeune gars, noir ou basané, peu importe. Droit dans ses mocassins et son ancienne autorité, il décide de s’en mêler, impulsions électriques. Sa nuit commencera quelques jours plus tard. A l’hôpital. Au cimetière. Chez le notaire, un testament à lire.



Le sommeil fuit ma vie. Il s’échappe de la fenêtre de mon âme, et laisse ainsi divaguer de sombres pensées, la nuit, sur la mort, sur les étoiles. Alors, je plonge dans un roman de grande envergure. Comme un albatros déployant ces ailes, le roman déploient ses pages. Presque 1000 au compteur. Ça en fait une sacrée vie, celle de Whitey, de sa veuve et de sa succession. Le roman de ma vie aurait du mal à contenir 10 pages. 923 pages, je mets un peu plus de précision dans mes dires, et peut-être qu’à compter les pages comme on compte les moutons, le sommeil va s’emparer un peu de ma vie. Plus de 900 pages donc passionnantes de bout en bout.



La mort obsède ma vie. Elle est là tapie dans la nuit, se faufile entre le sommeil et les étoiles, sous le bel œil de la lune, bleue dans ma tête, brillante dans le ciel. La mort, et dire que je n’aurais pas lu toute la biographique de cette grande écrivaine qu’est Joyce Carol Oates. J’ai arrêté de compter, je fais genre mais je sais pertinemment qu’avec celui-là, j’en suis au dixième, comme autant de bières bues au cours de ce pavé littéraire. Mais quand on aime on ne compte pas. On pense simplement au silence de l’amour. Et un peu, beaucoup, passionnément, à la mort. JCO, je fais au plus court pour épeler son nom, avant que la mort ne l’emporte sur ma chronique, fait partie de mes grands auteurs de la littérature américaine. Rien ne sert à faire un classement de ces œuvres majeures, mais ce dernier atteindrait certainement les cieux de ses écrits.



Les étoiles brillent de leurs milles éclats, de leurs milles vies. A illuminer ma nuit, mon sommeil, ma mort. Là-haut, je m’y vois déjà, tutoyer la lune bleue, la caresser au plus près de mon regard silencieux. Mais avant, redescendre, des cendres éparpillées, aux pieds d’un sequoia ou d’un rosier, racines emmêlées de la société nord-américaine. Joyce Carol Oates distille par ci par là, entre moments de grâce et de torpeurs, quelques bribes de racisme, de bourgeoisie et de néo-hippie. Au sein d’une famille presque ordinaire qu’un instant presque ordinaire a bousculé, bouleversé, c’est tout le traumatisme d’une Amérique qui se dévoile au cours de ces 1 kg 075 de littérature, lourde, riche et enivrante.

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Valet de pique

J'apprécie de plus en plus le style de Joyce Carol Oates et j'aime être emporté par elle dans des histoires, des genres bien différents à chaque fois. Ici on est clairement dans le thriller, avec une ambiance tendue de bout en bout.



Le sujet est pourtant bien connu, un personnage principal écrivain (mon dieu que c'est original), qui écrit sous pseudonyme, en cachant totalement cela à ses proches... L'auteure cite avec beaucoup de culot ses prédécesseurs dans ce genre de récit, notamment King et sa Part des Ténèbres, en plein passage d'accusation de plagiat. Au moment même où je me disais que cela commençait à beaucoup ressembler à ce roman du Maître, elle assume totalement la parenté et désarçonne du même coup les critiques qui auraient pu poindre.



L'auteure parvient également à réinventer le thriller avec une narration à la première personne, un narrateur étrange, au bord de la folie, dont on découvre petit à petit l'histoire, qui passe du personnage sympathique avec qui on a envie d'aller boire un verre... à celui qu'on aimerait pas trop croiser à la sortie de ce même bar ; d'un narrateur modeste et bienveillant à un égocentrique tyrannique. Le glissement est subtil, parfaitement maîtrisé et assez jouissif à observer (quand on est un peu pervers me direz vous ? Sans doute... ce qui prouve que vous ne me connaissez pas si bien que ça du coup... Je dis ça...)



