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Critiques de William Boyle (210)
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La Cité des marges

On dit de William Boyle qu'il est le Balzac américain tant la galerie de ses personnages offre une étude des moeurs et sentiments dont sont capables les hommes.



Resserrées à Brooklyn, et plus particulièrement dans le quartier Gravesend (où l'auteur est né, a vécu de longues années et travaillé en tant que disquaire), les intrigues de Boyle relèvent, il est vrai, davantage de la Comédie humaine que de simples histoires de polars. L'auteur tresse un écheveau de destins, de vies d'hommes et de femmes que son imagination de romancier fait s'entrechoquer, se croiser, se lier.



Comme dans son précédent roman, L'amitié est un cadeau à se faire, William Boyle débute son récit par un acte violent commis par un protagoniste qui aura des conséquences sur tous les autres ; Comme Rena et son coup de cendrier sur la tempe de son voisin dans le roman précité, ici, c'est le coup de batte de base-ball asséné par Donnie, le flic corrompu, sur le jeune Mickey, suivi par l'élimination expéditive et cruelle d'un débiteur qui va précipiter le carambolage humain deux ans plus tard.



Trois hommes, Donnie, Nick et Mickey, et quatre femmes Ava, Rosemarie, Donna et Antonina : sept personnages forts, que le destin, la brutalité de la vie au sein de ce quartier pauvre et gangrené par la mafia et la délinquance vont se faire télescoper. Si certains se connaissent, sont mère et fils, ex-conjoints, amants, ou tout simplement voisins, d'autres n'étaient pas faits pour se rencontrer hormis des hasards malheureux et des alliances mal choisies.



William Boyle les connaît ces personnages pour les avoir fréquentés, côtoyés. S'il décrit leurs violences, leur détresse, leurs vices, il empreint toujours leur psychologie de beaucoup de douceur et d'empathie.



Le talent de l'auteur nous fait éprouver l'immense chagrin de Donnie d'avoir perdu son petit garçon, la solitude de Donna et sa touchante renaissance dans les bras d'un jeune homme qui pourrait être son fils, les provocations d' Antonina, adolescente sans repères, le quotidien solitaire d'Ava, les rêves chimériques de Nick pour devenir quelqu'un et sortir de son quartier.



Aucun manichéisme dans ce roman bouleversant, formidablement construit et parsemé de références à la musique et au cinéma. A lire avec en bande-son l'album Nebraska de Bruce Springsteen et les mélodies de Neil Young.



En somme, plus je découvre cet auteur, plus j'aime le lire. Éteindre la lune sera le suivant, j'ai hâte !











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L’amitié est un cadeau à se faire

Jubilatoire, excellentissime !!!

Rien ne présageait de changements dans le quotidien plutôt rangé et déprimant de Rena, veuve d'un mafioso de Brooklyn. Un violent coup de cendrier sur le crâne de son vieux voisin un peu trop dragueur va cependant l'entraîner dans un road-movie au cours duquel Rena va se lier d'amitié avec deux ex-actrices de porno, Wolfstein et Mo, mais aussi essayer de recoller les morceaux avec sa fille et redécouvrir sa petite-fille.

William Boyle excelle dans le comique avec ce road-trip mené tambour battant, sans temps morts et aux multiples rebondissements. En plus d'être très drôle, L'amitié est un cadeau à se faire est un polar féministe (particularité peu commune dans ce genre ) car ses héros sont des héroïnes , et qui plus est, sexagénaires (il faut bien dire que les personnages masculins sont tous aussi veules, machos et bas de plafond les uns que les autres !).

Et en plus d'être excellent, féministe et drôle, ce roman est aussi tendre et émouvant.

Cela sent le bitume, les pastas italiennes, le cinéma de Tarentino et de Scorsese, les mocassins noirs et blancs des mafiosi, le cuir des voitures américaines si bien qu'on rêverait d'une transposition au grand écran.

L'amitié est un cadeau à se faire est le cadeau parfait à faire à ses meilleur(e)s ami(e)s.
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L’amitié est un cadeau à se faire

Depuis que Vic le Tendre s’est fait salement descendre, les temps ont changé et les affranchis de Brooklyn se sont effacés et calmés. Mais il suffirait d’une étincelle pour raviver les querelles et ressortir les flingues… Elle va survenir chez Rena, la veuve de Vic, qu’un cave propulsé au viagra tente un soir de violer, avant qu’elle ne l’assomme d’un coup de cendrier et se sauve le laissant pour mort…



Cherchant refuge chez sa fille qui la rejette, Rena atterrit chez la voisine, Wolfstein autrefois Luscious Lacey, star du X désormais rangée des galipettes, où elle est rejointe par sa petite fille Lucia. Quand Richie, l’ancien porte-flingue de Vic, débarque avec une mallette remplie d’un demi-million de dollars, l’occasion est belle pour Rena, Wolfstein et Lucia de l’en dépouiller avant de s’enfuir avec quelques mafieux furieux à leurs trousses.



Délaissant un temps l’exploration intimiste de Brooklyn au cœur de ses trois premiers romans, William Boyle nous entraîne avec L’amitié est un cadeau à se faire – traduit par Simon Baril – dans un road-movie léger, drôle, quasi-parodique et truffé de clin d’œil, où les femmes ont (pour une fois) un autre rôle que celui de pépées auquel le genre les cantonne généralement.



