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EAN : 9782072750618
96 pages
Gallimard (16/11/2017)
3.97/5   18 notes
Résumé :
Qu’une adolescente paraisse et tous les regards des hommes sont sur elle.
Mais elle est étrange et ses yeux couleur cassis couvent des pensées qui la délivrent de toute coquetterie.
Vivant sa beauté comme une expérience intérieure, sa quête obstinée de poésie l’éloigne du destin des filles de son âge. Chaque initiation se change en révélation métaphysique.
Peu à peu émerge en elle une vision révolutionnaire de la femme dont le présent texte e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Poésie en prose, Carnet d'une allumeuse de Lydie Dattas est un recueil qui m'a beaucoup plu.
Dans une écriture tout en introspection, l'auteure fait l'autoportrait de la
jeune adolescente qu'elle fut, traversée par les doutes, éprise d'absolu et de reconnaissance, dans une poésie de l'intime.

Lydie Dattas a vécu sa beauté adolescente comme une expérience intérieure, quasi métaphysique. Une inclinaison qui l'a éloigné des filles de son âge. L'expérience du corps est avant tout pour elle celle de la pensée. Cette compréhension qu'elle fait des choses, cette lucidité à fleur de peau, elle l'éprouve avec difficulté. Au fil des expériences, des premiers amours, vivre et comprendre le mystère féminin qui s'opère en elle, est chose cruciale.

L'auteure observe le regard des autres, leur attitude, celui des filles soucieuses de leur apparence, de se rendre désirables. Elle se sent en marge, éprouve quelque chose qui la différencie. Selon elle, les autres recherchent leur part de lumière, mais en définitive « peu de femmes interrogent leur nuit (menstrues, dépucelage, grossesses, viol, avortements) », elles le relèguent à l'arrière de leur conscience ou en souffrent sans mot dire.

Autre versant de cette adolescence, c'est celui du personnage d'Arthur Rimbaud dans lequel Lydie Dattas y a vu son amant imaginaire :

« Sur mon lit ton livre aux yeux jaunis atteste mon naufrage…
Si je t'avais croisé, peut-être m'aurais-tu poussée dans une mer d'herbes hautes aux murs bleu diable pour m'embrasser ? Je n'ai fait que te lire et cet amour est pire ! ». le visage du grand poète, sa jeunesse éprise de liberté, portée loin du regard des autres, Lydie Dattas s'y est confondue. « Au lieu d'improviser ma vie j'ai refleuri chacune de tes erreurs. »

Autoportrait d'une adolescente, d'une femme en devenir, reflets dans un miroir, sensible au regard porté sur elle (celui des hommes) dont elle veut se défaire pour mieux apprendre à se (re)connaître :

« Bénie et maudite, j'avais l'ordre contradictoire de penser et de plaire. (…) Regarde comme tu es belle ! » criaient les miroirs. J'avais le droit de m'admirer puisque j'étais l'oeuvre d'une autre, mais dans la glace, fixant mes yeux noirs, je ne voyais que ma pensée. »

Plus tard, l'adolescence passée, s'apercevoir que la tentative poétique d'exister, d'être au monde est terminée. Se souvenir avec regret des paroles prononcées, des impressions qui envahissaient la pensée, affleuraient la fragilité d'une jeunesse déjà en train de se faner.

Dans une écriture réflexive, sensible, parfois âpre, Lydie Dattas relate son adolescence, la découverte de sa propre féminité, le besoin de séduire mais aussi de sa quête de spiritualité, d'absolu, du besoin de se singulariser, d'exister au-delà des apparences :

« Quand il était humain, je m'arrêtais pour échanger avec lui. « Tu es belle mais quand je parle avec toi j'oublie ta beauté », disait-il. Et je jouissais de sentir exister mon âme. »

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J'avais lu en 2013 le recueil "la nuit spirituelle" de Lydie Dattas, né d'une crise amicale : son ami Jean Genet, l'avait un jour, au cours d'une dispute, disqualifiée en tant que femme : les femmes vivent dans la nuit spirituelle et ne peuvent pas créer.
Cet incident l'avait jetée, elle qui se définissait essentiellement comme poétesse, dans un chagrin et un désarroi profonds. De sa détresse était né un beau texte sur la nuit spirituelle des femmes, inaptes par nature à la création et à la spiritualité.
Bien sûr elle ne souscrit pas à ce rôle de vase consacré à recevoir la liqueur séminale ou à celui de muse emprisonnée dans une chair interchangeable que seul l'artiste, le vrai, l'homme, pourrait sculpter à sa guise. On devine que Lydie Dattas lutte et se débat contre cette assignation à n'être que pâte à modeler, laquelle n’est formulée ni pour le bien de son sexe, ni pour celui de la poésie. Le chemin reste encore presque entièrement à défricher : sur la voie qui mène à l'orée de la nuit intérieure, le danger d'anéantissement guette à chaque pas. La poétesse doit inventer et explorer l'être-femme en poésie.