Bref, une lecture bien agréable, déstabilisante comme souvent ce que j'ai lu d'Oates, et où on prend plaisir à être dérangé et à perdre certaines de nos certitudes.
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Poursuite

Abby , vingt ans, tout juste mariée , un matin d'avril d'une éclatante lumière avec le gentil , bienveillant , compréhensif, très amoureux , Willem Zengler , étudiant en médecine .



Le lendemain même, en descendant d'un trottoir elle est renversée par un autobus : poumon perforé , clavicule et cinq côtes cassées , le chauffeur du bus , confus , dit qu'elle avait l'air «  d'être en train de décider quelque chose » ..

Sa convalescence est peuplée de terribles cauchemars qui effraient son jeune mari ., l'amenant à se poser des questions à propos de la supposée famille d'Abby ? .

Et Pourquoi ses nuits sont - elles tourmentées , habitées par des souvenirs effrayants : un champ peuplé d'ossements humains d'un blanc laiteux dans lequel elle errerait à l'infini ?

Oui , pourquoi ?

Qu'a t- elle vécu enfant auprès de son père , vétéran d'Irak ?

Accro à l'alcool et à toutes sortes de drogues ?

Ce roman magistral, dense, complexe , non linéaire, en trois parties , chapitres courts , titres plus ou moins terrifiants «  Solution finale , » «  , Suicide », «  Traque » , « « Menottes «  Repérage » «  surveillance » «  attaque » , «  mission accomplie » plonge le lecteur au coeur de zones troubles , les ombres du passé familial d'Abby, un passé de petite fille abandonnée , peuplé de détails sordides , de violence , de drame , d'abandon , d'ossements fantomatiques , de sévices , de colère , de douleur , de cauchemars …..d'horreurs liées à la guerre , à la jalousie , à la folie …

La vérité se fera jour ……petit à petit ….



Je ne peux rien dévoiler ,mais je tiens à saluer avec force l'immense talent presque «  machiavélique » de cette grande auteure américaine prolifique ,poétesse , femme de lettres , nouvelliste , dramaturge ….



Il n'y a qu'elle pour nous tenir sur le fil, en haleine jusqu'à la dernière phrase .

Je ne sais pas combien de livres j'ai lu de J. C Oates , je ne les compte plus , ( une quinzaine au moins ) bluffée à chaque fois par son savoir faire , son imagination, son intelligence, sa finesse psychologique, son incroyable talent …

Un thriller psychologique bouleversant , féroce , illuminé par une ode universelle bienveillante à l'amour, malgré les tragédies lu d'une traite ….évidemment .

Sitôt acheté , sitôt lu ….



On ne résiste pas à cette grande artiste de la chose littéraire ! .

Attention, c'est violent !
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Petite soeur, mon amour

Emerger d'un roman de la grande Joyce Carol Oates équivaut à émerger d'un cauchemar et, à l'instar des cauchemars, il y a de fortes chances pour qu'il vous poursuive et vous hante plusieurs heures voire de nombreux jours après qu'il se soit achevé.



Un titre si tendre et si sentimental pour un roman noir comme seule Joyce Carol Oates sait en produire. La sensation de ne pas savoir où vous posez les pieds ; vous glissez des petits pas craintifs dans la brume opaque qui vous entoure et dans laquelle vos chevilles sont dissimulées. Vous avancez lentement jusqu'à sentir le sol se dérober sous vos pieds. Et le chute est rude, inévitablement.



Ici, vos pieds sont chaussés de jolis patins en cuir d'agneau ; les patins artistiques de la jeune Bliss, star prodige de la glace qui a déjà conquis le cœur des Américains adeptes de la compétition sportive dès le berceau. Bliss a presque 7 ans et elle a déjà derrière elle une carrière longue de trois années de glisse, de galas, de show et de strass. Coachée par sa mère, pistée par les médias et jalousée par son frère aîné, Bliss est une marionnette si (fr)agile.



Contrairement à ce que peut donc laisser penser son titre tendre et sentimental, "Petite sœur, mon amour" est un drame. Drame familial mais aussi et surtout drame social. Dans le parcours de comète de Bliss scintille le miroir aux alouettes du "rêve américain" de la classe suprémaciste américaine : amour, gloire et beauté, le règne tout puissant de la notoriété clé du succès. "Petit sœur, mon amour" est, à l'instar de bien des romans de la géniale Joyce Carol Oates, un pamphlet qui fustige la barbarie de la quête du succès, qui met en évidence la cruauté des procédés pour y parvenir et la médiocrité des résultats si durement atteints.