Fan de cinéma, Boyle connaît son affaire et s’appuie sur ses solides références pour mélanger les genres : les Affranchis ou les Sopranos pour le noir ; Thelma et Louise pour le road-movie féminin ; Wilder et Capra pour le comique burlesque de situations. Les autres codes ne sont pas oubliés : Chevy Impala ou Cadillac rutilantes côté bagnoles et bande-son naviguant entre Guns n’Roses, Stones, Reed et même, Carey pour la musique.



On retrouve dans L’amitié… toute la sensibilité de l’écriture de Boyle et sa grande habileté à écrire et décrire la nostalgie, l’envie de fuite, la recherche du rebond. Mais elle prend ici une autre dimension avec ses portraits intergénérationnels de femmes fières et fortes, affranchies en quelques sorte. Si le côté moins sombre et moins mélancolique que dans ses précédents livres m’a surpris au début (tout comme l’abondance inhabituelle de dialogues qui certes, rythment le livre), j’ai fini par me laisser agréablement porter par cette virée burlesque à 100 à l’heure, qui confirme que oui, les livres de William Boyle sont définitivement des cadeaux à se faire !
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La Cité des marges

William Boyle fait flirter ses personnages avec les frontières, avec les marges du titre – limites de l'amour, du désir, de la justice, de la vendetta. Il crée une galerie de protagonistes qui fait osciller son nouveau roman entre mafia, flics corrompus et effluves suaves des foyers tenus par les mamas italiennes. Suspense et humour satirique se relaient pour faire de La cité des marges un thriller savoureux (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2021/09/12/la-cite-des-marges-william-boyle/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Gravesend

Gravesend est un quartier populaire de Brooklyn en plein déclin. Une localité qui inspirerait une pléthore d’acronymes à un énarque. Le quartier n’est plus que l’ombre de lui-même : des immeubles résidentiels vieillissants, des pavillons décatis, des commerces aux enseignes en langues étrangères et des rues jonchées de déchets. Une importante communauté italienne y résidait et on trouve encore des vestiges des temps révolus : trafics divers, salles de jeux clandestines, paris sportifs. Le roman comprend deux types de personnages. Les anciens sont minés par leurs problèmes familiaux et une santé précaire. Certains n’ont jamais quitté leur quartier, comme si une frontière invisible les empêchait de se rendre dans les districts voisins. Les enfants semblent plombés par leurs origines et ne parviennent pas à quitter Gravesend. Ils sont trentenaires et habitent toujours chez leurs parents, ruminant leurs déceptions et leurs rêves brisés. Alessandra a tenté de partir mais elle est contrainte de revenir chez son père après avoir échoué à devenir actrice à Los Angeles. Ses sorties dans un Manhattan gentrifié vont faire ressortir les défauts de Gravesend. On suit la fuite en avant d’Eugene, un adolescent qui déteste son existence et dont l’imaginaire se nourrit de Scarface et des paroles de gangsta rap. Et puis il y a Conway dont la vie a basculé seize ans plus tôt lorsque son frère homosexuel a été assassiné par des petits caïds. Lorsqu’il apprend la libération récente d’un des assassins, il décide de venger son frère. Quand le feu de la haine couve depuis trop longtemps, tout peut très vite exploser.



William Boyle parvient à décrire la lente dégénérescence d’un quartier populaire et à faire le portrait d’une génération perdue. « Gravesend » est un roman à dominante sociale à l’intrigue efficace et au style maîtrisé. Si François Guérif n’a plus rien à prouver sur la pertinence de ses choix éditoriaux, il montre en publiant sous le numéro 1000 de la collection Rivages/Noir un roman inédit d’un auteur inconnu que son audace est toujours aussi vive.

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Le témoin solitaire

Quand on a été emballé par Gravesend, le roman auquel l’immense Guerif a attribué le n° 1000 de la collection Rivages Noir, puis conquis par la profondeur nostalgique et mélancolique de Tout est brisé, inutile de vous dire qu’on attend avec impatience le nouveau William Boyle !



Et si vous n’avez pas le temps ou le courage de lire cette chronique jusqu’au bout, le message est simple : Le témoin solitaire – traduit par Simon Baril - est de la même lignée !



L’histoire ? Elle est relativement simple et moyennement polardeuse : Amy, jeune New-Yorkaise, voit un soir un homme se faire poignarder en plein Brooklyn avant de mourir dans ses bras. Cet homme (qu’elle suivait depuis quelques temps intriguée par ses visites surprenantes et son comportement chez une vieille dame de sa paroisse) l’intrigue et la pousse à une mauvaise décision : pas d’appel à la police, mais une tentation de remonter le fil de ce fait-divers tragique. De fil en aiguille, elle se retrouve plongée dans une intrigue où le microcosme local de Gravesend, cet atypique micro-quartier de Brooklyn, semble largement impliqué.



Pas de quoi révolutionner le genre donc, mais ce n’est pas grave, car l’essentiel du Témoin solitaire est ailleurs !