Dans ce nouveau recueil sorti en 2017 et intitulé "Carnet d'une allumeuse" Lydie Dattas traite du regard masculin concupiscent jeté par l'homme sur la femme-poète, regard qui assassine la poésie en elle et la réduit à n'être que chair prosaïque ; regard disqualifiant l'altérité et rejettant le compagnonnage en poésie.
Qu'on ne s'y trompe pas, Lydie Dattas est capable d'aimer, elle qui fut durant vingt années la compagne du poète Alexandre Romanès et sut développer son art auprès de lui. Mais elle entend défendre la légitimité de sa voix sans cesse menacée : car la poésie ne doit jamais être limitée dans son expression, prostituée, ou servir d'autres fins qu'elle-même. C'est la réduire qu'en faire un enjeu de pouvoir.
Ce livre ouvre ainsi un horizon nouveau à la création en y imposant l'autre voix humaine, la grande oubliée : témoin absent qui s'est signalé en creux au cours des siècles, ou en de fantomatiques apparitions ; marques flagrantes de l'incomplétude du premier sexe qui n'a pu à lui seul représenter que sa propre moitié de ciel. Le continent féminin recèle encore des terres non explorées. Quelques grandes et exceptionnelles défricheuses y ont déjà abordé : Sapho, Marguerite de Navarre, Emily Dickinson, Sylvia Plath, Valérie Solanas, Alejandra Pizarnik... Sans elles, et leurs descendantes, la poésie resterait un cri retenu.
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La beauté des mots, le plaisir de les lire...
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Titre provocateur qui m'a attirer l'oeil puis finalement l'adopter définitivement.

C'est un livre très court, moins de 100 pages, mais pourtant il est long à lire. La prose utilisé est dense et presque chaque phrase peut être une citation.

C'est un format poche plus abordable que les grands formats avec des prix parfois un peu trop élevé (on t'aime Gallimard). J'étais étonnée car je n'ai pas l'habitude de voir des Gallimard de cette taille, sauf pour les petits carnets qu'ils font. Mais là c'est bel et bien un livre que nous avons.

Plus qu'une histoire, c'est plusieurs petits textes en prose qui sont plus ou moins par ordre chronologique. de 13 à 17 ans environ. Beaucoup se situent vers 15 ans.

On ne sait pas vraiment ce qui se passe. Il n'y aura pas de début ou de fin, pas de fil conducteur. Ce seront surtout ses pensées et son amour des livres, sa révélation.

Ses pensées de femme dans la vie et ses débuts. Les premiers regards des hommes sur elle et les premiers conflits avec les femmes.

Les hommes ne feront que la désirer tandis que les femmes et elle ne s'entendront pas ou peu. Elles lui enseignent son « rôle » tout en la rejetant.

Ce livre rend accessible les défis qu'une jeune femme rencontre au début de la puberté, ce que son corps signifie pour elle et pour les autres sans que pour autant elle est son mot à dire.

Je trouve que c'est un pari réussi. En effet, on est vraiment pris dans le texte comme dans un roman et ce même si c'est parfois difficile de suivre entre les métaphores.

Elle a une certaine rage au fond d'elle qui l'a fait vibrer. Elle veut plus que les autres femmes et plus que ce que les hommes lui proposent. Elle veut vivre pour elle et selon elle.
Lien : https://lesrecitsdhecate.wor..
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Citations et extraits (74) Voir plus Ajouter une citation
Ô la désillusion amoureuse! Une dent de lait retardataire venait de tomber. L'homme enfonça sa langue dans cet endeuillement. Aucun rapport entre la poésie et ces grognements d'ours que je repoussais avec des mains d'enfant trahi. J'étais ce bois de réglisse qu'un reître mâchonnait sous un porche glacial. Forçant vainement mes cuisses avec son genou il me traita d'allumeuse. Mes larmes gelèrent sur mes joues. Rentrée chez moi, je consultai le dictionnaire : " Allumeuse: celle qui éclaire, qui donne de la lumière." La petite sœur des prophètes...
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Mon drame n’est pas celui des femmes : c’est celui des penseurs, des voyants, des poètes. Ce sont leurs visions qui m’assaillent, leur foudre qui me tue. Le « je-ne-sais-quoi qui n’a plus de nom dans aucune langue » n’effleure pas les femmes, puisqu’il n’est que les hommes pour questionner la mort.
Penser pour une femme, quelle folie ! Cela commence par un accroc dans le velours noir de la nuit, par quoi entre l’eau sale des idées, ruinant le velours rose du cœur.
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Le délice de se trouver jolie, si aucune charité n'y entre, n'est qu'un crime imbécile. Les filles sont la vitrine du monde. Que se passerait-il si elles décidaient de la faire voler en éclat pour exister, enfin ?
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L’abîme des femmes exige une vision neuve. Le trait infinitésimant leurs yeux cherchait son exégète : je me crus désignée pour ce haussement d’âme.
Est-ce elle-même qu’une fille admire dans la glace, ou bien la foudre qui traça son visage ? Ni les filles du Tonnerre montant sur le bûcher de la conscience, ni les poétesses russes faisant de leur cœur une cache d’armes n’avaient éclairé leur mystère.
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Je pense pour épargner aux filles l’erreur tragique de penser. Je ne prône pas leur ignorance mais leur connaissance de la nuit.
La première Ève est poétique et masculine. Elle porte en elle, farouche, l’évocation d’un absolu.
Telle la renarde apprivoisée, la fille savante perd son instinct. Hier, ses yeux surnaturellement clos voyaient le cœur des enfants plein du sang jaune des marguerites ! Aujourd’hui, jetant sur le firmament son profond châle noir hanté de roses pourpres, elle obscurcit les étoiles !
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Videos de Lydie Dattas (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Lydie Dattas
Lydie DATTAS – La Foudroyée (France Inter, 2014) L’émission « Ca peut pas faire de mal », par Guillaume Galienne, diffusée le 13 décembre 2014 sur France Culture. Invitée : la poétesse en personne.
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