Poésie en prose,
Carnet d'une allumeuse de
Lydie Dattas est un recueil qui m'a beaucoup plu.
Dans une écriture tout en introspection, l'auteure fait l'autoportrait de la
jeune adolescente qu'elle fut, traversée par les doutes, éprise d'absolu et de reconnaissance, dans une poésie de l'intime.
Lydie Dattas a vécu sa beauté adolescente comme une expérience intérieure, quasi métaphysique. Une inclinaison qui l'a éloigné des filles de son âge. L'expérience du corps est avant tout pour elle celle de la pensée. Cette compréhension qu'elle fait des choses, cette lucidité à fleur de peau, elle l'éprouve avec difficulté. Au fil des expériences, des premiers amours, vivre et comprendre le mystère féminin qui s'opère en elle, est chose cruciale.
L'auteure observe le regard des autres, leur attitude, celui des filles soucieuses de leur apparence, de se rendre désirables. Elle se sent en marge, éprouve quelque chose qui la différencie. Selon elle, les autres recherchent leur part de lumière, mais en définitive « peu de femmes interrogent leur nuit (menstrues, dépucelage, grossesses, viol, avortements) », elles le relèguent à l'arrière de leur conscience ou en souffrent sans mot dire.
Autre versant de cette adolescence, c'est celui du personnage d'
Arthur Rimbaud dans lequel
Lydie Dattas y a vu son amant imaginaire :
« Sur mon lit ton livre aux yeux jaunis atteste mon naufrage…
Si je t'avais croisé, peut-être m'aurais-tu poussée dans une mer d'herbes hautes aux murs bleu diable pour m'embrasser ? Je n'ai fait que te lire et cet amour est pire ! ». le visage du grand poète, sa jeunesse éprise de liberté, portée loin du regard des autres,
Lydie Dattas s'y est confondue. « Au lieu d'improviser ma vie j'ai refleuri chacune de tes erreurs. »
Autoportrait d'une adolescente, d'une femme en devenir, reflets dans un miroir, sensible au regard porté sur elle (celui des hommes) dont elle veut se défaire pour mieux apprendre à se (re)connaître :
« Bénie et maudite, j'avais l'ordre contradictoire de penser et de plaire. (…) Regarde comme tu es belle ! » criaient les miroirs. J'avais le droit de m'admirer puisque j'étais l'oeuvre d'une autre, mais dans la glace, fixant mes yeux noirs, je ne voyais que ma pensée. »
Plus tard, l'adolescence passée, s'apercevoir que la tentative poétique d'exister, d'être au monde est terminée. Se souvenir avec regret des paroles prononcées, des impressions qui envahissaient la pensée, affleuraient la fragilité d'une jeunesse déjà en train de se faner.
Dans une écriture réflexive, sensible, parfois âpre,
Lydie Dattas relate son adolescence, la découverte de sa propre féminité, le besoin de séduire mais aussi de sa quête de spiritualité, d'absolu, du besoin de se singulariser, d'exister au-delà des apparences :
« Quand il était humain, je m'arrêtais pour échanger avec lui. « Tu es belle mais quand je parle avec toi j'oublie ta beauté », disait-il. Et je jouissais de sentir exister mon âme. »
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