D’abord dans cette nouvelle plongée dans Gravesend, quartier d’enfance, quartier de cœur de William Boyle, un endroit où « les vies des gens sont enchevêtrées », pour le meilleur et le moins bon. Un éternel lieu de déambulations à la fois nostalgiques et fascinées, pour Boyle à travers Amy. Boyle, éternel contemplateur de Gravesend, comme s’il redécouvrait ces lieux à chaque pas, à chaque regard, et où chaque phrase, chaque mot est une émouvante déclaration d’amour à ses rues, ses églises, ses commerces… Et ça marche pour le lecteur que je suis, entraîné avec Amy dans ce dilemme d’un quartier qu’il faudrait fuir pour ne pas revenir.



Partir, revenir… il y a du Lelouch chez Boyle (pas étonnant pour quelqu’un dont la culture cinématographique est inépuisable)… C’est ce qu’expérimente Alessandra (prénom déjà vu dans Gravesend), l’ancienne compagne d’Amy dont l’omniprésente absence (j’ose le barbarisme !) plane sur le livre durant toute sa première partie.



Gravesend retient les âmes pour mieux les perdre, Alessandra l’a compris en partant pour L.A. Amy a cru y échapper en s’inventant une nouvelle vie rangée. Mais elle s’y est perdue et a désormais peur de son ombre dans la rue, cultivant un sentiment paradoxal de recherche de sécurité dans sa petite chambre de location, tout en retardant le moment de s’y retrouver seule face à elle-même. Quand Alessandra revient faire un saut de puce à Gravesend, la tentation devient alors forte pour Amy de repartir avec elle. Mais rien n’est simple : « J’ai vu quelque chose que je n’aurais pas dû voir… ».





Le témoin solitaire, c’est enfin l’occasion pour Boyle de reprendre les thèmes qui lui sont chers : le départ et la difficulté du retour, on l’a vu ; la réussite ; la tentation du rebond et de la 2e vie ; la religion ; la difficulté de renouer avec ses racines familiales quand elles ont été malmenées ; l’influence et l’attirance des lieux sur nos destinées. Son écriture est douce et limpide, totalement mise au service d’une atmosphère dans laquelle Boyle nous fait immédiatement rentrer et que l’on quitte à regrets.



Un dernier mot enfin : William Boyle ne cache pas son attachement à la France et à sa culture, entraperçue lors de sa visite de l’an passé, mais aussi par des clins d’œil posés au détour d’une page de ses livres (Flaubert et Camus cités dans Tout est brisé par exemple). Dans Le témoin solitaire, ils sont plus mystiques et rassemblés dans le nom complet d’Amy : Lynn Therese Falconetti. Thérèse et Lisieux qu’il évoque ; Falconetti comme l’inoubliable interprète de Joan of Arc qu’il insère au passage dans une de ses jolies pages… Nostalgique on vous dit !

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La Cité des marges

Tous les ingrédients sont réunis dans cette comédie noire pour produire un roman passionnant.

Des personnages haut, très haut en couleurs, des dialogues acérés, un contexte géographique près de Brooklyn, des flics pourris, des âmes perdus et beaucoup de fantômes.

L'auteur nous présente plusieurs acteurs de l'intrigue qui vivent à proximité, qui se connaissent de loin et dont les histoires vont se percuter et même drôlement se percuter.

C'est bien écrit, c'est sombre, c'est triste mais je suis restée de marbre car tout cela manquait d'un petit quelque chose pour déclencher un plaisir de lecture.

Comme quoi de bons ingrédients ne suffisent pas à faire un grand plat.
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Éteindre la lune

Dans le prologue de ce roman, David , jeune ado de 14 ans et son copain balancent d'un pont par désœuvrement et bêtise des cailloux sur les voitures qui passent en contrebas et sont à l’origine de l'accident mortel d'Amelia , une jeune femme qui voulait devenir écrivain.

Son père , Jack, qui a déjà perdu sa femme se retrouve seul et , pour rendre service aux gens modestes, devient peu à peu , redresseur de torts .



Les parties suivantes donnent la parole à beaucoup de personnages : en particulier Jack , bien sûr , que l'on retrouve 5 ans après le drame et Bobby qui avait lancé la pierre meurtrière et dont la culpabilité le poursuit comme une ombre. La multiplicité des personnages rend l'histoire un peu touffue et j'ai eu du mal à me repérer et à m’intéresser aux individus aux activités louches ...



Je me suis attachée à Jack et également à Lily, une jeune femme qui débute une carrière d'écrivaine et qui propose un atelier d'écriture auquel va participer Jack. Une entraide puis une véritable amitié se nouent entre les deux qui ont perdu chacun un être cher .



L'histoire se déroule à Brooklyn , on sent que William Boyle aime ce quartier qu'il décrit avec tendresse , c'est presque un personnage à part entière .



Les différentes pièces du puzzle se mettent en place à la fin du roman , et l'intérêt rebondit avec le questionnement : peut-on se rendre justice soi-même, on sent bien que la vie de Jack ne tient que pour la découverte et la confrontation avec les auteurs de l'accident mais sans qu'il puisse répondre s'il ira jusqu'au bout de sa vengeance ou s'il pardonnera .

C'est un homme foncièrement bon , accueillant Lily comme sa fille mais la douleur est devenue sa compagne et le lecteur hésite sur l'attitude que Jack va avoir .



J'ai bien aimé , comme j'aime le titre du roman avec tout ce qu'il suggère !
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L’amitié est un cadeau à se faire

Entre Scarface, Thelma et Louise ou un film de Tarantino, WB se fraie une place pour nous livrer un polar déjanté, burlesque au rythme endiablé, émaillé de dialogues fleuris dans un style jubilatoire et très visuel avec plein de références cinématographiques et une galerie de portraits loufoques.