"Petite sœur, mon amour" est aussi un roman psychologique puissant qui se développe sous la narration psychotique de Skyler, le frère de Bliss. Maltraitance infantile, accaparement par les parents du destin des enfants, addictions destructrices, drame psychiatrique. Vous pouvez compter sur l'impudique Joyce Carol Oates pour ne pas vous ménager.



Oui, "Petite sœur, mon amour" est à classer parmi les romans très noirs de l'auteure. Une auteure dont la plume continue à me fasciner, à me scotcher, à m'enliser dans un cauchemar dont, vicieusement, je ne souhaite pas tant sortir. La peinture au vitriol que l'auteure dresse d'une société dont elle connaît parfaitement les travers et les fantasmes, dont elle maîtrise les codes et les langages, a de quoi faire froid dans le dos. Si son style accuse toujours quelques longueurs, au final, le voyage qu'elle propose, si riche de détails et de dimensions juxtaposées, mérite vraiment le détour bien qu'il nécessite d'avoir le cœur et les tripes bien accrochés.





Challenge MULTI-DEFIS 2022

Challenge PLUMES FEMININES 2022

Challenge PAVES 2022

Challenge Joyce Carol OATES

Challenge ABC 2021/2022

Challenge SOLIDAIRE 2022

Challenge ATOUT PRIX 2022
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Les Chutes

L’histoire de ce roman dense qui s’étend de 1950 à 1978, se déroule à Niagara Falls, jolie bourgade située près des célèbres chutes du Niagara.

Dès les premières pages, j’ai été entraînée, ballottée, par le courant impétueux de ce roman dense et bouillonnant à l’image des chutes qui lui ont donné son titre.

Dès le début, il est question de malédiction. A peine épousée, Ariah se voit devenir veuve lorsque son mari se jette dans les chutes. Elle sera surnommée « La veuve blanche » et son histoire dramatique va nourrir la légende.

Remariée avec Dirk Burnaby, issu d’une famille aisée et avocat réputé, elle va se consacrer à son rôle de mère. Distante et peu sociale, ses trois enfants sont tout pour elle, toujours angoissée à l’idée que le malheur rôde au-dessus de leurs têtes.

Ce malheur va arriver lorsque Dirk Burnaby se lance dans la défense de Nina Oldshaker, une mère sans le sou dont l’un des enfants est mort d’une leucémie. Elle est persuadée que les déchets toxiques des usines chimiques qui ont été enterrés dans Love canal sur lequel on a construit de modestes pavillons sont responsables de tous ces cancers dans cette partie de la ville. Burnaby va défendre cette cause perdue au risque d’y perdre sa réputation et sa famille.

Ce procès, que le brillant avocat va perdre, est le point de rupture. Après, la vie d’Ariah va basculer dans la tragédie. Elle taira cet épisode à ses trois enfants pour les protéger sans doute, et tenter d’éloigner de leur tête cette malédiction qui la poursuit.

Ariah est au centre de la vie de ses enfants : Chandler, Royall et la petite dernière Juliet. Ils grandissent en ignorant tout des circonstances de la disparition de leur père.

Joyce Carol Oates mêle avec subtilité la réalité d’un scandale écologique avec l’affaire Love canal et l’histoire terrible d’une famille dont la vie va se retrouver bouleversée à cause de la corruption et l’hypocrisie d’une société pervertie par l’argent et le profit.

Malgré quelques longueurs, surtout dans la première partie du roman, on se laisse captiver par le destin étrange de cette femme obstinée et farouche qui ne veut compter que sur elle-même. En filigrane, il y a cette violence prête à surgir et dont on découvre la force lors d’une prise d’otage vécue par Chandler l’ainé des enfants Burnaby.

A travers la destinée de ses personnages, Joyce Carol Oates dissèque avec une minutie impitoyable les travers d’une Amérique des années 50 et 60. Son écriture est franche, elle nous fait entrer dans la tête des personnages, décrit avec minutie leurs états d’âme, leurs hésitations, leurs angoisses et leurs névroses. C’est fascinant et on a du mal à quitter les Burnaby après les avoir suivis durant toutes ces années



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La fille tatouée

Il n’y a pas à dire, JCO fait partie des meilleurs écrivains !

