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EAN : 9782070345168
208 pages
Gallimard (30/11/-1)
4.04/5   73 notes
Résumé :
Taciturne, secret, toujours obscur (l'histoire officielle ne s'étant pas privée de t'effacer simplement de ses étagères glorieuses allant jusqu'à écorcher souvent l'orthographe de ton nom), j'ai guetté la trace en apparence la plus insignifiante de ta vie. Le détail le plus fugace devenait pour moi lueur dans les ténèbres de ton existence. Tu as connu la maladie, les humeurs froides comme on disait alors en parlant de la tuberculose qui a mis ta vie en péril : j'ai ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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En écrivant l'histoire de Jean-Baptiste Pussin, Marie Didier a choisi d'avoir des pieds plutôt que des ailes. Cela explique la faible épaisseur du livre mais aussi sa prodigieuse profondeur car tout ce qui y est dit a matière de réalité.

Jean-Baptiste Pussin, pour Marie Didier, est d'abord une rencontre et un miroir. Une rencontre à deux cents ans d'intervalle, au hasard d'un livre, d'une ligne, d'un mot. Jean-Baptiste Pussin fait irruption dans la vie de Marie Didier et ne la lâche pas pendant deux. de cette obsession découle ce livre, sorte d'histoire à peine fictionnelle et fortement factuelle de la genèse de la psychiatrie. Jean-Baptiste Pussin est aussi un miroir déformant, culpabilisant pour Marie Didier : face à lui qui s'occupe avec tant d'intelligence des fous et des aliénés, elle, pourtant médecin, peine à trouver le temps et l'attention pour sa mère, puissance d'autrefois dont le monde s'est rapetissé brutalement au passage de la vieillesse.
Pussin arrive, jeune homme, à Paris pour y trouver du travail. Mais, écrouelleux, il est d'abord traité puis déclaré incurable, envoyé à l'hôpital de Bicêtre. Là s'entassent les malades, les pauvres, les fous (on dit : les insensés), les bandits, les criminels, même des enfants que la faim ou l'innocence ont poussé dans la rue. Les conditions de détention - car on ne sort pas de Bicêtre si facilement que cela - sont effroyables pour tout le monde, et plus encore pour les prisonniers de droit commun. Pêle-mêle, ceux de Bicêtre sont confrontés au froid et à la chaleur extrêmes, à l'humidité, à la faim, à la saleté, au malaise permanent, à la violence brute des gardiens, à celle, plus mesquine, des personnels qu'on dirait aujourd'hui soignants.

Par sa carrure, par son autorité, Pussin accède bientôt aux responsabilités. On le nomme gouverneur De l'Emploi des Fous. Il y expérimente le traitement par le bon sens et par l'humanité. Ne plus considérer ces hommes et ces femmes comme des objets à qui l'on dénie toute sensibilité. Pussin bannit les mauvais traitements, améliore la nourriture, prend le temps de parler et, surtout, d'écouter. Être présent. Regarder dans les yeux. Poser une main compatissante sur l'épaule qui, quelques instants auparavant, tressaillait nerveusement. La Révolution apporte son lot de violences, insoutenables parfois. Pour Pussin, l'histoire se chargera de son oubli : on attribue aux uns ou aux autres non pas ses découvertes, mais ses actions les plus significatives et les plus fortes, comme la fin de l'enchaînement des prisonniers.