Après un début sanglant où des mafiosi plus portés sur la gâchette que sur la méditation, s'entretuent, l'histoire se centre sur le groupe des femmes qui fuient ce monde de brutes en emportant le sac rempli de billets, les bandits à leurs trousses, les coups de feu et de marteau pleuvent, les courses poursuites en voiture s'enchaînent. Ce polar visuel, turbulent, se lit avec plaisir bien qu'on ait besoin d'un roman plus calme ensuite, pour se reposer.
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Tout est brisé

Dans ce roman dédié à sa mère William Boyle fait alterner deux voix, celle d'une mère et de son fils.

La mère c'est Erica, la cinquantaine fatiguée par une vie d'une monotonie désespérante, les deuils et les difficultés financiaires .

Le fils, c'est Jim qui a 23 ans traîne ses baskets et son cafard chronique. Incapable de faire face à la dureté de la vie, il zone et noie sa désolation dans l'alcool.

Alors que le lien entre la mère et le fils semblait définitivement brisé depuis que Jim a quitté la maison, une lueur d'espoir apparaît quand celui-ci revient.

Erica va tout faire pour renouer le lien...

A travers cette histoire, ce roman raconte la vie de tous les jours, les petits moments avec ses peines mais aussi les rares instants de chaleur passés ensemble autour d'un verre, d'une cigarette. Une lecture pas follement gaie mais dont il se dégage une musique émouvante, déchirante comme celle d'un blues de Tom Waits.
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La Cité des marges

Petite virée dans un Brooklyn à la fin des nineties quartier, on est si proches de Little Italy qu’on en sent clairement le parfum.



Casting composé de flics plus que pourris, de personnages au bout du roll’s, de mamma comme n’en fait que l’Italie, de mafia aussi omnipotente que flippante et de personnages à la marge du rêve américain, y’a de quoi faire.



Composé d’abord comme un roman noir à la facture classique, William Boyle prend un temps précieux et un plaisir certain à implanter des personnages cabossés par la vie dans un décor pittoresque à en être palpable. Fin psychologue et observateur perspicace de ses contemporains il dresse des portraits convaincants humains, et de destinées tantôt branlantes tantôt obstinées et inamovibles.



Il a une patte et le coup de main qui va avec pour nous mitonner une sauce qui si elle sent bon l’Italie et rappelle Le Gang des rêves de Lucia Di Fulvio, avec un peu plus de lucidité car ici le rêve américain n’existe plus : il y a comme un petit relent empyreumatique, ce petit arrière-goût de noirceur qui bien qu’annoncé d’entrée s’atténue peu à peu pour revenir après un solide tiers du livre. Transformée la fresque colorée en roman noir à tendance dramatique.



Si j’ai admiré l’adresse avec laquelle l’auteur tisse l’écheveau des destinées de ses personnages via l’utilisation d’une langue simple et directe, et l’inclusion trop importante à mon goût de références cinématographiques et musicales, le name dropping ici est un peu fatiguant, et rappelle la manière d’Easton Ellis sans son intensité. L’auteur au final déploie un schéma narratif classique au service d’une intrigue un peu convenue même si elle réserve de belles surprises on sent qu’il manque un petit quelque chose pour exhausser la saveur de la lecture. La réflexion sur les thèmes abordés est uniquement laissée au lecteur et le roman semble un peu trop classique, ne sortant pas du lot par une plume racée, foisonnante ou lyrique je ressors de cette lecture avec de la curiosité sur le reste de l’œuvre de l’auteur mais une petite réserve sur sa capacité à m’émerveiller.

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Éteindre la lune

A l'aube de ce siècle et en quelques années, Jack a perdu ses parents, son épouse adorée et surtout sa fille Amélia, accidentellement tuée par un gosse jamais identifié qui lançait des pierres depuis un pont d'autoroute.

Cinq ans plus tard, son immense chagrin n'a pas faibli mais il essaie de surmonter sa peine en participant à un atelier d'écriture dirigée par Lily, une jeune femme qui lui rappelle Amélia et avec qui il noue une amicale relation.

De son côté, le gamin lanceur de pierres est resté traumatisé par son acte et file un mauvais coton en côtoyant la pègre New-Yorkaise. Lily sera le catalyseur du dénouement de ce drame.

Brooklyn et son univers de violence mafieuse servent de toile de fond à cette solide histoire de père meurtri qui hésite entre pardon et vengeance et trouve un apaisement au contact de cette jeune femme qui ressemble tant à sa fille disparue.

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L’amitié est un cadeau à se faire

C’est ben vrai, ça ! disait la pétillante mère Denis ! En y songeant, d’un coup, je me dis qu’elle n’aurait pas dépareillé dans le cocktail que nous a concocté William Boyle et que je vous propose aujourd’hui ! Ce sont en effet des ingrédients robustes et de caractères fort disparates qui vont produire ce mélange explosif, cette potion festive qui fait passer un bon moment.