Profondeur psychologique, style au plus près de la pensée, focus sur l’Amérique profonde, description vraie des mentalités : tout est à prendre, chez elle.



La Fille tatouée vient de cette Amérique profonde, et elle provient même du plus profond des trous perdus, comparable à l’enfer, car son enfance et son adolescence ont été enterrées dans ce paysage de mines d’Akron Valley, finalement incendiées et rejetant des vapeurs toxiques.

La Fille tatouée, prénommée Alma, est profondément inculte, rejetée, niée dans sa personne, exploitée par ces mâles qui sautent sur tout ce qui est débile. D’ailleurs, les tatouages qu’elle porte, elle ne sait pas d’où ils viennent, du moins elle est incapable de l’expliquer.

Et quand la Fille tatouée rencontre l’intellectuel reconnu Seigl, auteur d’essais et d’un roman sur la Shoah, c’est le choc des cultures ! Ou plutôt le choc de l’inculture et de l’intelligence.



Oates excelle dans l’art de plonger dans les êtres, qu’ils soient horribles, fades ou tourmentés, pour en extraire la quintessence. Oates aime l’Homme, même si elle adore en raconter les instincts les plus sauvages ou les plus cachés. Elle l’aime tant qu’elle arrive à en extirper le cœur pour prouver la condition humaine, par là-même faible et excusable.

Pas de parti-pris, rien que l’humain, chez chacun, que ce soit la Fille tatouée, créature débile et molle, ou Joshua Seigl, au cerveau plein d’ouragan, ou encore les personnages secondaires, génialement décrits.



Je me ferais bien tatouer « JCO » sur le bras, tiens !

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Nulle et grande gueule

Ursula se trouvait terne, trop grande, trop costaud - adolescence, ton univers impitoyable. Depuis qu'elle s'est auto-baptisée 'la Nulle' en secret, elle ne craint plus rien ni personne. Sa seule présence impose le respect, personne n'ose s'y frotter. Mais elle a beau s'être blindée, endurcie et isolée, elle garde une belle sensibilité et une grande générosité. Elle seule osera défendre Grande Gueule, un type sympa qui fait rire tout le monde mais qui ne mesure pas toujours la portée de ses reparties.



Belle histoire d'amitié adolescente. Deux lycéens qui s'unissent dans l'adversité, contre la rumeur, le conformisme, la lâcheté, le harcèlement et la violence. On retrouve le style sobre de Joyce Carol Oates et des thèmes qui lui sont chers, une atmosphère particulière et des personnages 'sur le fil' à la fois vulnérables et pleins de ressources.



Ce roman m'a semblé légèrement plus naïf et convenu que les autres de son répertoire jeunesse (pour grands adolescents). Peut-être en raison de la ressemblance entre Nulle/Ursula et Zarbie les Yeux verts, dont l'histoire, plus spectaculaire, m'a particulièrement marquée.
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Un livre de martyrs américains

Waouh aurais-je envie de dire pour qualifier ce roman ! Me voici réconciliée avec l'auteure ("Nous étions les Mulvaney" m'ayant modérément convaincue....).

Je me suis régalée !

.

Deux hommes. Un protestant intégriste, un médecin qui dirige une clinique d'avortement.

Un assassinat. Une condamnation à mort.

Deux familles bouleversées. Deux épouses qui sombrent. Des enfants qui subissent les conséquences de ce meurtre.

.

J'ai adoré être dans la tête du fondamentaliste. J'ai aimé partager les moments tendres du médecin avec sa famille.

Et ensuite... cette désagrégation des deux cellules familiales, symbole de l'opposition entre les deux camps irréconciliables. Une vision de l'Amérique d'aujourd'hui dans ses extrêmes.

Je me demandais comment l'auteure allait conclure ce roman. J'ai adoré la fin !



Un seul bémol : 1,03 kilos ! Lourd ce bouquin, très lourd.... Mes poignets s'en souviennent encore (c'est typiquement le bouquin qui est plus pratique en liseuse !)
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Zombi

Bram Stocker 1995 Prix du meilleur roman : Zombi de J C Oates !

Si ma culture littéraire s'étendait au delà de quelques rizières , j'aurais associé Dracula à ce prix et aurais su à quoi m'attendre . mais voilà, je ne savais pas . Et , mon Dieu, quelle claque!