La force de ce livre réside dans l'étrange proximité qui lie l'auteur, le lecteur et le personnage principal, Jean-Baptise Pussin. En utilisant la deuxième personne du singulier et en écrivant au présent de l'indicatif, Marie Didier parle littéralement à Jean-Baptiste Pussin, le traite comme son égal : non pas en tant que médecin (on peut considérer Pussin comme un précurseur de la psychiatrie moderne) mais en tant qu'êtres humains. C'est là la deuxième force de ce livre : sa grande humanité.
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Merci à l'auteure Marie Didier ( qui a d'ailleurs reçu le prix Jean Bernard en 2006, de la part de l'Académie de Médecine) de nous avoir fait découvrir le parcours de Jean-Baptiste PUSSIN.
Homme simple, discret, plein de bon sens et d'empathie envers ses semblables, "les insensés", enfermés comme lui à Bicêtre, vers 1771, il a alors 26 ans à peine.
Sur l'ordre du Ministre, il est donc transféré de l'Hôtel Dieu (abri-mouroir des perdus, des malades, des vénériens, des fous) à cause d'une plaie "incurable" autour du cou, sur Bicêtre.
Autour de lui, il découvre, dans le service où on l'a placé, deux cent cinquante personnes : vieillards, incontinents, paralytiques, enfants, scrofuleux, mourants, épileptiques.
Il est mieux portant que les autres, et survit grâce à une volonté de fer : exercices dès qu'il le peut dans la cour, hygiène corporelle régulière avec l'eau de la fontaine par tous les temps..
Ainsi il résiste et prend des forces.
Et on va lui demander "d'aider" quand il y a des absents. Un exemple : il recevra l'ordre de porter du linge chez les vénériens : odeur d'urine, de merde, de pus, de vomi, de sang pourri, se mêlent en une puanteur atroce, mais il faut avancer, malgré les immondices en couches épaisses qui cachent le sol, et les gémissements sur les grabats putrides.
Il va continuer ainsi 'd'aider" un peu dans toutes les "loges-cages" et se rendra bien vite compte qu'on peut tenter d'améliorer un peu l'accueil de ses semblables ( plus de nourriture par exemple, plus de propreté aussi..).
On va lui donner des titres, de la responsabilité.
Dehors gronde la révolution du peuple français qui crève de faim, puis la prise de la Bastille, Louis XVI a été décapité, la Terreur s'installe et la situation à Bicêtre est pire que jamais. de plus en plus de "fous" soi-disant y sont enfermés.

Autour de 1792/1798 (pas vraiment de précision sur la date, malgré les recherches de l'auteure) J.B.PUSSIN aura été le premier à "enlever" les colliers de fer autour du cou, des mains, des pieds, à Bicêtre (même si dans les écrits, son nom ne sera pas cité, d'autres s'en féliciteront, on dénaturera ainsi la vérité) .
Mais cet appareillage de torture, sera remplacé par cette fameuse chemise de terrible réputation, qui s'attache dans le dos et bloque les bras "la camisole" (moins pire, sans doute que les fers, mais guère mieux non plus)

Plus tard, Jean-Baptiste PUSSIN, rejoindra la Salpetrière, où il sera nommé au poste de "Surveillant des Folles".
(à lire aussi sur le sujet, l'excellent, Bal des Folles de Victoria MAS, qui poursuit quelque peu cette période sur les méthodes employées pour soi-disant guérir les folles)

L'histoire officielle de la psychiatrie a quasiment oublié, volontairement ou non , de le citer sur bien des aspects de toute son oeuvre accomplie.
Comme le fait de "déformer" son nom à maintes reprises sur des écrits de l'époque.
A croire, qu'on ne voulait pas qu'il subsiste des traces de son travail bienveillant, auprès d'une population de "fous" traités pire que des animaux dans ces loges-cages.

En conclusion, à découvrir absolument, pour tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de la psychiatrie en France.





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Marie Didier, dotée d'une empathie prodigieuse, médecin de profession, écrivaine sensible et talentueuse, rend un hommage vibrant et grandiose à Jean-Baptiste Pussin, homme du peuple, précurseur de la psychologie malgré lui.
Par ce biais, elle nous fait découvrir toute la cruauté d'une époque et de Bicêtre, avant, pendant, et après la Révolution française. Stupéfiant. Bouleversant. Impressionnant.