Prenez une veuve éplorée de mafieux, fervente catholique, bonne ménagère, qui a toujours tout fait dans les règles et respecté les codes. Ajoutez-y une sympathique arnaqueuse à la petite semaine, ancienne star du porno, deux filles en crise contre momân, un veuf lourdaud qui aurait mieux fait de continuer à siroter ses bières devant sa télé et, pour faire bonne mesure, deux mafiosi en soif de vengeance. Saupoudrez de gros paquets de dollars. Ajoutez un trait de poursuite policière. Versez le tout dans des voitures américaines de collection, du genre dont on nénette les chromes chaque jour. Secouez et finissez par un delizioso pasto italiano qui met l’eau à la bouche !

Vous arriverez à la fin du livre un peu comme quand on a roulé longtemps dans une décapotable et qu’on est soulagé soudain de ne plus avoir le bruit du vent dans les oreilles mais tellement grisé/e de l’avoir fait !

Ciao !

Geneviève
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Tout est brisé

William Boyle nous propose avec ce livre d’entrer dans le quotidien de personnes ordinaires. Ce sont pour la plupart des laissés pour compte que l’on va suivre pendant 200 pages. On va rencontrer Elisa, la femme seule, qui après la mort de son mari, doit s’occuper de son père grabataire et Jimmy, son fils, qui revient au bercail après s’être égaré.



Autant vous dire que tout ceci n’est pas joyeux. Ces destins transpirent le désespoir et l’ambiance est plutôt sombre. Mais pour créer son atmosphère, l’auteur ne rajoute pas de péripéties ou de drames supplémentaires. Il ne joue pas la carte de la surenchère et se concentre sur la simple vérité. Il place le lecteur au plus près de la vie de ses protagonistes. Pour ce faire, on assiste à des moments de leur vie et pas forcément les plus glorieux. Les travers des personnages sont mis en exergue lors d’échanges très réalistes. Le manque de communication et le relationnel compliqué de cette famille créent des situations assez gênantes dans lesquelles les acteurs ne semblent jamais trouver leur place. La tension est telle que l’on se sent, nous aussi, mal à l’aise.



La relation mère/fils est à la base de cette histoire mais plusieurs thèmes sont aussi traités. Avec Jimmy, l’auteur s’attache à montrer les ravages de l’alcool et de l’homophobie sur l’existence d’un jeune homme et avec Elisa, il développe l’amour inconditionnel d’une mère et l’espoir d’un jour meilleur.



Grâce à ce texte très ancré dans la réalité, William Boyle nous livre une tranche de vie d’individus sans défense, qui se recroquevillent sous les coups du destin. Ces esprits tourmentés combattent quotidiennement pour refaire surface. Leurs retrouvailles forcées donnent lieu à des scènes oppressantes mais qui débordent d’humanité. On comprend alors que tout devient plus complexe quand « tout est brisé » !
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Gravesend

Bientôt la trentaine, Conway voit enfin sortir Ray Boy Calabrese de prison. Seize ans auparavant, Ray Boy et sa bande ont persécuté Duncan, le frère homosexuel de Conway, jusqu’à ce que, en essayant de fuir, il soit renversé et tué par une voiture. Le retour de Ray Boy à Gravesend, ce quartier pauvre italien de Brooklyn fait parler. Il y a ceux qui pensent qu’il n’aurait jamais dû sortir de prison et ceux qui estiment qu’il n’aurait jamais dû y entrer. Pour Conway, en tout cas, une chose est sûre : il doit tuer Ray Boy.

Mais Ray Boy Calabrese n’est plus l’adolescent qui, presqu’une vie auparavant, a poussé Duncan à la mort et Conway n’est pas aussi fort qu’il voudrait l’être. La vengeance va alors prendre un tour d’autant plus inattendu que d’autres acteurs vont venir se mêler à la tragédie. Il y a McKenna, l’ancien flic alcoolique et ami de Conway, il y a la naïve Stephanie, il y a Eugene, le neveu de Ray Boy qui vit dans le culte du chef de bande qu’a été son oncle et qui rêve de lui succéder malgré sa patte folle, il y a la belle Alessandra, de retour de Los Angeles et, surtout, il y a le quartier.

Ainsi donc Boyle fait jouer ici une tragédie contemporaine dans laquelle se pose autant la question de la vengeance et de l’expiation que celle de l’impossibilité à échapper à un déterminisme social dans lequel s’enferme toute une communauté. En seize ans, le quartier que retrouve Ray Boy Calabrese n’a finalement pas changé. Les mêmes personnes y vivent et y meurent, les plus âgés n’ont pour certains même jamais mis les pieds en dehors de Brooklyn et voient Manhattan comme une terre étrangère et lointaine. Et les affaires se règlent entre soi. Mais de la communauté soudée au ghetto, il n’y a qu’un pas. Aussi voit-on là une société d’ouvriers et de petits commerçants incapables de s’extraire de leur condition et qui accumulent une énorme frustration. Ainsi en va-t-il du père d’Alessandra :

« Le bac était petit et son père avait fixé des rideaux en plastique sur les quatre côtés, et même autour de la pomme de douche, pour éviter que les joints moisissent. Ne restait plus qu’un espace très sombre et étouffant. (…) Le confinement du bac de douche était - et avait toujours été - le projet d'un homme qui avait connu trop d'échecs dans sa vie et refusait d'être par-dessus le marché vaincu par la moisissure. »

Alessandra, justement, partie à Los Angeles pour poursuivre un rêve d’adolescente, n’a jamais décroché un rôle, seulement fait de la figuration, et revient là sans projet et sans avenir, ce qui ne l’empêche pas de fasciner Stephanie pour qui le simple fait d’avoir quitté le quartier apparaît comme un geste d’une audace folle.