C'est clair , depuis Ciao Connard , oeuvre complétement déjanté et déroutante, je n'ai rien lu de si "trash'.

Q...P... vient d'un milieu aisé. Son père est une sommité universitaire , sa soeur directrice d'école. Petit polo, mocassin à glands et brushing américain des années 80.

Q....P... lui est juste gardien d'immeuble, même s'il suit des cours d'ingénierie dans la fac locale.A 30 ans.

Parce que Q...P...a un peu déconné sur un mineur et qu'il est en liberté conditionnelle pour deux ans. Cela se passe bien. Il est poli, tond la pelouse de mamie et semble courtois avec son entourage.

Mais Q... P... a un rêve. Se fabriquer un Zombi, qui lui dirait "oui maitre, je suis à toi, encule moi". (Ce n'est pas du moi mais de madame Oates, je ne me permettrais pas :) ).

ça tombe bien , il tombe sur un document qui lui explique comment attaquer le cerveau à partir du globe oculaire ! En avant l'aventure !



C'est un livre à ne pas mettre entre toutes les mains, mais je suis admiratif devant le texte livré et cette immersion de l'auteur dans la peau de son personnage. le style , la folie latente, les apparences, la société qui passe à côté et derrière cette question des délinquants sexuels dans la nature et l'offuscation générale à la récidive.

Dire que ce livre est dérangeant, c'est un euphémisme . Mais le travail de l'auteur est remarquable.
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Nous étions les Mulvaney

Le narrateur nous raconte l’histoire de sa famille ; c’est Judd le petit dernier, le bébé qui n’était pas encore né quand tout est arrivé :



« Nous, les Mulvaney, nous aurions été prêts à mourir les uns pour les autres, mais cela ne nous empêchait pas d’avoir nos secrets. C’est toujours le cas.



C’est un adulte qui vous raconte cette histoire : Judd Mulvaney, trente ans, rédacteur en chef… »



C’est l’histoire d’une famille américaine, après la guerre, à laquelle tout semble réussir, une maison couleur lavande, un couple amoureux, des enfants, trois garçons, et une fille, très belle, qu’on a surnommée Bouton, qui fait la fierté de tous, les animaux… jusqu’au jour de la Saint Valentin où se déroule un drame : le viol de Marianne dans sa belle robe rose.



On ne prononcera jamais le mot dans la famille : on dira agression puis « ça » et bien-sûr tout est de la faute de Marianne, elle avait bu et ne se souvient de rien (dit-elle). Bien-sûr, le violeur qui appartient à une famille riche, restera impuni. Nous en sommes seulement à une quarantaine de pages du roman, et on pourrait penser que tout est dit.



En fait, ce qui intéresse l’auteure, ce sont les réactions de l’entourage; la famille heureuse va plus ou moins exploser : le père qui fuit dans les consultations d’avocats et finit par ne plus vouloir voir Marianne, alors il l’envoie chez une lointaine cousine : on ne voit plus le « problème » donc il n’y a plus de problème…



Cette famille est vraiment spéciale, surtout les parents que j’ai trouvé particulièrement égoïstes, dans le déni constamment. La mère Corinne est le pilier de la maison, est en adoration devant son époux et le soutient ; son côté hyper-religieux est assez horripilant.



Il y a aussi trois garçons, Mickey junior, le sportif, champion de base-ball, Patrick, l’intellectuel de la famille, aux raisonnements étranges qui font penser qu’il est atteint d’autisme, Asperger et le troisième Judd, le petit dernier, pratiquement transparent.



Joyce Carol Oates aborde très bien dans ce roman le thème du secret et du déni qui l’entoure, le rejet qui en résulte, mais aborde aussi les USA dans les années soixante-dix quatre-vingts, le chômage, l’alcool et la vengeance qui viendra en fait de celui que l’on n’a pas prévu.



Ce roman sommeillait depuis longtemps dans gigantesque PAL et avec le repos forcé, je me suis enfin décidée ! je l’ai beaucoup aimé, le thème du secret, la réflexion de l’auteure sur les conséquences familiales, son écriture m’ont plu.