Émue du début à la fin, j'ai vécu un moment de lecture inoubliable. Il est inconcevable de rester insensible aux horreurs décrites, de ne pas magnifier la force et la grandeur de cet homme, de ne pas admirer son courage.
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Extraordinaire plongée dans l'histoire de la psychiatrie. C'est un livre plein d'humanité et d'empathie sa lecture devrait être "prescrite" à tous ceux qui officie dans le monde de la psychiatrie
Un livre d'émotion, de douleur mais aussi de joie et surtout d'espoir dans la capacité de l'homme à éprouver et à aider l'autre en souffrance
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" A ceux qui n'ont pas la parole"

... aux oubliés de l'histoire et aux autres...

La réhabilitation de JP PUSSIN, disparu de l'histoire des hôpitaux et de la psychiatrie. Son idée révolutionnaire? : au moment de la révolution française, laisser les fous se promener librement dans l'hôpital et peut-être aussi concevoir la camisole...

De PUSSIN il ne reste rien, que des lignes d'écritures sur les registres poussiéreux de Bicêtre.
D'ailleurs,c'est une note en bas de page qui détourne Marie DIDIER d'une recherche sur PINEL (qui a pris la place de PUSSIN).
Au-delà de l'aspect littéraire, ce livre est un formidable travail de recherche. L'auteur prend place dans le récit, puisqu'il replace ses recherches et son travail d'écriture dans son quotidien. Elle s'adresse directement à PUSSIN dans un dialogue tutoyé et par cet artifice le sort du cimetière de l'oubli.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
[ Incipit ]

Tu peux à peine bouger, contraint au silence, au recueillement dans ce désert puant, dans ce désert bruyant. Seul, seul sans vraie douleur, tu t’éveilles, la tête bloquée à peine quand elle s’incline à droite, bloquée par cette cicatrice encore fraîche à ton cou. Seul.
Peut-être en toi le désespoir, peut-être la révolte, peut-être et surtout l’hébètement d’être là, comme une brusque absence à la vie. Et il te faut vivre ces heures, ces jours, tu ne sais pas encore que ce seront des années. Tu retournes à toi-même, toi, ton unique recours. Toi, rien d’autre. Les cris, les déjections, les fenêtres murées, la tiédeur d’un air définitivement vicié, les hurlements, les râles, parfois des rires, des sanglots, des hoquets, des bras décharnés, des chemises en loques, l’urine de plusieurs jours qui stagne entre les lits, au milieu de l’allée.
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Là vivent, à côté des insensés tranquilles, les fous dangereux. Un gardien t'accompagne au pas de charge.
Tu ne connaissais pas encore ces loges, ce deuxième enfer de Bicêtre après les cachots.
Mêlés à ces insensés, se trouvent des épileptiques, des pensionnaires enfermés par ordre du roi qui tous, sensés à leur arrivée, trouvent ici les ingrédients pour devenir à plus ou moins long terme, plus fous que les fous.
Des réduits de pierre sans chauffage de deux mètres carrés. Un infirmier, ouvre les portes une à une, chacune percée d'un seul guichet par où passent l'air, la lumière, la nourriture.
Pour couchettes, des planches scellées dans le mur, de la paille de seigle maculée d'excréments.
Tu découvres loge après loge, les malades pressés par de grosses cordes contre la paroi humide verdâtre, les pieds, les mains, le cou garrottés par les fers. Ils sont parfois deux sur une auge de 70 cm de large.
Souvent les seaux, l'un pour l'eau, l'autre pour les besoins, sont renversés par terre.
L'air est à peine respirable.
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Colombier te fait découvrir une revue : La Gazette de la Santé dans laquelle écrit un certain docteur Philippe Pinel.
C'est un journal de quelques feuilles à l'usage à la fois des médecins et de l'homme sans culture médicale, mais qui veut se garder en bonne santé ; tu y retrouves avec enthousiasme sous la plume de Pinel, les préceptes qui sont les tiens depuis longtemps : l'exercice physique, l'usage modéré des médicaments et une critique dure des saignées abusives.
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C'est l'abandon ou la résistance. Tantôt l'un, tantôt l'autre. Ou l'un enchevêtré à l'autre. Et c'est avec ça qu'il nous faut tous ruser un jour, qu'on soit obscur ou renommé, d'ici ou d'ailleurs, de ton temps ou du mien.
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