Car si l’intrigue se cristallise autour de Conway et Ray Boy, c’est bien cette impossibilité à s’extraire de Gravesend, qui est au cœur du roman de William Boyle. C’est la peur du monde extérieur et la haine de celui que l’on ne peut quitter et dans lequel on se trouve sans cesse face à ses propres failles. Conway ne peut échapper à sa propre lâcheté, Ray Boy ne peut fuir son passé et s’est d’ailleurs fait une raison en espérant que Conway puisse abréger cette souffrance, Eugene ne sait pas encore qu’il ne sera jamais pour tout le monde que le boiteux à grande gueule du quartier, Stephanie ne pourra jamais quitter a mère, et Alessandra a beau rêver d’ailleurs, elle reste collée à Gravesend. Toute cette frustration, finalement ne se retourne pas contre la société. Elle vient frapper les personnages et leurs parents à qui ils reprochent de n’avoir pas été différents de ce qu’ils sont eux-mêmes devenus, adultes aux rêves étriqués et égoïstes. Bref, un cocktail qui, dans le pire des cas, débouchera sur une violence désespérée.

William Boyle méritait bien de décrocher le numéro 1000 de la mythique collection Rivages/Noir. Non pas parce qu’il propose avec Gravesend un roman exceptionnel mais bien parce que l’on y retrouve en quelque sorte tout ce qui compose la personnalité de la collection (du noir, un instantané de la société, des personnages forts et complexes) et qu’avec ce premier roman l’éditeur montre que le genre est loin d’être mort et que ce millième livre n’est pas une fin mais seulement une étape dans une aventure amenée à durer. Sans doute que s’il était paru dans la masse des précédents ou suivants Rivages/Noir, Gravesend serait passé inaperçu… pas assez exceptionnel, peut-être un peu trop noir pour le grand public. Et l’on ne peut donc que se féliciter du coup de projecteur que lui vaut ce numéro 1000 sur la tranche et qui permet de découvrir une belle écriture dans laquelle les phrases chocs mettent en exergue la frustration et l’abandon des personnages. Bref, un vrai bon roman noir.


Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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Tout est brisé

Erica se sent si seule à Brooklyn. Après son mari, c’est sa mère qui est décédée d’une mauvaise chute. Elle doit jongler entre son travail et son père, qui sort de l’hôpital après une mauvaise pneumonie. Plutôt bourru et têtu, celui-ci ne veut pas rester en maison de repos. Quand Erica reçoit enfin des nouvelles de son fils Jimmy, parti vivre à Austin, elle voit là une petite lumière dans son obscur quotidien. Mais Erica et Jimmy ne se comprennent pas. La cohabitation est chaotique et chacun tente difficilement un pas vers l’autre…



Je découvre William Boyle avec ce roman, Tout est brisé. L’histoire d’Erica et Jimmy est celle de la vie ordinaire, de relations familiales tendues et d’une Amérique où les rêves ne sont pas aussi faciles à atteindre que ce qu’on veut bien le dire…



Comme dans la réalité, Erica et Jimmy sont deux personnages ambivalents. Ils sont touchants dans leurs fragilités, leurs peurs, leurs angoisses, mais ils sont aussi un tantinet exaspérants dans cette façon mélancolique de voir l’avenir. Erica, que rien ne fait vibrer, pour qui tout est insurmontable, ne voit que l’ancien petit garçon qu’était son fils. Jimmy lui, n’a jamais vraiment quitté l’adolescence, sans qu’aucune responsabilité ne lui incombe, sans jamais vouloir se prendre en mains.



Entre tensions, regrets, culpabilité et reproches, ces deux-là se regardent en coin et ne laissent aucune place aux sentiments. Ils leur faudrait pourtant peu de choses pour compter l’un sur l’autre.



On les quitte au cœur d’une tempête, espérant que cet isolement les rapproche, qu’enfin ils puissent s’appuyer sur une épaule solide et enfin calmer ce vide qui les détruit de l’intérieur…
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Le témoin solitaire

C'est Amy Falconetti, une jeune femme à la vie quasi monacale à Gravesend, qui va vous servir de guide, et vous faire découvrir ce quartier populaire de Brooklyn, lors de longues promenades. Ne vous méprenez pas. Vous venez d'ouvrir le roman de William Boyle, le Témoin solitaire, et il s'agit d'un roman noir : la promenade sera gâchée car tout comme Amy, vous allez bientôt assister à un crime.

Quelques années auparavant, Amy menait une tout autre vie, elle travaillait au Seven Bar, faisait la fête nuit et jour avec ses amies. A la suite d'une rupture, elle a brusquement tourné la page. Elle a renoncé à sa garde-robe et son look branchés, s'est rapprochée de l'Eglise, a choisi de vivre de petits boulots. Un appartement minimaliste, des visites quotidiennes aux personnes âgées… Amy a teint ses cheveux en brun, ses tatouages sont maintenant cachés sous un pantalon bleu et un chemisier blanc stricts.