J’avais déjà lu « Je vous emmène » qui m’avait laissée sur ma faim, je voulais explorer d’autres romans d’elle. J’ai encore « Mudwoman » et « La fille du fossoyeur » qui m’attendent et plus si affinités…
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Mudwoman

Entrez dans les marais des Adirondacks , frissonnez d'horreur face à ce petit corps d'enfant au crâne rasé, précipité dans la boue par sa mère folle, qui croyait à une demande divine...



Mudgirl, fille de la boue, sauvée miraculeusement, devient Merry pour ses parents adoptifs, quackers aimants et généreux. Adulte, après des études brillantes, elle sera M.R , plus exactement Meredith Neukirchen, célèbre et première présidente d'université. Quel parcours!



Son travail l'accapare, d'autant plus qu'elle est perfectionniste. Et il faut lutter contre le conservatisme universitaire et les attaques misogynes. Une place minime est laissée à l'amour...



Son désir de perfection cache en fait une angoisse de perdre le contrôle et c'est à l'occasion d'un voyage sur les lieux de son enfance que tout ce bel édifice du pragmatisme et de la raison va s'écrouler....



J'ai aimé le choix de l'alternance entre Mudgirl, le passé, et Mudwoman, le présent. C'est l'aspect le plus passionnant du livre: l'écart entre les actions du personnage, son aspect raisonnable aux yeux des autres, et le ravage intérieur, la confusion mentale qui la conduisent à l'épuisement et la folie. Les démons de l'enfance vont - ils triompher?



Ce roman pose la question de la résilience, et surtout de ses limites. Après avoir connu un tel traumatisme, comment vivre, vivre et aimer? Tout l'art de cette géniale conteuse est de nous faire pénétrer dans les méandres de l'âme humaine, dans les méandres de la Black Snake, pour retrouver l'acte initial, celui qui a déterminé toute une vie.



Un roman remarquablement construit, puissant, bouleversant. L'un de mes préférés de l'auteur jusqu'à ce jour.



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Carthage

Carthago delenda est ?

Carthage.

Un nom qui exhale un parfum de tragédie. Non pas grecque, mais américaine.

Carthage.

Un nom qui n'a certainement pas été choisi au hasard, car avec Joyce Carol Oates, rien n'est laissé au hasard.

Carthage.

Un nom qui rime avec carnage, en anglais et en français. Ça tombe bien !

Une fois de plus, mon auteur fétiche frappe fort.

Frappe sans état d'âme.

Frappe juste.

Frappe pile là où ça fait mal.

Joyce Carol Oates nous parle de la famille Mayfield. Une famille "ordinaire", comme on en voit tant aux États-Unis.

Papa, maman et leurs deux filles. Une famille normale. Du moins, en apparence. Car il suffit de gratter un tout petit peu, et la belle façade s'effondre, faisant apparaître toutes les lézardes, toutes les failles du bel édifice.

Et s'il n'y avait que la famille Mayfield !

Parce qu'à travers elle, c'est toute la société américaine qui passe à la moulinette. Et Joyce Carol Oates n'est pas tendre !

Fidèle à ses habitudes, elle ne fait preuve d'aucune indulgence et dresse un portrait terrible de son pays.

Traumatismes liés à la guerre, jalousie fraternelle, différentes façons de vivre un deuil, liens familiaux... les thèmes abordés sont multiples et s'imbriquent parfaitement dans un roman à la construction savamment maîtrisée de bout en bout.

Sans oublier la mort, omniprésente sous toutes ses formes.

Quelles différences y a-t-il entre la mort que donne un soldat au combat, un meurtre, et l'exécution d'un condamné ?

Voilà un beau sujet de réflexion, non ?

C'est féroce, c'est grinçant, c'est noir, c'est corrosif... et qu'est-ce que c'est lucide !

Joyce Carol Oates fait vivre ses personnages ; ils sont tellement crédibles, tellement vrais qu'on ne peut qu'être touché de plein fouet par le récit. Elle se met souvent dans leur tête pour nous faire partager leurs pensées, impliquant ainsi le lecteur, qui ne peut rester simple spectateur.

Lire Joyce Carol Oates est tout sauf anodin. Rien n'est paisible dans ses romans, et ce n'est pas celui-ci qui déroge à la règle.

La romancière vous emmène là où vous ne seriez jamais allés, là où vous n'auriez jamais osé vous aventurer.

