Pour une fois, j’ai décidé de passer de l’autre coté. Ce livre est le récit de la vie d’un nazi, un haut dignitaire, qui plus est. Il raconte non pas les misères d’un déporté, mais les difficultés techniques qu’un homme a eues pour mettre au point la Solution Finale. Culpabilité, Dégoût, Interrogations… Le lecteur ne sait plus que penser, une fois le livre terminé.
J’ai beaucoup aimé ce livre qui est très différent de l’ordinaire. Je savais qu’il était difficile de lire ce livre, parce-que les descriptions objectives peuvent choquer… Mais il en faut beaucoup pour me choquer. Je dirai donc que si on prend le livre par la moitié : la première partie ne m’a pas posé de problème, on y lit la montée au pouvoir de Rudolf, qui passe de grade en grade; mais la seconde partie, par contre, est beaucoup plus riche en émotion : elle concerne la partie de sa vie ou il règne sur Auschwitz, et pendant laquelle il doit mettre au point la Solution Finale. On fait donc face à des descriptions objectives des mécanismes barbares du génocide : « gazage », « cheminées », et « douches », apparaissent à profusion.
Ce qui est problématique dans ce livre, c’est son aspect objectif. Jamais Lang ne donnera son opinion sur ses actions : le fait qu’il tue des milliers et des milliers de Juifs ne lui pose pas de problème, car il obéit seulement à des ordres. Tout ce qu’il fait, c’est à dire ses recherches pour trouver la « méthode la plus efficace », il ne le fait que parce-que l’on compte sur lui. Dans la première partie du livre, de la même façon, il cherche à partir en guerre, parce-qu’il rêve d’être un soldat. Lang est donc un personnage qui suit sans cesse l’impératif catégorique, et qui est extrêmement patriotique.
C’est pourquoi ce livre à la capacité d’énerver son lecteur. Dans mon cas, je voulais connaitre son avis sur la chose. Mais le personnage de Lang est si déshumanisé qu’il agit comme un robot programmé pour une certaine tache. A la fin du livre, il reconnait que ce qu’il fait ne lui plait pas, mais qu’il agit selon les « ordres ». Ainsi, il pourrait même tuer son propre fils si on lui en donnait l’ordre. Pour lui, la question n’est pas de savoir ce qui est bien, ou ce qui est mal, mais de faire son devoir.
C’est là ce qui est le plus terrible, quand on sait que ce genre de comportements ont emmené au génocide. Mais en ce qui concerne cet officier là, il est très intéressant d’avoir pu suivre sa vie tout au long du livre. On observe combien son père, semblable a un tyran, imposait des règles absurdes dans la maisonnée, et combien il terrifiait son fils (Lang, en l’occurence). Or, à plusieurs reprises dans le film, ce père si redoutable revient hanter l’officier Lang. En réalité, de la même façon que son père qui est attaché à la religion, Lang, lui, est attaché à l’Allemagne. Sa religion, c’est le patriotisme. Et à travers le patriotisme, il diabolise « le Juif ». Cette idéologie absurde le rend finalement semblable à son père, qui l’effrayait tant. Il est même pire que son père, car il commet le crime de l’humanité.
Pourtant, c’est cette formation que son père lui a apportée malgré lui, qui le rend ainsi. Et c’est en fuyant l’image de son père que, paradoxalement, il la rejoint, et devient plus terrible que lui encore. On observe avec horreur comment il force un de ses sous-officiers à rester responsable des immolations, amenant celui-ci à se suicider.
Ce livre est donc difficile à lire par moment, car le vocabulaire est employé sans tabou, et que l’aspect technique de cette incroyable tuerie est décrite point par point. Je voudrais souligner combien ce livre est riche, avec tant de détails qu’il est une véritable source documentaire sur cette histoire des camps de la mort. Mais il faut parfois avoir l’estomac bien accroché, et je pense qu’il faut une certaine maturité au lecteur pour pouvoir lire le livre dans son intégralité.
Un autre point sur lequel je voudrais me pencher : celui de la place du lecteur. En lisant ce livre, on rencontre les difficultés posées à Lang, des difficultés techniques et hiérarchique. Et inévitablement, en lecteurs curieux, on se demande « comment va-t-il faire ? ». Ce type de questions éveille un drôle de sentiment : pas forcément de la culpabilité, mais la position que l’on a est ambiguë. Sachant que l’on lit un livre, on cherche un dénouement, mais sachant que les faits sont réels, on trouve cela affreux. On est donc dans une position difficile : coupable de vouloir savoir, avide de connaitre les détails. Et pourtant, cette réaction est normale : nous sommes des lecteurs et le passé est une chose importante qu’il faut absolument transmettre.
L’écriture de Robert Merle, son narrateur objectif, nous permettent de nous imaginer le personnage froid qu’était Lang. Pas de sentiments évoqués, pas beaucoup de sensations, juste une obéissance quasi-mécanique qui le font apparaitre comme une machine à obéir, et qui nous donnent l’impression d’être dans la Lager, comme un fantôme. Nous nous retrouvons donc à observer sans jamais rien dire, à voir la vie de Lang sans que jamais celui ci ne se demande : je dois le faire, mais est-ce raisonnable ? Est-ce bon ? Est-ce que je le veux vraiment ?
Malheureusement, rares sont les dignitaires nazis qui se sont posés ces questions là. Beaucoup, de par l’idéologie nazie même, pensaient cela bon. On ne pourra évidemment jamais changer les faits passer, mais cette lecture est indispensable, pour comprendre, mais aussi pour transmettre ce qui ne doit pas être oublié.
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