Mais jusqu'à quel point peut-on vraiment choisir de changer de vie, de personnalité ? Que se passe-t-il lorsqu'on assiste à un crime violent – écho d'un crime de son enfance - et qu'on a reconnu l'assassin ? Lorsqu'un père absent depuis des années fait surface et demande à être pardonné ? Lorsqu'on retrouve l'objet de ses amours ? La "nouvelle" Amy va devoir reprendre l'allure de celle qu'elle était par le passé - pour se sortir d'une situation qui vire à la catastrophe et met sa vie en danger.



Parcourir les quartiers de Brooklyn en compagnie d'Amy a été une expérience originale. Gravesend, quartier populaire est décrit avec beaucoup de minutie – les personnages que nous rencontrons sont à la marge, vivotent de galères…

J'ai beaucoup aimé ce roman noir, qui fait la part belle au rock et à l'humour - William Boyle sait gérer un suspense.

La traduction de Simon Baril est particulièrement soignée. La couverture, dans les tons de rouge, jaune et noir illustre bien le texte.

Une lecture déroutante, réussie.

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L’amitié est un cadeau à se faire

Une babéliote stéphanoise et avisée (ce qui peut s’avérer antinomique en matière de management ou d’administration municipale) estimait récemment que, je cite, « Les Éditions Gallmeister sont incontestablement l'agence de voyage la moins onéreuse du marché »…

Alors, elles sont aussi le cabinet de sophrologie le plus abordable et le plus compétent du secteur des médecines douces où charlatans et margoulins sont légion. Ce titre rejoint la longue liste des œuvres réjouissives jalonnant cette indispensable maison… et tant pis pour le barbarisme.

« L’amitié est un cadeau à se faire » ? Un scénario habilement ficelé, digne d’une rencontre improbable entre Scorsese, Jarmusch et Spike Lee. Un bouquin qui se dévore comme un hot-dog sur la 42nd Street. L’histoire progresse avec, à chaque chapitre, un nouvel angle de vue, celui d’un des nombreux protagonistes de cette histoire gentiment déjantée. Les actions se chevauchent mais le procédé quasi mécanique ne gêne nullement le déroulé de l’intrigue. Au contraire, il permet d’aiguillonner la curiosité du lecteur. Non seulement, il a hâte de connaître la suite de ces aventures passionnantes. Mais, surtout, il ne peut que s’attacher aux personnages hauts en couleur, y compris, ceux qui sont aussi sympathiques que Gérald D.. Cette empathie est d’ailleurs cruelle parce que l’espérance de vie dans ces quartiers d’un pays pourtant réputé prospère, flirte dangereusement avec des statistiques de PMA (Pays les Moins Avancés, pour ceux qui ne sont pas géographes).

Se croiseront ainsi les destins parfois tragiques d’un octogénaire libidineux, d’une respectable veuve de mafioso, de quelques tueurs, d’une ado difficile, d’un amoureux éconduit et arnaqué, d’un chauffeur de taxi philosophe et, pour la bonne bouche (oups !) de deux anciennes vedettes du X.

Avant de lire ce livre, je ne m’étais jamais interrogé sur la réinsertion professionnelle des actrices pornographiques, le terme réinsertion prenant dès lors un relief particulier. En effet, à l’exception de Brigitte Lahaie, Catherine Ringer et Roselyne Bachelot dont les reconversions sont médiatisées, que sont devenues ces responsables involontaires de tant de cas avérés de surdités précoces ? Ce n’est pas le moindre mérite de William Boyle que de proposer des exemples concrets de ce pan peu documenté de la problématique des changements d’orientation professionnelle. Je vous accorde que ce point ne bouleversera pas votre appréhension des enjeux essentiels du chômage des seniors dans nos sociétés occidentales vieillissantes.

Cessons, séance tenante, ces considérations graveleuses. En suivant cette pente, nous tombons trop facilement dans le piège tendu par William Boyle, ce grand gamin né à Brooklyn… En effet, derrière l’ironie, l’humour, la truculence (euh ! je radote, non ?), s’esquisse surtout, au fil des pages, une tendre réflexion sur les liens peu à peu tissés entre une délicieuse mamie et sa petite-fille un peu paumée. Cette relation irrigue et gagne ceux qui les côtoient. Dès lors, l’auteur nous persuade de l’importance de l’amitié… A moins qu’il ne s’agisse d’amour…

Comme le chantait un poète récemment disparu « Entre l’amour et l’amitié, il n’y a qu’un lit de différence »…
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Éteindre la lune

C'est l'attachement au quartier et la tragédie frappant ses femmes et ses hommes de peu qui caractérisent l'oeuvre de William Boyle se déroulant à Gravesend, ce quartier du sud de Brooklyn qui donne d'ailleurs son nom à son premier roman portant le numéro 1000 de l'emblématique collection Rivages/Noir. Sur la couverture de Gravesend (Rivages/Noir 2016) s'affiche l'enseigne du Wrong Number, bar décati du quartier, servant de décor à bon nombre de récits de l'auteur dont La Cité Des Marges (Gallmeister 2021) où l'on décèle cette atmosphère de douce nostalgie qui imprègne les lieux, ceci quelles que soient les époques dans lesquelles se déroulent les intrigues oscillant entre les années 80 et le début des années 2000 comme c'est le cas pour Eteindre La Lune, dernier roman de l'auteur qui revient sur les thèmes de la vengeance et de la résilience avec une galaxie de personnages pittoresques dont les destins se percutent parfois brutalement au coeur de ce petit microcosme qui devient le théâtre de cette comédie humaine, portrait d'une Amérique désenchantée.