Une petite promenade en prison dans le couloir de la mort vous tente ? Une petite visite dans une salle d'exécution vous fait envie ? Venez, c'est un guide de génie qui vous convie. Mais, attachez votre ceinture et respirez un bon bol d'air frais avant de vous lancer : la dame a la plume acerbe, elle distille à volonté ses petites remarques perfides et n'hésite pas de temps à autre à vous balancer ses scuds.

Je ne compte plus les livres de Joyce Carol Oates que j'ai lus : elle arrive encore à me surprendre, et j'en redemande.

Carthage est un roman bluffant, brillant, un excellent cru.

God bless America !
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Viol, une histoire d'amour

Tina se fait violer et tabasser très violemment par des voyous, sous les yeux de sa fille. Blessée, elle est surtout traumatisée. D'autant que c'est elle qui est mise à l'écart et jugée par ses voisins de la petite ville, qui se demandent si elle n'a pas cherché ce qui lui est arrivé.



Comme toujours, Joyce Carol Oates est très efficace dans son récit. Peut-être même un peu trop pour qu'on ressente de l'émotion... Heureusement que la petite Bethie, la fille de la victime dont on suit le parcours et les pensées tout au long du livre, apporte un peu d'humanité et de fraicheur. Heureusement qu'il y a aussi cette curieuse histoire d'amour du titre pour nous donner une note d'espoir.



Mais fondamentalement ce livre est glaçant, et c'est peut-être pour ça qu'il m'a laissée froide. Aussi puissant et révoltant que soit son thème, je ne suis pas sûre que je m'en souviendrai longtemps.
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Blonde

Mais qui est donc cette Actrice Blonde des années cinquante ? Un mannequin de cette époque lointaine où les rondeurs féminines étaient à la mode ? Une maîtresse d’un président américain, une pauvre écervelée morte d’une overdose ?



Dans ce roman biographique, Joyce Carol Oates présente un personnage beaucoup plus complexe qu’on ne pourrait croire…



- Une touchante petite fille marquée par la vie, qui habite chez sa grand-mère jusqu’au jour où elle la trouve morte, puis avec sa mère jusqu’au moment où elle tente de la tuer… et puis, une jolie fillette dans un orphelinat, qui rêve d’être adoptée et d’avoir une vraie famille.



- Une adolescente sage dont la beauté s’affirme et attire les regards, au point que sa famille d’accueil décide qu’elle doit se marier… à seize ans.

Une pin-up, une femme qui fait tout pour plaire, mais qui reproche aux autres de n’aimer que sa beauté…



- Une actrice qui joue des rôles, s'identifie à ses personnages et ne sait plus quel est son propre rôle, et qui devient ainsi une Marilyn qui n’est pas une personne, mais une création du Studio…



- Une blonde ignorante, mais qui lit l’Origine des espèces ou les Pensées de Pascal et qui voudrait jouer du Tchekhov…



- Une star toujours en retard sur le plateau au mépris de tous les autres, qui donne une image de suffisance, mais qui doute toujours d’elle-même…



- Une femme entourée d’admirateurs, mais atrocement seule, qui n’arrive pas à créer des liens durables avec les autres...



- Une créature exploitée par les Studios, qui s’enfonce peu à peu dans la brume des médicaments…



J’avais hésité à entreprendre cette brique intimidante, un lourd pavé de 976 pages, mais la recommandation de Gwen a vaincu mes appréhensions et je suis bien contente de cette incursion dans le milieu du théâtre et du cinéma. Ce n’est pas une lecture facile, avec parfois une impression de longueur, mais surtout avec l’inconfort de l’exploration des profondeurs de l’âme et de la santé mentale. La plume de Joyce Carole Oates dissèque impitoyablement les émotions et nous fait partager les grandeurs et misères de la star disparue bien avant de connaître la vieillesse.

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Poursuite

Abby et Willem viennent de se marier. Lui vient d'une famille où la religion cadre la vie et la régit.Elle cauchemarde et ne semble sure de rien. Poursuite va nous plonger dans l'enfance d'Abby pour expliquer le présent.



Roman que l'on peut qualifier de nerveux , glauque, dérangeant. C'est très bien écrit, et l'on va à l'essentiel. C'est le couple qui se fracture, l'homme qui rentre de la guerre avec tous les troubles qui peuvent l'accompagner.

