J'ai pris et lu cet album à la bibliothèque parce que j'attendais quelqu'un, j'aurais pu prendre n'importe quel autre posé sur la même étagère. Et là, quelle surprise! coup de coeur inattendu! Ce n'est pas un livre pour jeune enfant , mais plutôt un ouvrage pour adulte ou à lire avec un " grand enfant" pour le commenter, discuter et gérer les émotions qu'il procure. On suit une jolie femme qui se pomponne car "Même pour une balade dans la forêt avec un viellard impotent , elle voulait être irrésistible."De fait, nous entrons dans la forêt puis dans la maison du viellard. Mais que de surprises qui nous plongent dans un conte philosophique. L'éditeur dit que l'album montre à l'enfant comment dépasser ses passions et affronter "le loup" qui a pu nous dévorer, et qui est autant en soi qu'à l'exterieur. J'y ai vu pour ma part une profonde réfléxion sur le pardon, sur la capacité à s'affirmer, sur la possibilité de transformer et de dépasser toute épreuve. Finalement sur la résilience. C'est aussi un beau questionnement sur l'abus de pouvoir, le rapport de force et la façon de créer une relation différente ." j'étais fort autrefois" soupira-t-il.
" Non, non, vous n'avez jamais été fort. Vous étiez puissant. C'est autre chose." réplique Aurore. Et cette phrase sublime d'Aurore: " Je veux être assez forte pour pouvoir aimer.Même vous."
Ceci c'est pour le texte...Quant aux dessins ce sont des tableaux, des pastels magnifiques qui nous permettent d'entrer dans l'univers des contes avec leur luminosité mais aussi leur côté sombre et inquiétant. On pénètre dans le coeur de la forêt avec cette sensation de crainte et d'attirance . J'ai pensé, en terminant ma lecture à La psychanalyse des contes de fées, de B.Bettelheim.
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32 pages... 32 pages pour un inattendu coup de coeur ! Un album dont le titre aperçu dans un espace de la médiathèque qui ne m'est pas forcément familier, m'a fait tendre la main vers ce livre et devant l'intrigante et hypnotique couverture découverte, en prolongement du titre, le faire glisser dans le sac des emprunts, sans hésiter.
Je ne sais pas ce que vous faites, vous, mais moi, quand je découvre un livre, je l'apprivoise, l'ouvre au hasard, le feuillette, et là, celui-ci, comme un miroir saisissant d'abord, parce que comme Aurore la forêt fait partie de moi définitivement, et ensuite, se transformant en un regard en arrière par dessus l'épaule vers les paysages de l'enfance, parce que se promener dans les bois pendant que..., a ouvert une porte, celle d'une certaine forme de nostalgie qui nous fait rechercher parfois dans les pages lues, le bonheur de s'attarder dans un paysage, une atmosphère, un lieu qui deviendrait nôtre sous les coups de pinceaux de l'imagination, ou celle qui nous fait rechercher dans les histoires racontées, l'ombre des contes jadis lus, propice à la rêverie et à la permission d'accéder à un ailleurs connu de nous seuls.
Que deviennent les personnages des contes de notre enfance, que deviennent les loups et les fées ? Je me le suis souvent demandé sans deviner qu'un jour, l'ébauche d'une réponse se profilerait...
Merveilleux petit livre qui, tout en faisant tressaillir l'enfant en chaque lecteur, pose la question d'une forme de pardon, propose de découvrir ce que "aimer" peut écrire pour une vie, peut permettre de reconstruire, dévoilant un renversement inéluctable de la puissance et de la force qui se muent en attention et compassion chez l'autre, celui qui a été tourmenté... Un questionnement murmuré, la réponse chuchotée comme une évidence.
Mais chut ! Je n'en dirai rien de plus. Découvrez, à votre tour, ce récit bouleversant qui devient une forme d'interrogation pour chacun, et dont chacun s'appropriera la lecture sans doute selon sa personnalité : comment les heurts de la vie construisent-ils l'être en devenir, que deviennent les tourments, en parcourant les phrases et en "pénétrant" véritablement dans les magnifiques dessins qui ne demandent qu'à engloutir votre âme et votre imagination pour vous écarter du chemin de la réalité et vous enfoncer dans le sous-bois des rêves et des pensées.
"C'est que j'aime profondément la forêt, l'odeur du sous-bois, le soupir des arbres, le vol fou des geais. Vous ne m'avez pas pris cela. J'ai des lendemains radieux."
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Un magnifique récit, à l'écriture soignée et aux illustrations hyperréalistes, sur la résilience, l'amour et le pardon.
Lire la critique sur le site : Ricochet
Une chouette effraie, en retard ou en avance, traversa le chemin. Un halo de buée se formait à chacune des expirations d'Aurore. La peau des joues tendue par l'effet du froid, la tête engoncée dans les épaules, Aurore souriait. Les feuilles du sol émettaient de légers craquements sous ses pas. L'activité feutrée de la faune engourdie l'enveloppait. Aurore et la forêt ne faisait qu'un. Elle ne pouvait s'imaginer vivre sans se promener dans les bois.
Aurore força le trait de khôl sur ses yeux. Elle coinça sous son béret quelques mèches revêches, déposa deux gouttes de parfum à la naissance de son cou et enfila son caban.
Elle s’apprécia une dernière fois dans le miroir. «La plus belle, c’est moi. Et merde à Blanche Neige !», gloussa-telle.
"J'étais fort autrefois", soupira-t-il.
"Non. Non, vous n'avez jamais été fort. Vous étiez puissant. C'est autre chose", répliqua Aurore.
Aurore força le trait de khôl sur ses yeux. Elle coinça sous son béret quelques mèches revêches, déposa deux gouttes de parfum à la naissance de son cou et enfila son caban.
Elle s’apprécia une dernière fois dans le miroir. «La plus belle, c’est moi. Et merde à Blanche Neige !», gloussa-telle. La quarantaine généreuse, une allure de jeune femme et un teint de gamine, en vérité Aurore n'avait besoin d'aucun artifice pour faire ravage. Mais les soins précautionneux qu'elle portait à son apparence étaient pour elle comme le bon pain : une nécessité heureuse.
Même pour une balade dans la forêt avec un vieillard impotent, elle voulait être irrésistible.
Elle ne pouvait s'imaginer vivre sans se promener dans les bois.
Affreux jojos et deux autres Minibulles