Du haut de leurs quatorze ans, Bobby et Zeke se postent au-dessus de la Belt Parkway en balançant des projectiles sur les automobilistes. En enchainant les défis, Bobby atteint une conductrice qui perd la maîtrise de son véhicule pour trouver la mort dans l'accident qui s'ensuit. Les gamins prennent la fuite et jurent de garder le silence sur ce drame qui demeure impuni. Amelia avait dix-huit ans et faisait la fierté de son père Jack Cornacchia, une figure du quartier jouant les redresseurs de torts auprès des petites gens victimes des escrocs et autres truands de tous poils. Les années passant, Jack peine toujours à se remettre de son chagrin et s'inscrit à un atelier d'écriture avec la secrète volonté d'exorciser sa douleur en posant des mots sur son désespoir. Développant un certain talent, Jack noue une amitié quasi filiale avec Lilly, la jeune animatrice de l'atelier, une romancière en devenir qui n'est autre que l'ex belle-soeur de Bobby dont les frasques prennent de plus en plus d’ampleur avec toutes les conséquences dramatiques qui en découlent.



On est toujours fasciné par cette congruence entre les personnages de William Boyle et le visage du quartier de Gravesend dans lequel ils se débattent, à l'image de cette maison de Jack Cornacchia tout aussi abimée que son propriétaire dont l'âme s'étiole dans une infinie tristesse au gré des souvenirs de sa fille disparue. Il en va de même pour l'ambiance qui émane de ces nombreux diner's un peu miteux, mais pourtant plein de charme, théâtre des rencontres douces amères entre toute cette galerie de protagonistes évoluant dans ce cadre imprégné d'une nostalgie aux accents poétiques comme cette inoubliable et lumineuse rencontre entre Bobby et Francesca dont la relation amoureuse se construit autour de leurs escapades sur l'île de Manhattan, une véritable bouffée d'oxygène qui va pourtant tourner court. Et comme toujours, il y a le drame qui s'inscrit en toile de fond autour d'individus aussi patibulaires que maladroits, parfois même paumés qui vont perturber le quotidien de ces habitants fragilisés par les aléas d'une vie qui ne leur fait pas de cadeau. Avec Eteindre La Lune, on découvrira donc le destin funeste de Bobby, bien évidemment, qui ne se remet pas du geste fatal qu'il a commis lorsqu'il était adolescent et qui va croiser la route de Charlie French, un truand impitoyable qui sévit de manière brutale dans le quartier. Mais l'enjeu principal du récit se construit autour du parcours de Jack Cornacchia, de la perte de sa fille et de ce qu'il va faire pour surmonter ce deuil avec cet atelier d'écriture lui permettant de coucher sur le papier toute sa colère mais également tout son désarroi qui rejaillissent au gré de textes inspirés qui vont fasciner la jeune Lilly Murphy, personnage éclatant qui va illuminer la vie de Jack au gré d'une relation père-fille de substitution que William Boyle dépeint avec toute la délicatesse d'une écriture inspirée. On prend ainsi la mesure de ces petits instants de la vie quotidienne, de ces éclats de violence abrupte et de cette succession de rencontres désarmantes de sincérité autour desquels William Boyle bâti une intrigue d'une fascinante beauté qui nous empoigne le cœur au gré d'un texte au charme indéniable.





William Boyle : Eteindre La Lune (Shoot The Moonlight Out). Editions Gallmeister 2023. Traduit de l'américain par Simon Baril.



A lire en écoutant : No Ordinary Love de Sade. Album : Love Deluxe. 1992 Sony Music Entertainment (UK) Ltd.
Lien : http://www.monromannoiretbie..
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Le témoin solitaire

Le témoin solitaire… est-ce Amy, qui assiste au meurtre d'un jeune homme qu'elle suivait, le soupçonnant d'inquiéter une vieille femme du quartier ? Ou est-ce le lecteur, spectateur, au fil des pages, de l'enlisement inéluctable d'une histoire qui ne partait pas sur les meilleures bases ?



Généralement enthousiaste par rapport aux romans publiés chez Gallmeister, j'ai été particulièrement déçu par « le témoin solitaire ». L'histoire est plate, avec une conclusion plutôt navrante (je me suis accroché pour y arriver !). Les personnages sont relativement creux, aucun d'entre eux ne m'a semblé sympathique, certainement pas Amy et encore moins Alessandra, la relation entre elles étant assez pathétique. L'écriture est neutre, descriptive (que d'accumulations de noms de rue !). Elle est habitée d'une sorte de tristesse, plombant lieux, personnages et récit. Pas le meilleur moyen pour l'auteur de nous faire apprécier son quartier d'origine… quant à certaines phrases, comment les qualifier? J'ai fait notamment un blocage sur celle-ci : «Le vent se met à souffler, de cette manière si particulière qu'il a de souffler contre les fenêtres des chambres d'hôtel ». Euh, quelqu'un peut m'expliquer ?!



Mes mots sont plutôt durs, peut-être excessifs, j'en ai conscience… mais c'est à la hauteur de ma déception. Seule la superbe couverture (mais c'est une marque de fabrique de chez Gallmeister !) est finalement à retenir…

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