C'est une histoire banale malheureusement d'un couple qui se déchire et laisse derrière lui des innocents fracturés à vie.

Roman court mais d'une grande intensité qui s'appuie sur le passé pour expliquer le présent.

C'est réussi
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Petite soeur, mon amour

Un fait divers abominable.

En 1996 aux États-Unis, une fillette de six ans, JonBenét Ramsey, est retrouvée morte dans le sous-sol de la maison familiale.

JonBenét n'était pas une enfant comme les autres. Elle participait depuis l'âge de quatre ans à des concours de mini-miss et avait remporté de nombreux titres.

Cette histoire a inspiré Joyce Carol Oates qui en a fait le point de départ de son roman.

De l'horrible événement, elle a gardé les personnages principaux (les parents et le frère de la petite victime), mais elle a effectué quelques changements, en particulier en ce qui concerne les noms : JonBenét Ramsey est devenue Bliss Rampike, et n'est pas mini-miss mais championne de patinage artistique.

Pour le reste, l'auteur a fait marcher son imagination fertile.

Elle a comblé les vides de cette sordide affaire à ce jour non élucidée.

Elle a inventé la vie de la famille avant, pendant et après le drame, elle a créé l'univers cohérent dans lequel elle fait évoluer ses personnages, elle a échafaudé un scénario diabolique.

Cet ouvrage est donc une fiction, mais conçue à partir de l'observation du réel, de la société américaine dont Joyce Carol Oates se plaît à dénoncer les travers.

Ce n'est pas de l'encre qu'elle a mis dans sa plume, c'est du vitriol. De la variété la plus corrosive qui soit.

Tout y passe. Tout est fortement dénoncé.

Les failles collectives et individuelles sont exposées au grand jour : celles de la société et celles des familles et de leurs membres.

Joyce Carol Oates ne vous impose pas ses pensées, son point de vue ; elle n'attaque pas son lecteur frontalement. Elle est plus rusée que ça.

Elle vous glisse des petites phrases, des petites remarques, l'air de rien, et vous amène à penser ce qu'elle veut vous faire penser.

C'est diablement efficace.

Elle raconte, mais son texte est bien plus qu'une narration, c'est une invitation à la réflexion.

C'est ce que j'aime chez Joyce Carol Oates : elle bouscule son lecteur pour le faire réagir. Quelquefois, c'est à travers un petit détail, insignifiant si l'on n'y prend pas garde, une petite perfidie subtilement glissée ; d'autres fois, c'est un boulet de canon envoyé en pleine figure.

Ça peut faire mal !

Dans Petite soeur, mon amour, ça fait particulièrement mal. Parce qu'une petite fille de six ans est morte. Assassinée.

Dans ce livre, l'auteur utilise plus que jamais les possibilités de la typographie pour insister, souligner, ironiser : mots écrits en capitales ou en italique, notes de bas de pages acerbes, fond tramé... chaque effet est pensé, présent au bon moment, de la bonne façon.

Sous un désordre apparent se cache une construction particulièrement soignée, dans laquelle chaque élément est important, utile et à sa place.

Rien n'est laissé au hasard, Joyce Carol Oates est extrêmement méticuleuse.

Elle assume la noirceur de son propos jusqu'au bout, jusqu'à une fin sordide dans laquelle elle donne la résolution de l'affaire ou plutôt un façon possible de résoudre un crime qui dans la réalité n'a jamais été élucidé.

Après s'être fait promener pendant plus de six cent pages dans lesquelles on l'a laissé bien peu respirer, le lecteur pourrait espérer, non pas un happy end (Bliss est morte, on le sait), mais au moins une fin apaisée.

Ce serait mal connaître l'implacable Joyce Carol Oates !

Une immense réussite de plus à l'actif de cet auteur que j'aime tant lire.



PS : JonBenét Ramsey est tristement célèbre aux États-Unis, où son meurtre a fait d'elle une star posthume. Avant de lire Petite soeur, mon amour, tapez son nom dans un moteur de recherche. Regardez les photos et rappelez-vous qu'elle avait six ans lorsqu'elle a été assassinée. Vous comprendrez bien mieux la virulence dont a fait preuve Joyce Carol Oates dans son roman.
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